Intervention de Marie-Christine Blandin

Réunion du 12 janvier 2009 à 15h00
Communication audiovisuelle — Article 2

Photo de Marie-Christine BlandinMarie-Christine Blandin :

Cet amendement de suppression concerne le projet d’audiovisuel extérieur de la France, celui qui concentre le pire conjugué de l’amateurisme et du libéralisme sans scrupule.

Nous savions le Gouvernement friand de confusions entre le public et le privé : les partenariats public-privé, ou PPP, qui endettent pour longtemps les collectivités, leur font perdre la maîtrise des projets et éloignent de ceux-ci les hommes de l’art que sont les architectes.

Nous savions le Gouvernement peu regardant sur le service public : l’objet « bâtard » qu’est France 24 va, après son bref voyage autonome, regagner le giron, mais TF1 se fera payer très cher pour sa sortie.

Voilà que vous nous proposez de nouveau un attelage mixte, sous forme d’une holding. Faudra-t-il que nous explorions toute la terminologie du monde des affaires pour donner à voir ce que vous préparez dans les codes de la loi ?

En effet, vous juxtaposez dans votre projet des structures aux intérêts contradictoires. La victime sans doute programmée est RFI, dont l’exercice sensible et complexe des missions ne résistera pas à la course aux résultats.

Parler juste aux Français de l’étranger, parler juste de territoires lointains, culturellement différents, certains sous tensions internes, certains ayant des liens obscurs ou des contentieux avec notre pays, n’est pas une mission facile.

Certains journalistes l’ont payé de leur sérénité, d’autres de leur liberté. Certains, même, y ont perdu la vie.

On ne saurait nier la complexité de produire et de diffuser en Françafrique, par exemple. On ne peut nier les forces croisées d’intérêts au milieu desquelles travaillent de façon précarisée les journalistes. Même un secrétaire d'État a obtenu une rapide mutation faute d’avoir prononcé les mots qui plaisent aux dirigeants africains !

Prenons l’exemple de RFI au Niger, où le gouvernement signe à Niamey les concessions d’exploitation de l’uranium de l’Aïr, à 1 000 kilomètres de là, où vivent les Touaregs, où AREVA, entreprise française, exploite des mines polluantes pour les Touaregs et enrichissantes pour la France. Mettez au milieu de cela quelques journalistes qui veulent faire leur métier et raconter les motifs de ce que l’on nomme « la rébellion touareg ». Vous obtiendrez deux journalistes de RFI en prison, finalement libérés et renvoyés en France, plus un journaliste nigérien de RFI longtemps gardé derrière les barreaux, et finalement libéré grâce à la solidarité de ses collègues !

Vous voudriez, en plus, que ces délicates missions soient menées par des structures d’intérêt mixtes ? Gageons, si cela était le cas, que le délicat processus de récolte et de mise en forme de l’information serait vite altéré par des pressions exogènes et par le souci des résultats.

Dans le monde, des centaines de postes, des dizaines de bureaux sont menacés : Berlin a vacillé, les autres aussi. C’est un bien mauvais coup que vous préparez à notre outil audiovisuel extérieur, à mille lieues de toute revitalisation intelligente ! J’appelle donc à la suppression de cet article.

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