Intervention de Michèle Alliot-Marie

Réunion du 2 décembre 2008 à 9h30
Loi de finances pour 2009 — Sécurité

Michèle Alliot-Marie, ministre :

Au-delà des chiffres absolus, ces statistiques donnent des indications sur les évolutions, évolutions qui ont une signification.

Quant à l’enquête de victimisation, qui n’est qu’une enquête et qui a été menée sur 22 000 personnes, elle permet d’apprendre beaucoup sur les victimes et sur le contexte, et de faire apparaître une absence de plaintes dans certaines situations.

Cette absence de plaintes tient à des raisons extrêmement diverses. Certaines victimes considèrent que porter plainte ne vaut pas la peine parce que l’atteinte n’était pas très importante, notamment dans les cas de violences légères ne relevant que de contraventions. D’autres victimes de violences aux personnes, notamment en milieu intrafamilial, font la mesure entre, d’une part, ce qu’elles ressentent, d’autre part, ce qu’elles craignent.

Nous essayons aujourd'hui de faire « émerger » les violences intrafamiliales dans les plaintes, et cela se traduit d’ailleurs dans les résultats : les violences aux personnes se sont stabilisées, et ce malgré une hausse des plaintes liées à des violences intrafamiliales.

Cela signifie qu’il y a une baisse considérable des violences aux personnes, comme les vols avec violence, dans le « milieu extérieur ». En revanche, grâce, notamment, à la qualité de l’accueil et à l’action menée auprès des victimes, le nombre des violences intrafamiliales déclarées, jusque-là très faible, augmente progressivement.

La délinquance générale elle-même recule, malgré les variations qui se produisent dans notre société et qui se traduisent par l’apparition de nouveaux délits ou la hausse de certains délits, qui sont révélés du fait de l’initiative accrue des services, notamment en matière de stupéfiants ; dans ce dernier cas, il n’y a pas de victimes, et c’est parce que les services sont plus actifs, à la suite notamment de la demande très forte que j’ai exprimée en début d’année, que davantage de cas sont signalés.

Preuve de cette activité renforcée, le taux d’élucidation a été porté à 37, 7 % en 2008, contre 35, 7 % dans la période précédente, et je tiens à souligner que ce taux a même atteint 40, 7 % en octobre ! Je rappellerai juste qu’il était de 25 % en 2001…

Parallèlement, car il ne s’agit pas seulement d’interpellations, les gardes à vue progressent de 3 % et le nombre des personnes mises en cause de 4, 2 %.

Avec ces résultats, les objectifs qui m’avaient été fixés par le Président de la République sur deux années sont déjà atteints ou en voie de l’être.

Pour autant, je veux encore progresser dans la protection des Français, car certaines formes de délinquance augmentent, violences « gratuites » et escroqueries. Je n’ai pas l’intention de « camoufler » quoi que ce soit ; je veux au contraire continuer de dire la vérité, comme je l’ai toujours fait, car j’estime que c’est ce qui permet d’avancer.

Les violences gratuites aux personnes, en particulier dans le milieu intrafamilial, représentent un réel problème de société ; vous avez eu raison, monsieur Courtois, de le souligner.

Les violences dites crapuleuses, les vols à main armée et les vols avec violences ont diminué, en grande partie du fait de l’action des forces de l’ordre, diminution sensible puisque, sur douze mois, elle représente 11 000 victimes de moins, tandis que l’environnement familial a vu progresser les violences de 5, 3 %.

Il y a certes une tendance à davantage signaler ce type de violences, mais nous n’en sommes pas moins confrontés à un réel problème, dont le traitement ne relève d’ailleurs pas uniquement des services de police et de gendarmerie : à côté de l’action de ces derniers, la réponse à ce véritable défi de sécurité passe aussi par la prévention et par l’éducation.

Le nombre des faits d’escroquerie a augmenté de 30 000 par rapport à l’an passé, qu’il s’agisse de l’escroquerie sur Internet, qui progresse considérablement, ou de l’escroquerie classique. Il faut mener une action, en particulier auprès des populations les plus vulnérables à cette forme de délinquance. Je proposerai donc en tout début d’année un plan d’action très général, qui associera de nombreux partenaires, en direction du plus grand nombre, en particulier des personnes âgées et des personnes fragiles.

L’insécurité routière est également un défi majeur.

