Intervention de Anne-Marie Escoffier

Réunion du 2 décembre 2008 à 9h30
Loi de finances pour 2009 — Sécurité

Photo de Anne-Marie EscoffierAnne-Marie Escoffier :

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, c’est pour moi aujourd’hui tant un honneur qu’une épreuve d’intervenir sur la mission sécurité d’un ministère que j’ai servi avec passion, conviction et détermination.

C’est un honneur, s’agissant de l’une des missions régaliennes de l’État, garante des principes républicains et de l’indispensable équilibre entre prévention et répression.

C’est une épreuve, dès lors que, comme beaucoup d’entre nous ici, j’aurais voulu que ce projet de budget pour 2009 puisse venir à bout des retards, des dysfonctionnements et parfois des incohérences que l’on a pu relever dans la bonne marche des services en charge de la sécurité de notre pays.

Le sujet est d’autant plus délicat que la sécurité est une exigence partagée par tous les citoyens qui n’acceptent de l’État aucune exception à la notion de « risque zéro », alors qu’ils sont, à leur propre égard, d’une tolérance parfois coupable.

Il suffit pour s’en convaincre de voir le comportement de certains automobilistes qui n’hésitent pas à bafouer des règles élémentaires de conduite.

Satisfaire à cette exigence est donc un enjeu majeur, un défi que le Gouvernement entend relever.

J’ai bien lu, madame le ministre, et j’ai entendu votre volonté de mettre la sécurité publique au cœur de la démarche de modernisation de l’État, en augmentant les effectifs, en améliorant les rémunérations, en renforçant les moyens de fonctionnement et d’équipement des services de police et de gendarmerie.

J’ai suivi avec le plus grand intérêt la création, en juillet dernier, de la direction centrale du renseignement intérieur, née de la fusion de la direction de la surveillance du territoire et de la direction centrale des renseignements généraux.

J’ai adhéré au retour dans les quartiers difficiles des unités territoriales de quartier, qui, sous une nouvelle dénomination, ont remplacé la police de proximité, et tissent, avec des méthodes renouvelées, le lien social indispensable à certaines populations en déshérence au sein des quartiers difficiles.

J’ai salué les vertus du travail interministériel qui a permis, dans des formules totalement novatrices, de lutter avec efficacité contre l’économie souterraine.

J’ai relevé l’évolution favorable de certaines statistiques faisant état, là d’une réduction de la criminalité routière, ici d’une baisse de certaines formes de délinquance, ici encore de l’amélioration du taux d’élucidation des crimes et délits.

Tout cela va, assurément, dans le bon sens, même s’il nous faut analyser avec la plus grande prudence les résultats communiqués.

Car, nous le savons bien, madame le ministre, vous comme moi, les chiffres ne disent que ce que nous voulons bien leur faire dire.

Le nombre d’atteintes aux personnes a singulièrement décru à Clichy-sous-Bois, dès lors qu’a été fermée l’antenne du service de police.

Pour un chéquier volé, le nombre de plaintes peut aussi bien être d’une unité – le chéquier en question – que de vingt unités si ce chéquier comptait vingt chèques au moment du vol.

Le nombre des victimes de la route est en évolution toujours aléatoire sans qu’il soit possible d’imputer systématiquement des résultats favorables à la présence policière.

Je ne veux pas être, ici, le détracteur inconsidéré de la performance, de la quête du chiffre à tout prix, de la recherche de l’efficience idéale. Je m’interroge seulement sur les moyens de donner une meilleure efficacité à la fonction sécuritaire dont le ministère de l’intérieur a la charge.

La voie choisie est celle du rapprochement entre police et gendarmerie, placées sous la tutelle d’un même ministère. Au-delà du pilotage opérationnel, placé depuis 2002 sous l’autorité du ministre de l’intérieur, s’ajoute désormais le pilotage fonctionnel.

Ensemble, ils ont pour objet de concourir à une meilleure cohérence des deux forces, à une mise en synergie de leurs actions, à une mutualisation de leurs moyens, à une complémentarité de leurs modes d’intervention.

C’est sur ce double pilotage, madame le ministre, que je voudrais attirer votre intervention.

Comment ne pas relever, en premier lieu, un problème de calendrier ?

La particularité de la mission sécurité de ce budget tient au fait que nous examinons un texte qui doit s’appliquer à un système encore virtuel, puisque aussi bien la prochaine loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure ne pourra intervenir que dans les premiers mois de l’année prochaine.

On ne peut que regretter cette absence de « concordance des temps » qui, dans un tout autre domaine, celui de la grammaire, vaudrait une mauvaise note à l’élève défaillant ! §

Un tel retard n’est pas seulement gênant parce qu’il contraindra les deux administrations à envisager des modes de gestion provisoires, mais aussi parce qu’il est source d’inquiétude pour l’une et l’autre des deux forces.

Qui n’a pas côtoyé de très près police et gendarmerie aurait bien du mal à mesurer l’acuité de leur sensibilité. « La police marche à l’affectif », m’avait-on dit, et c’est vrai. Les policiers ont besoin de cette reconnaissance de leur autorité de tutelle pour la dangerosité et la pénibilité de leur métier ; ils sont certes, au quotidien, soumis à l’urgence, mais ils l’acceptent parce qu’elle s’inscrit dans des démarches encadrées et programmées.

Le général Gilles, directeur général de la gendarmerie, déclarait dans une récente communication : « Le gendarme, parce qu’il est fils des armées est un militaire ; parce qu’il est fils du territoire, il est toujours l’homme d’un terroir ; parce qu’il est fils de la loi, il en est le gardien intraitable ; parce qu’enfin il est fils du peuple, il en est le serviteur direct. »

Ces traits d’identité, les gendarmes veulent les conserver, coûte que coûte, et n’entendent pas les abandonner en intégrant une nouvelle administration.

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