Intervention de Michèle Alliot-Marie

Réunion du 2 décembre 2008 à 9h30
Loi de finances pour 2009 — Sécurité civile

Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales :

Monsieur le président, madame le rapporteur pour avis, monsieur le rapporteur spécial, mesdames, messieurs les sénateurs, les menaces qui pèsent sur la sécurité de nos concitoyens sont aujourd’hui globales, protéiformes et multiples. C’est la raison pour laquelle nous abordons en même temps les questions de la sécurité et de la protection civile.

Les forces de sécurité civile ont pour mission de protéger les Français en tout temps, en tout lieu, contre tous les risques, qu’ils soient quotidiens ou exceptionnels, naturels ou industriels.

Il est de ma responsabilité de moderniser les forces de sécurité civile pour qu’elles répondent aux nouvelles formes de menaces. C’est ma première priorité !

Le projet de budget de la mission « Sécurité civile » repose sur deux exigences : répondre aux préconisations du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et mieux coordonner les moyens de secours.

Le Livre blanc place en effet la sécurité civile au cœur de la nouvelle stratégie nationale de sécurité, exactement au même titre que la sécurité intérieure. C’est pourquoi je me réjouis de la convergence temporelle de l’examen des projets de budget de ces deux missions.

Néanmoins, vous n’êtes pas sans savoir, mesdames, messieurs les sénateurs, que je n’ai pas attendu le Livre blanc pour réorganiser les services du ministère de l’intérieur selon cette vision prospective. Ainsi que je vous l’avais annoncé l’an dernier, j’ai créé une délégation à la prospective et à la stratégie au sein du ministère, pour renforcer nos capacités d’anticipation et d’adaptation face à l’évolution des grands enjeux nationaux et internationaux, de l’état des menaces et des vulnérabilités.

J’ai bien compris, monsieur Doligé, que vous souhaitiez participer à la réflexion menée sur ces points. Je suis évidemment favorable à ce que les rapports de cette délégation concernant la sécurité civile puissent vous être remis. C’est une bonne façon de travailler et de réfléchir ensemble sur les besoins.

Par ailleurs, la direction de la planification de sécurité nationale, que j’ai également créée auprès du secrétaire général, aura pour mission d’élaborer, d’actualiser et de suivre les plans qui relèvent de ma responsabilité directe. Outre la planification de défense civile, la sécurité des systèmes d’information et l’intelligence économique, cette nouvelle direction animera aussi le réseau des préfets de zone dans l’exercice de leur mission de défense civile.

Les préfets de zone ne se déplacent pas, au quotidien, sur tous les incidents, mais ils jouent pleinement leur rôle dans les événements majeurs. Nous avons pu encore le constater récemment, lorsque des inondations ont frappé le sud-est de la France, ou, l’été dernier, quand une tornade a touché le département du Nord.

De plus, un centre interministériel de crise sera mis en place à la fin de l’été 2009 dans les locaux mêmes du ministère, place Beauvau. Il pourra accueillir en permanence toutes les composantes interministérielles concernées et les plus hautes autorités de l’État en cas de catastrophe nationale majeure.

Le projet de budget pour 2009 donne les moyens opérationnels et immobiliers nécessaires pour poursuivre la mission de protection des Français dans le cadre de la responsabilité de l’État.

S’agissant, en premier lieu, des moyens opérationnels, vous n’êtes pas sans connaître, mesdames, messieurs les sénateurs, le risque NRBC, qui peut provenir soit d’attentats terroristes, soit de catastrophes industrielles.

Deux avancées portent spécifiquement sur ce risque NRBC.

D’une part, des moyens de protection contre cette menace doivent être acquis et mis à la disposition des SDIS. Les capacités de décontamination seront triplées jusqu’à deux cents chaînes, de façon à répondre à un événement qui concernerait un grand nombre de personnes ou à plusieurs événements qui se produiraient simultanément en plusieurs endroits sur le territoire national. De la même façon, un parc de seize « véhicules » de détection, de prélèvement et d’identification biologique et chimique sera constitué. Il est évident que de tels investissements doivent être réalisés au niveau de l’État.

D’autre part, les équipements des services opérationnels de la direction de la sécurité civile, la DSC, – les formations militaires et le service du déminage en matière de lutte contre la menace NRBC – seront renforcés.

Face à cette menace nouvelle, à laquelle nous ne songions pas voilà encore quelques années, nous devons faire preuve d’anticipation et nous tenir prêts à agir.

Au-delà de la menace NRBC, d’autres moyens d’intervention, plus classiques, seront confortés. Ainsi, les transports héliportés d’urgence seront renforcés avec l’acquisition de deux hélicoptères EC-145 et d’un hélicoptère EC-225 pour la Martinique et La Réunion, ainsi que de deux hélicoptères Dauphin pour la Polynésie Française, de façon à accompagner l’outre-mer qui, de par son isolement, a davantage besoin de notre soutien pour accompagner le désengagement de certaines forces militaires.

