Monsieur le président, mesdames les secrétaires d’État, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, avant d’exposer les deux volets de mon intervention sur la politique du handicap, je tenais à évoquer les interrogations, pour ne pas dire les inquiétudes, que suscite la nouvelle organisation de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
La nouvelle architecture des politiques publiques tournées vers la pauvreté laisse en effet à penser que l’emploi est le remède unique et ultime à toutes les pathologies sociales. Or celui-ci doit être un objectif accessible, mais non un impératif catégorique.
De même, le renversement de la logique de financement, lequel se fonde désormais sur les modes de ressources, et non sur les besoins des publics accompagnés, pose de sérieux problèmes en termes de gouvernance et de prise en compte de la pluralité des demandes.
Je m’inquiète, en outre, de la baisse des crédits touchant deux actions relatives aux familles vulnérables. En effet, les crédits du dispositif de conseil conjugal et familial vont baisser de 40 %, et ceux du soutien à la parentalité de près de 48 %. Cette réduction des moyens met en péril les partenariats et les dispositifs préventifs déployés par les réseaux d’appui et d’accompagnement des parents, dispositifs qui ont pourtant montré toute leur pertinence et leur efficacité au fil des années.
Il faut avoir le courage de reconnaître que la question sociale est complexe et que son traitement peut prendre du temps. En la matière, les mécanismes curatifs doivent nécessairement aller de pair avec des mesures préventives. En ne prenant pas en considération la singularité et la cohérence des différentes approches de la question sociale, les politiques menées en direction des plus démunis peuvent s’avérer inefficaces et même devenir contre-productives. En matière de politique sociale, l’adage « mieux vaut prévenir que guérir » garde toute sa pertinence.
J’évoquerai maintenant le programme « Handicap et dépendance », qui représente plus des trois quarts des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Doté de 8, 6 milliards d’euros, son financement est en hausse, conformément aux orientations issues de la conférence nationale du handicap du 10 juin dernier.
Ce programme comporte deux enjeux qui me semblent particulièrement cruciaux : le financement des maisons départementales des personnes handicapées et l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap.
Créées par la loi du 11 février 2005, les MDPH sont chargées d’offrir un accès unifié aux droits et aux prestations des personnes handicapées, sur la base d’une évaluation personnalisée des besoins et des capacités des intéressés. Elles jouent donc un rôle pivot pour les politiques du handicap.
Cependant, quatre ans après leur création, leur financement pose un certain nombre de problèmes qui ne sont toujours pas réglés.
Dans mon département, les Côtes-d’Armor, la MDPH suit près de 15 000 adultes en situation de handicap. Entre 2006 et 2007, elle a enregistré une hausse de 7 % du nombre des dossiers en cours d’instruction, et cette évolution ne risque pas de ralentir puisque la structure, encore relativement jeune, gagne en notoriété d’année en année.
Dans le projet de loi de finances, les crédits ouverts pour ces structures s’établissent à 14, 1 millions d’euros pour 2009. Leur montant reste inchangé par rapport à 2008, alors que cette dotation se révèle très insuffisante chaque année depuis 2005.
Toutefois, le principal problème réside dans la prise en charge des besoins de compensation des personnes en situation de handicap.
C’est le fonds départemental de compensation, également créé par la loi du 11 février 2005, qui est censé l’assurer. Or les fonds départementaux de compensation ne peuvent tenir leurs engagements, puisque leur financement repose sur le principe d’une participation facultative pour un champ d’intervention obligatoire. Il apparaît que seuls l’État et les conseils généraux les abondent régulièrement, les autres acteurs apportant leur contribution au cas par cas, selon des conditions qui leur sont propres. Les MDPH doivent ainsi solliciter les financeurs les uns après les autres.
Aussi, étant donné les lourdeurs administratives du traitement des dossiers et la complexité du dispositif de prise en charge de la compensation, les MDPH ne peuvent, en raison d’un évident manque de moyens humains, élaborer comme il se doit les plans personnalisés de compensation. Comme les contributeurs appliquent des critères de prise en charge spécifiques, le dispositif va à l’encontre de toute logique de mutualisation, d’universalité et d’égalité de traitement.