Sur les dix premiers mois de 2008, nous enregistrons une baisse de 7 % du nombre de tués, soit 267 personnes, et de 9, 2 % du nombre des blessés, soit 7 906 personnes. C’est bien, mais ce n’est pas suffisant.

Les efforts portant sur la réduction de la vitesse au volant ont permis, c’est vrai, de diminuer sensiblement – de près de la moitié – le nombre des accidents mortels, mais ceux-ci ont désormais pour première cause l’alcool, en liaison parfois avec la drogue.

J’ai donc demandé aux constructeurs et équipementiers automobiles de préparer la mise en œuvre d’éthylotests anti-démarrage et la LOPSI contient une disposition qui, si le Parlement la vote, fera de la conduite de véhicules équipés de ces éthylotests une peine complémentaire obligatoire.

Pour mieux lutter contre la conduite sous l’influence de stupéfiants, j’ai doté depuis cet été les forces de l’ordre de tests salivaires beaucoup plus faciles à mettre en œuvre et qui leur permettent donc de démultiplier régulièrement les opérations de contrôle.

La LOPPSI renforcera également notre action avec des sanctions plus dissuasives, notamment la confiscation des véhicules, en cas de récidive de grand excès de vitesse, de conduite sous l’influence de l’alcool ou de stupéfiants et en cas de conduite sans permis.

Tels sont les défis qu’il nous appartient de relever ; comme l’ont souligné plusieurs intervenants et notamment MM. les rapporteurs, le budget pour 2009 nous donne les moyens de le faire.

Sur la totalité des missions relevant de mes responsabilités gouvernementales, les crédits progressent en effet de 2 % en 2009.

J’ai tenu à ce que l’on nuance en fonction des missions l’effet de cette progression et à ce qu’une priorité toute particulière soit accordée à la sécurité. C'est la raison pour laquelle les crédits de la mission « Sécurité » augmentent davantage : ils progressent de 2, 5 %.

La RGPP, dont vous êtes nombreux à avoir parlé, n’a pas à mes yeux pour finalité première de réaliser des économies ; elle doit d’abord viser à améliorer, en la modernisant, l’action que nous menons et nous conduire à utiliser au mieux chacun des euros qui nous sont donnés pour protéger les Français.

Vous l’avez dit, monsieur de Montesquiou, la RGPP est un axe fort de l’année à venir. Je regrette que les éléments que vous aviez demandés au ministère de l’intérieur ne vous aient pas tous été communiqués. Pour certains, la nécessaire intervention du ministère du budget s’est malheureusement produite trop tard pour que nous puissions vous les transmettre en temps utile. Vous le savez, aussi bien la direction générale de la police nationale que la direction générale de la gendarmerie nationale ont toujours eu pour instruction de coopérer en pleine transparence avec les commissions parlementaires.

Nous n’avons en effet rien à gagner à dissimuler quoi que ce soit : l’action est commune et, même s’il y a des divergences, par exemple sur les moyens ou sur les priorités, nous partageons tous la même volonté de protéger les Français.

Les moyens prévus dans ce budget visent d’abord à moderniser l’action des forces de police et de gendarmerie, ce qui passe d’abord par la modernisation des moyens mis à leur disposition ; tout comme vous, monsieur de Montesquiou, je suis attachée à cette orientation nouvelle de sécurité.

La modernité, c’est d’abord la police technique et scientifique : 100 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 40 millions de crédits de paiement seront consacrés à son extension.

Je souhaite également, monsieur Courtois, une police scientifique de masse, destinée aussi à la lutte contre la délinquance quotidienne, notamment les vols, les cambriolages ou les attaques contre les personnes. La politique technique et scientifique nous permet aujourd'hui d’élucider plus de 85 % des crimes. Je veux donc que les traces, quand il y en a, soient systématiquement prélevées.

Certains éléments nous aident beaucoup. Ainsi, le fichier national des empreintes génétiques, qui comportait 3 000 traces en 2002 et 500 000 au printemps 2007, en comporte à l’heure actuelle 960 000.

Cette montée en puissance a permis d’effectuer 42 300 rapprochements de traces génétiques dans des enquêtes judiciaires, d’identifier des milliers d’auteurs ou d’attribuer plusieurs faits à un même individu. Quand il s’agit d’un violeur, c’est d’autant plus important que, pour chacune de ses victimes, la première des justices est de savoir que celui qui l’a agressée sera identifié, interpellé et déféré à la justice !

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