Intervention de Éric Doligé

Réunion du 2 décembre 2008 à 9h30
Loi de finances pour 2009 — Sécurité civile

Photo de Éric DoligéÉric Doligé :

Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le rapporteur spécial, madame le rapporteur pour avis, mes chers collègues, comme mes autres collègues, je ne dispose que de cinq minutes pour parler d’un budget dont la discussion ne doit pas occuper notre assemblée plus d’une heure. Dans ces conditions, vous me permettrez d’être direct et d’aborder les quelques sujets qui me paraissent importants à traiter pour éviter que notre système de sécurité civile ne dérape ou ne se grippe.

Dans le projet de loi de finances pour 2009, l’État supporte 415 millions d’euros au titre de la mission « Sécurité civile ». Si l’on y ajoute la BSPP, le BMPM, le bataillon de marins-pompiers de Marseille– cher à notre président de séance ! –, et les crédits d’autres ministères, nous arrivons à un total de 1, 365 milliard d’euros, à comparer aux 5, 3 milliards d’euros dépensés par les SDIS.

Le rapport des dépenses entre la mission première « Sécurité civile » et celle des SDIS est donc de un à dix. Pourtant, l’État n’a toujours pas véritablement intégré la nécessité de reconnaître les exécutifs des SDIS comme des partenaires majeurs.

Je me permettrai de vous préciser l’état d’esprit des présidents de conseils généraux et des présidents de conseil d’administration des SDIS et d’exposer leur conception de la gouvernance de leur établissement public, qui doit reposer sur des relations de bonne intelligence entre l’État et les représentants des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires.

Madame le ministre, vous avez dû avoir quelques échos de notre dernière conférence nationale des services d’incendie et de secours, au cours de laquelle sa composante « élus » s’est largement exprimée pour préciser avec force que la méthode utilisée devait être remise à plat.

Dans cette partition à trois mains – SDIS, État et sapeurs-pompiers –, il faut garder à l’esprit que les élus occupent une place à part entière, surtout dans un système d’essence démocratique. En tant que premiers financeurs au travers de leur collectivité de rattachement, ils doivent avoir la main pour décider ; ils n’accepteront plus de se la voir forcer.

Je puis malheureusement vous donner quelques exemples de ce qu’il ne faudra plus faire.

Il ne faudra plus lancer l’idée d’un texte réglementaire revalorisant la fonction de sapeur-pompier volontaire avec un impact financier important – 60 millions d’euros, selon les premières estimations de l’époque – sans qu’il y ait eu d’échanges prospectifs et techniques avec les élus.

Il ne faudra plus rendre, à la veille de l’été, des arbitrages confidentiels sur les contingents communaux augmentant la pression sur les finances départementales. Le Premier ministre a tranché la question sans aucune information des présidents de SDIS.

Il ne faudra plus non plus négocier des référentiels relatifs au secours à personnes sans engager le moindre échange avec ceux qui auront à en assumer le financement, lequel ne peut qu’exploser en raison de la désertification médicale et des carences des SAMU.

Il faudra stopper la prolifération des textes statutaires et des normes. À titre d’exemple, le fait de changer la norme fixée pour les gants entraîne un coût de 3 millions d’euros.

Il faudra fournir des études d’impact financier des mesures envisagées avant de mettre les arrêtés à la signature.

II ne faudra pas réfléchir dans le secret des cabinets sur la création de « généraux civils ». Si certains ont à l’esprit une telle mesure, celle-ci ne passera pas ! Nous ne connaissons que trop les glissements pyramidaux et leur impact financier. Si l’État veut nommer des généraux, qu’il les finance !

Les commissions de sécurité, totalement indépendantes du fonctionnement des SDIS, qui sont sous l’entière responsabilité de l’État pour leur gestion, mais sont financées à 100 % par les collectivités, doivent être prises en charge par l’État. Le SDIS paie et l’État dispose !

Le FAI doit devenir transparent. Actuellement, ses moyens fondent comme neige au soleil, probablement sous l’effet du réchauffement de la planète ! Le prétexte avancé par l’État d’une mauvaise utilisation de ce fonds par les collectivités n’est pas intellectuellement honnête. Nous ne pouvons appliquer la règle qui nous impose d’utiliser ces crédits sur l’année d’attribution, puisque les contraintes des marchés publics font que les achats ne peuvent se solder pendant cette même année.

Nous vivons également l’anomalie d’un service bicéphale, exception française : les élus financent et gèrent, tandis que l’État prend la main dès que les pompiers deviennent opérationnels hors de leur caserne.

Pour un esprit cartésien, à l’heure de la RGPP, le système en vertu duquel celui qui gère n’est pas celui qui utilise doit être revu.

Acceptez, madame le ministre, d’examiner au fond le problème de la dualité, afin de voir s’il est possible de le clarifier. Sur plus de 3 millions de sorties, savez-vous combien de fois les préfets ou maires ont pris la tête des opérations hors leur très rare présence en tant que spectateur ? À mon avis, ce doit être de l’ordre de un pour cent mille, voire de un pour un million.

L’État doit faire des choix !

Il doit choisir son interlocuteur direct : l’employeur ou l’employé. Actuellement, l’État s’adresse à l’employeur après avoir négocié les réformes envisagées avec les employés. Transférer ce mode opératoire dans les collectivités n’est pas imaginable. Le patron d’une collectivité est l’élu, c'est-à-dire le maire, par exemple, et non le directeur des services. L’État doit accepter que celui qui paie commande et décide.

Dans la mesure où la loi nous a confié la responsabilité des services départementaux d’incendie et de secours, nous avons besoin que l’État nous communique des expertises et des analyses de prospective susceptibles de nous permettre d’anticiper l’évolution des métiers liés à la sécurité civile.

II faut que la direction de la sécurité civile joue auprès des élus des SDIS le rôle qu’elle jouait auprès de l’État avant la départementalisation. La problématique « pompiers » doit être traitée transversalement au niveau de l’État, afin d’éviter les effets collatéraux des dispositions de portée générale, à l’instar de la NBI, la nouvelle bonification indiciaire, dont les conséquences ont été très sensibles sur nos finances.

Bien entendu, si l’État considère qu’il doit garder la main – à la limite, pourquoi pas ? –, alors que les élus ont consenti des efforts considérables pour remettre les SDIS à niveau en dix ans – les chiffres sont éloquents –, ceux-ci sont prêts à confier à l’État la responsabilité pleine et entière des SDIS : financement, gestion et mode opérationnel.

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