En matière de lutte contre les feux de forêt, les flottes de camions-citernes de l’Unité d’instruction et d’intervention de la sécurité civile seront progressivement renouvelées et dimensionnées aux différents terrains d’emploi ; je pense notamment à la Corse. Il faut, à chaque fois, avoir des retours d’expérience, afin d’adapter au mieux nos moyens.

S’agissant des moyens immobiliers, les efforts de réhabilitation et de sécurisation des infrastructures immobilières de la direction de la sécurité civile seront poursuivis.

Cinq opérations de mise aux normes et de sécurisation des sites de stockage des munitions récupérées avant destruction sont prévues à Caen, Vimy, Suippes, Laon et Bordeaux. Le bâtiment d’hébergement de l’Unité d’instruction et d’intervention de la sécurité civile de Nogent-le-Rotrou sera, quant à lui, restructuré.

Ma seconde priorité consiste à mieux coordonner les moyens de secours relevant de la politique interministérielle de sécurité civile.

La loi de modernisation de la sécurité civile de 2004 charge l’État de garantir la cohérence de la sécurité civile sur le plan national, d’en définir la doctrine et d’en coordonner les moyens.

Il ne s’agit pas ici de nier ou de minimiser le rôle joué par les SDIS, pas plus que l’effort financier qu’ils accomplissent. Mais, que je sache, le Parlement n’a pas à se prononcer sur les budgets des SDIS !

J’ai d’ailleurs entendu un certain nombre d’inexactitudes. Madame Assassi, je n’ai jamais envisagé la fermeture de casernes de sapeurs-pompiers, d’autant que ces décisions relèvent de la compétence des conseils généraux… Quand on examine un projet de budget, il faut se concentrer sur les éléments qu’il contient ! Je vous ai également entendue dire, madame la sénatrice, que la Conférence nationale des services d’incendie et de secours, la CNIS, aurait désapprouvé le rapport. C’est faux : il a été approuvé ! Un arrêté ministériel doit être soumis à la CNIS en février 2009. Vous devriez veiller à ne pas énoncer des contre-vérités.

Revenons-en aux moyens de secours relevant de la politique interministérielle. De nouvelles interventions structurantes sont prévues par le projet de budget pour 2009.

Tout d’abord, une action de modernisation de l’alerte aux populations sera menée sur cinq ans. Bien entendu, les sirènes seront conservées, mais les systèmes d’alerte seront modernisés, notamment grâce aux téléphones portables, aux ordinateurs de poche ou encore aux panneaux urbains électroniques d’information, qui constituent des moyens rapides et efficaces d’alerte en cas de crise.

De la même façon, pour la prévention et l’alerte des aléas marins, et en particulier des tsunamis – même s’il est moins important chez nous que dans d’autres régions du globe, le risque de tsunami existe également sur nos côtes –, un Centre régional d’alerte aux tsunamis pour l’atlantique nord-est et la méditerranée occidentale, le CRATANEM, sera créé et connecté au système rénové d’alerte des populations.

Enfin, la migration de la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris vers l’infrastructure nationale partagée de transmission ANTARES renforcera l’interopérabilité de cette unité avec l’ensemble des SDIS de France. Ainsi, 25 % des pompiers utilisent déjà ce réseau numérique partagé avec les forces de sécurité. Son infrastructure, financée par l’État, remplace progressivement les réseaux des départements.

Madame Troendle, je partage l’attention que vous portez à la BSPP. Je souhaite rappeler que, compte tenu des fortes sollicitations que connaît cette unité, des efforts de rattrapage importants ont été consentis dans le cadre du plan de modernisation : 750 militaires ont été recrutés, dont 20 officiers et 144 sous-officiers.

Au-delà, et pour répondre à des préoccupations exprimées sur toutes les travées de cette assemblée, j’ai décidé de créer une commission « Ambition volontariat ». Le volontariat est en effet au cœur du dispositif de sécurité civile, puisque trois interventions sur cinq sont assurées par des volontaires.

Les mesures du plan d’action en faveur de la disponibilité des volontaires commencent à porter leurs fruits : 8 000 conventions ont été signées avec les employeurs des volontaires et 2 millions d’euros de crédit d’impôt ont été affectés par l’État à l’application de la loi relative au mécénat. Ces conventions sont importantes et j’ai d’ailleurs veillé à ce que le ministère de l’intérieur, à l’instar du ministère de la défense, d’autres ministères et de grands organismes publics comme La Poste, y participent également.

Cette commission conduira également une réflexion pragmatique et prospective pour encourager et consolider le volontariat dont nous avons absolument besoin.

C’est aussi une meilleure coordination qui doit nous permettre de gagner en rationalisation et en performance : des outils de pilotage ont été mis en œuvre par l’État au titre de la loi de finances pour 2007. Ils commencent aujourd’hui à porter également leurs fruits. Ainsi, les élus locaux ont pu ramener l’an dernier à 2 % la progression des budgets des SDIS. L’augmentation des dépenses devient donc plus raisonnable, d’autant que des efforts très importants ont été accomplis en la matière dans les années précédentes.

