Il est grand temps d’utiliser les deniers publics de façon plus efficiente et plus équitable, afin qu’ils profitent à l’ensemble de la population, ce qui est loin, je le répète, d’être le cas.
Plutôt que d’investir dans des domaines qui coûtent très cher, mais dont l’efficacité reste à prouver, comme la vidéosurveillance, la biométrie, les fichiers, les scanners corporels, les Taser, mieux vaudrait investir dans l’éducation, l’emploi, la formation, l’habitat social, les services publics, l’accompagnement social, le financement des associations ou, encore, le déploiement d’une police de proximité, par le biais des UTeQ.
Bien sûr, il s’agit d’une politique de longue haleine, beaucoup moins spectaculaire et moins médiatique que les descentes de police filmées au petit matin dans les campagnes françaises.
La situation nécessite ainsi de mobiliser tous les secteurs de l’État, lequel doit jouer un rôle régulateur. Il est indispensable de débloquer des moyens considérables pour engager des actions dans la continuité. C’est non pas de moins d’État que nous avons besoin, mais bien au contraire de plus d’État !
Madame la ministre, tant que votre politique restera dénuée de toute réflexion de fond quant aux causes de la délinquance, à son indispensable traitement social et à sa nécessaire prévention, elle demeurera inefficace.
On le sait, la délinquance urbaine, juvénile, prend racine dans les difficultés sociales et économiques des Français. Quand l’écart se creuse, quand on constate, d’un côté, la dégradation des conditions de vie d’une partie de la population, et, de l’autre, l’explosion des richesses, la délinquance a tendance à augmenter.
Dire cela ne signifie ni excuser ni faire preuve de laxisme : il s’agit simplement de réfléchir, d’expliquer, de comprendre, pour mieux répondre à une situation donnée.
En effet, la réponse ne peut pas résider seulement dans l’allongement des peines d’emprisonnement, dans l’abaissement de l’âge pénal à douze ans, dans la construction de prisons et d’établissements supplémentaires pour mineurs, ces lieux d’enfermement dont on voit malheureusement, jour après jour, avec la multiplication des suicides, les effets détestables. Il s’agit là d’un raisonnement simpliste – pour ne pas dire populiste ! –, assurément réducteur et inévitablement dangereux, que nous ne pouvons suivre.
Or vos orientations budgétaires continuent de privilégier, d’une part, la culture du chiffre, du résultat, et, d’autre part, la répression et l’enfermement, au détriment de la prévention de la délinquance. Alors que les prisons n’ont jamais été aussi surpeuplées, le Gouvernement se targue tout de même d’être à l’origine de la baisse de la délinquance générale pour la sixième année consécutive.
Surveiller, punir et enfermer, tel est votre credo. À cette conception sécuritaire, il convient d’opposer la mise en œuvre du triptyque « prévention-dissuasion-répression ».
La lutte contre le terrorisme et la délinquance vous permet d’imposer votre projet de société : celui d’une surveillance et d’un contrôle généralisés de la population. Depuis le 11 septembre 2001, de très nombreuses mesures législatives ont effectivement été adoptées, toutes plus liberticides les unes que les autres. La dernière tentative en date a été la mise en place du fameux fichier EDVIGE, supprimé grâce à la très forte mobilisation de la société civile.
Avant de conclure, je tiens à dire ma totale opposition à l’usage par les forces de l’ordre des pistolets à impulsion électrique Taser X26, dont l’utilisation a récemment été étendue aux 17 000 policiers municipaux, alors même que le Comité contre la torture de l’ONU estime que la douleur aiguë provoquée par ces armes constitue une « forme de torture ».
À la lumière de ces observations, vous comprendrez que les sénateurs du groupe CRC-SPG ne votent pas les crédits de cette mission.