Je voudrais terminer mon propos en évoquant l’action 2 « Incitation à l’activité professionnelle ». Il s’agit d’une urgence politique et sociale alors que le taux de chômage des personnes handicapées est quatre fois supérieur à celui de la population active valide.
Cette action, dotée de 2, 5 milliards d’euros, représente près de 29 % des crédits du programme. Elle s’appuie également sur les financements du programme « Accès à l’emploi » de la mission « Travail et emploi », de l’AGEFIPH et du Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, le FIPHFP.
Cette action s’articule autour de deux axes : le financement des établissements et services d’aide par le travail, les ESAT, pour un montant supérieur à 1, 3 milliard d’euros, ce qui devrait permettre de financer 114 000 places d’accueil ; le financement de l’aide au poste dans le cadre de la garantie de ressources pour travailleurs handicapés, la GRTH, entrée en vigueur le 1er janvier 2007.
Cette garantie vise à faire en sorte que l’essentiel des ressources disponibles des travailleurs soit lié à leur activité, et non à leur taux d’incapacité. De ce fait, en conditionnant l’attribution des ressources à l’employabilité, le Gouvernement compromet l’avenir des personnes handicapées, qui souffrent souvent de leur faible niveau de qualification et des réticences des employeurs. La logique retenue me semble pour le moins contre-productive.
Le secteur protégé représente sans doute, et c’est encore plus vrai en temps de crise, le milieu optimal pour l’accès à l’emploi des personnes handicapées. En effet, le constat est alarmant : en dépit des efforts accomplis depuis vingt ans par des structures telles que l’AGEFIPH, près de 200 000 personnes handicapées restent aujourd’hui sans travail ni perspectives de formation.
Au-delà de leur vocation médicosociale, les ESAT jouent un rôle majeur dans l’insertion : ils rendent les personnes handicapées plus autonomes et responsables, et donc plus aptes à exercer une activité, par des actions de soutien personnalisées et individualisées.
Malheureusement, l’augmentation prévue de 1, 5 % des crédits, inférieure à l’inflation, ne suffira pas pour financer les 1 400 places nouvelles qui seront créées en ESAT d’ici à la fin de l’année prochaine et pour atteindre les objectifs qualitatifs de professionnalisation des personnels et d’amélioration de la qualité de l’accueil.
Les ESAT seront d’autant plus fragilisés que, en 2009, il manquera plus de 130 millions d’euros pour le financement de l’aide au poste, dont l’objet est pourtant de permettre aux travailleurs handicapés de bénéficier d’une garantie de ressources. Au nom des familles qui attendent une place pour l’un des leurs, nous ne pouvons l’accepter.
Je veux, enfin, redire l’importance du développement de l’emploi en milieu ordinaire ; c’était déjà l’un des objectifs visés au travers de la loi du 11 février 2005.
Il faut poursuivre la mobilisation des partenaires sociaux autour de cet enjeu dans le cadre de la négociation collective et continuer à imposer des aménagements raisonnables des postes et du milieu de travail. L’augmentation des cotisations prélevées sur les entreprises ne respectant pas l’obligation d’emploi de 6 % de travailleurs handicapés et sur les employeurs publics va donc dans le bon sens. Je regrette néanmoins que la nouvelle participation du FIPHFP au financement de ce réseau se traduise dans le même temps par la diminution de la contribution de l’AGEFIPH.
Je veux le réaffirmer ici, l’emploi des personnes handicapées a tendance à se détériorer. Je demande donc au Gouvernement d’accroître, en étroite collaboration avec la HALDE, les sanctions contre toutes les entreprises qui ne respectent pas les critères fixés par la loi. Vous le savez, la concurrence entre demandeurs d’emploi sera rude dans l’avenir, particulièrement pour les publics en difficulté.
En conclusion, je voudrais m’associer aux propos tenus par Gisèle Printz concernant l’égalité entre les hommes et les femmes. Il me paraît particulièrement important que l’État s’engage dans la lutte contre toutes les formes de discrimination, et ce de manière transversale, dans toutes ses politiques. Il est plus que temps de passer, comme c’est le cas pour la région Bretagne, d’une égalité de droits à une égalité de fait.