Soyez assurés, mesdames, messieurs les sénateurs, que l’État, quant à lui, assumera ses responsabilités financières, au moyen du fonds d’aide à l’investissement des SDIS, de la prestation fidélisation-reconnaissance, du régime d’indemnisation des sapeurs-pompiers et de la participation au financement de l’ENSOSP.

Au-delà du domaine financier, l’État assumera également ses responsabilités « en nature », par un certain nombre de moyens nationaux, la prise en charge des renforts interdépartementaux, qui jouent un grand rôle en cas de catastrophe exceptionnelle, les crédits des autres programmes ministériels.

Je voudrais souligner que les crédits de la mission ne traduisent que partiellement l’engagement de l’État. Si l’on intègre l’apport de la participation des autres ministères, l’engagement de l’État s’élève à plus de 972 millions d’euros. Et si l’on inclut la BSPP et la Brigade des marins-pompiers de Marseille, nous arrivons même à 1, 365 milliard d’euros.

S’agissant plus particulièrement du FAI, je rappelle qu’aux crédits inscrits s’ajoutent ceux qui sont consacrés à la réalisation de l’infrastructure ANTARES.

En outre, en pérennisant les contingents communaux, comme nous venons de le faire, c’est le lien entre les SDIS et les collectivités territoriales, en particulier les communes, qui se trouve réaffirmé.

Je comprends que l’évolution du financement des SDIS soit une préoccupation. Je rappelle simplement à ceux qui l’auraient oublié que l’État ne doit compenser que les seuls crédits qu’il consacrait à une mission au moment où celle-ci est décentralisée. C’est la règle constitutionnelle ! Il est vrai que, le plus souvent, des événements futurs ou la volonté de perfectionnement des départements, que je salue, font que des dépenses supplémentaires sont engagées. Mais la compensation du transfert est assurée à l’euro près.

L’État souhaite accompagner la rationalisation engagée en permettant, justement, que l’évolution du financement des SDIS ne soit pas supérieure à l’inflation.

Je veux rassurer M. Doligé, que je félicite de sa brillante réélection à la présidence de la Conférence nationale des services d’incendie et de secours : l’État entend donner un nouveau souffle au dialogue, indispensable, qui a été engagé avec les élus départementaux en 2004. C’est pourquoi j’ai souhaité que tout projet réglementaire ou normatif soit étudié le plus en amont possible de son application. Cela relève d’ailleurs de la compétence de la Commission consultative d’évaluation des normes.

Mme Troendle a évoqué les difficultés que rencontrent les SDIS pour atteindre le taux d’emploi légal de 6 % de travailleurs handicapés. J’ai demandé à mon collègue chargé de la fonction publique d’examiner les conditions dans lesquelles l’exonération applicable aux entreprises privées soumises aux mêmes contraintes pourrait être étendue aux SDIS.

Par ailleurs, une réflexion globale portant sur la déclinaison du fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans les trois fonctions publiques est en cours.

S’agissant de l’ENSOSP, j’indiquerai à M. Haut et à Mme Troendle que la première phase d’installation de l’école sera bien achevée à la fin de 2009, conformément au calendrier retenu. Le cadre budgétaire sera respecté, ce qui nous permettra même d’acquérir l’emprise foncière supplémentaire nécessaire à la seconde phase prévue par le contrat d’établissement.

Enfin, madame Troendle, vous estimez que la culture de sécurité civile est insuffisamment diffusée auprès des élèves. Je puis vous assurer que mes services sont pleinement mobilisés à cet égard. Outre leur rôle d’expert auprès du ministère de l’éducation nationale, ils participent à des actions de sensibilisation à l’occasion de rencontres nationales, telles que le salon Kidexpo, le salon des maires et des collectivités locales ou les journées de la sécurité intérieure, ou locales, par exemple la sensibilisation de 8 500 élèves par le SDIS du Haut-Rhin. Ces actions ont suscité un grand intérêt, notamment chez les jeunes. En outre, de nouveaux outils pédagogiques apparaîtront au premier semestre de 2009 : la revue Risques et Savoirs et un DVD ludo-pédagogique.

J’ai bien noté votre souhait que les actions de sensibilisation s’adressent plus spécifiquement aux départements ou aux localités à risques. Votre observation est tout à fait judicieuse, et je ne manquerai pas de lui faire donner une traduction concrète.

Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial, madame le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de budget pour 2009 vise à renforcer nos capacités de réponse à des risques toujours plus nombreux, diversifiés et globaux, et de garantir, en tout temps et en tout lieu, la qualité des secours en permettant l’intégration de tous les acteurs dans la chaîne de sécurité civile, pour une plus grande efficacité. Nous pourrons ainsi accomplir notre mission fondamentale au service des Français : protéger la vie de nos concitoyens, secourir les plus fragiles d’entre eux.

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