Intervention de Gisèle Printz

Réunion du 2 décembre 2008 à 15h15
Loi de finances pour 2009 — Solidarité insertion et égalité des chances

Photo de Gisèle PrintzGisèle Printz :

Monsieur le président, mesdames les secrétaires d’État, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, mon intervention portera sur le programme « Égalité entre les hommes et les femmes », dont les crédits s’élèvent à 29 millions d’euros seulement. Autant le dire d’emblée : ils ne sont pas à la hauteur des attentes. L’État ne se donne pas vraiment les moyens d’instaurer rapidement une réelle égalité entre les deux sexes.

Tout d’abord, concernant la prévention des violences faites aux femmes, dont les crédits figurent à l’action « Égalité en droit et en dignité » de ce programme, je rappelle que, en France, 10 % des femmes sont victimes de violences au sein du couple et qu’une femme meurt tous les deux jours sous les coups de son conjoint ou ex-conjoint. Le plan global 2008-2010 que vous avez présenté en novembre 2007, madame la secrétaire d’État, comportait des mesures intéressantes pour lutter efficacement contre ce fléau, mais sa mise en œuvre tarde sur différents points.

L’image de la femme dans les médias, par exemple, devait être davantage respectée. Or force est de constater que tel n’est toujours pas le cas. Je pense notamment au « porno chic » dans la presse « féminine » et aux mannequins présentés en couverture, qui incitent les adolescentes à l’anorexie.

Par ailleurs, le dispositif de prévention de la récidive chez les hommes violents devait être renforcé. Qu’en est-il exactement à cet égard ?

Le gouvernement espagnol a décidé de mener une politique volontariste de lutte contre la récidive en finançant l’utilisation d’un bracelet électronique doté d’un système de navigation GPS pour contrôler les déplacements des hommes faisant l’objet de mesures d’éloignement de leur compagne ou ex-compagne à la suite de mauvais traitements. La France ne pourrait-elle se donner les moyens de mettre en place un tel dispositif ?

À l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, le 25 novembre 2008, le mouvement « Ni putes, ni soumises » a interpellé le Président de la République, afin que la lutte contre les violences faites aux femmes soit décrétée grande cause nationale de l’année 2009. Nous soutenons cet appel.

Je souhaite maintenant souligner l’importance de l’effort qu’il convient de consentir au bénéfice des associations qui œuvrent à la promotion de la contraception et au suivi des dispositions relatives à l’IVG.

Deux grossesses non prévues sur trois surviennent chez des femmes qui déclarent utiliser un moyen contraceptif. Par ailleurs, les pilules dites « de troisième génération » ne sont pas remboursées, alors qu’elles sont largement utilisées. Il est important qu’une réflexion d’ensemble soit menée sur un meilleur remboursement de la contraception, pour élargir au maximum et mieux adapter son utilisation, afin d’éviter les « accidents ».

De plus, une meilleure information doit être diffusée dans les collèges et les lycées. Nous comptons sur vous pour y veiller, madame la secrétaire d’État.

La situation en matière d’accès des femmes aux responsabilités et à la prise de décisions est amenée à évoluer favorablement grâce à l’adoption, lors de la dernière révision constitutionnelle, d’un amendement favorisant l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales.

Toutefois, dans l’immédiat, nous ne pouvons que regretter que, dans le cadre des actions favorisant la connaissance et la valorisation de la place et du rôle des femmes dans la société, il ne soit pas fait référence à leur représentation dans les manuels scolaires. En effet, d’après une étude de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, réalisée de juin 2007 à mars 2008, l’image des hommes et celle des femmes continuent de faire l’objet d’un traitement différencié, l’image des femmes étant moins valorisante.

De manière générale, l’étude relève la présence de stéréotypes dans les manuels scolaires, et ce quelles que soient les disciplines enseignées, y compris l’éducation civique. Madame la secrétaire d’État, en véhiculant parmi les enfants, dès le plus jeune âge, des représentations stéréotypées de la société, ces manuels peuvent être à l’origine des discriminations dont sont victimes les femmes ; il est important de s’en préoccuper.

Concernant l’égalité professionnelle, dont le développement correspond à l’objectif 1, nous pensons que l’instauration de la parité au sein des filières de formation initiale scientifiques et techniques est essentielle pour parvenir un jour à une réelle égalité professionnelle.

Je note que si les indicateurs de performance prévoient une augmentation du nombre de filles dans ces filières à l’horizon de 2010, cette augmentation est très insuffisante. En terminale STI, la proportion de filles atteignait 9 % en 2007 ; il est prévu que ce taux s’élève à 9, 2 % en 2008 et à 9, 6 % en 2010 : à ce rythme, il faudra deux siècles pour arriver à 50 % de filles en terminale STI ! Mais comment pourrait-il en être autrement avec si peu de moyens ?

Par ailleurs, l’égalité salariale entre hommes et femmes est une composante essentielle de l’égalité professionnelle. On nous rappelle les termes de la loi du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes et on nous propose « des incitations financières pour les actions qui contribuent à l’atteinte de cet objectif ».

De telles mesures s’inscrivent dans le droit fil de cette loi, qui présentait des objectifs louables, mais dont les dispositions demeuraient simplement incitatives.

J’avais dénoncé, à l’époque, son caractère non persuasif et l’absence voulue de sanctions dans le cas où les négociations n’aboutiraient pas à la réduction des écarts de rémunération. Du côté du Gouvernement, on préfère rester prudent, ce que nous regrettons.

Pour ce qui est de l’action « Articulation des temps de vie », elle est, avec moins de 200 000 euros de dépenses d’intervention, le parent pauvre de ce programme. Pourtant, l’enjeu est important, car les schémas traditionnels évoluent peu. Les femmes consacrent toujours deux fois plus de temps que les hommes aux tâches domestiques, les hommes consacrant trois fois moins de temps que les femmes aux enfants.

Il s’agit de donner des droits et des devoirs égaux aux femmes et aux hommes dans la vie privée, avec notamment un partage équilibré de la prise en charge des enfants. Hier, Ségolène Royal §avait ouvert la voie avec le congé de paternité. Nous pensons aujourd’hui que celui-ci peut évoluer vers un véritable congé parental alterné, comme en Suède. Bien entendu, cela ne doit pas se faire au détriment de l’ouverture de nouvelles crèches, pour laquelle un soutien financier du Gouvernement est souhaitable.

En conclusion, mesdames les secrétaires d’État, monsieur le haut-commissaire, pour mener une politique volontariste en direction des femmes, il faut s’en donner les moyens.

Ces moyens sont financiers, d’une part. Or ils sont en l’occurrence insuffisants, comme nous venons de le voir en examinant les crédits de la mission.

Ces moyens sont politiques, d’autre part. En particulier, nous ne cessons de le répéter, la création d’un secrétariat d’État dédié aux droits des femmes est nécessaire. Il convient aussi de mettre en place une politique efficace à l’échelon régional. À ce propos, nous nous méfions du rattachement opéré, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, des déléguées régionales aux droits des femmes aux secrétariats généraux pour les affaires régionales. Faire des économies ne signifie pas forcément gagner en efficacité, bien au contraire.

Nous ne pourrons donc voter ce projet de budget, qui manque singulièrement d’ambition.

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