Devant l’Assemblée nationale, M. le ministre de l’intérieur a déclaré que « protéger les Français […] est un combat qui nécessite une mobilisation générale et permanente », que « le Président de la République et le Premier ministre […] ont engagé une bataille déterminée », qu’ « il est nécessaire de continuer à se battre » et qu’il convient de « renforcer notre arsenal législatif »… Nous serions donc en guerre !
Certes, on peut considérer qu’un certain degré de mobilisation est légitime pour assurer la protection de nos concitoyens contre la délinquance, mais la méthode consistant à employer à l’envi de tels termes pour persuader à l’opinion publique que la situation sécuritaire est catastrophique, tout en se vantant ici d’obtenir des résultats sans cesse meilleurs, me paraît extrêmement dangereuse ! Elle l’est, en tout cas, aux yeux de tous ceux qui, attachés aux valeurs de notre République, sont convaincus qu’aller constamment dans ce sens finira par donner raison à ceux qui prônent d’autres principes.
M. Sueur et Mme Mathon-Poinat ont déjà largement exposé les raisons qui devraient conduire, en toute logique, à la suppression du présent article, quelle que soit la volonté de la commission des lois du Sénat d’atténuer la portée du dispositif.
Nous nous interrogeons sur l’opportunité de systématiser dans la loi le couvre-feu collectif. En effet, cela a été rappelé, des maires prennent déjà des arrêtés de ce type, lesquels sont, le plus souvent, validés par les juridictions administratives dès lors qu’ils sont circonstanciés et qu’ils respectent le principe de proportionnalité dans le temps et l’espace. En fait, le I de l’article 24 bis ne fait que reprendre des critères déjà posés et parfaitement connus. Pourquoi les inscrire dans la loi, sinon pour faire du couvre-feu collectif un outil de communication politique ?
Quant à l’instauration d’une mesure individuelle de couvre-feu à l’encontre des mineurs de treize ans, elle est tout à fait inutile, les dispositifs de protection de l’enfance en danger prévoyant déjà qu’un mineur de treize ans non accompagné se trouvant la nuit sur la voie publique soit reconduit directement au domicile de ses parents par les policiers ou les gendarmes. Nous savons tous ici qu’une telle mesure n’aura aucune portée concrète et que sa mise en œuvre relève du fantasme.
Encore une fois, il ne s’agit que d’obtenir un affichage médiatique. Si vous voulez changer l’ordonnance du 2 février 1945, faites-le, mais, de grâce, cessons d’accumuler les mesures de ce type !