Intervention de Martin Hirsch

Réunion du 2 décembre 2008 à 15h15
Loi de finances pour 2009 — Solidarité insertion et égalité des chances

Martin Hirsch, haut-commissaire :

M. Vasselle, qui porte un intérêt particulier aux conditions de financement du RSA, a proposé, avec beaucoup d’éloquence, que ce dispositif soit financé par une reprise sur les allégements de charges sociales. Par ailleurs, il s’est interrogé sur l’avenir du financement en fonction des évolutions prévisibles.

On peut prévoir que le RSA rencontrera un certain succès. Cela signifie-t-il pour autant que les prévisions seront outrepassées ? Pas forcément. Pour ma part, je ne le pense pas, mais restons prudents !

Je signale d’abord que jamais le Gouvernement n’a anticipé et pris en compte dans ses calculs les économies envisagées.

Par exemple, dans le cadre des programmes expérimentaux d’application du RSA que nous avons conduits dans certains départements, nous avons observé un taux de retour à l’emploi supérieur de 30 % à ce qu’il est dans les zones témoins, et une baisse des dépenses au titre du RMI nettement plus rapide. Je parle sous le contrôle de certains présidents de conseil général ici présents.

Si nous avions extrapolé ces données à la France entière, nous aurions pu évoquer des centaines de millions d'euros d’économies. Or nous avons préféré rester prudents et n’avons pas pris en compte ces économies potentielles, dont une partie se réalisera.

Ensuite, la loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion prévoit que les recettes dégagées grâce au plafonnement des niches fiscales, qui a été inscrit dans le présent projet de loi de finances, pourront venir abonder le Fonds national des solidarités actives. Lors de l’élaboration de cette loi, certains parlementaires avaient très clairement suggéré qu’il serait alors possible de réduire la taxe prévue… Mais si cela se révèle nécessaire, on pourra maintenir la taxe au taux actuel tout en mobilisant le produit du plafonnement des niches fiscales : cela nous donnera encore une marge de 200 millions d'euros.

Enfin, nous créons un droit et un fonds destiné à le financer : ce financement sera honoré. Soyez donc sans inquiétudes à cet égard.

Cela étant, si par exemple les partenaires sociaux s’accordaient subitement pour réduire la durée d’indemnisation du chômage, une telle initiative aurait des répercussions d’abord sur l’allocation de solidarité spécifique, puis sur le RSA « socle ». Cependant, cela serait dû non pas à la nature du RSA, mais au fait que le RSA « socle » est le dernier étage de l’indemnisation du chômage. Une telle évolution ne saurait être imputable au dispositif.

Cependant, les enjeux sont connus. Dans la perspective de la mise en place du RSA, nous avons alerté les départements et les partenaires sociaux sur ce risque pour qu’ils se concertent afin d’éviter que les uns ne prennent des décisions qui auraient des répercussions sur les budgets des autres. Il me paraît important de le souligner.

Je souhaite rappeler à M. Vasselle et à Mme Chevé que, au moment où nous créons le revenu de solidarité active, nous avons reconduit les crédits du Fonds de mobilisation départementale pour l’insertion à hauteur de 500 millions d'euros, alors qu’ils devaient se tarir à la fin de l’année 2008. Une telle reconduction aurait pu ne pas être décidée, mais il nous aurait semblé pour le moins difficile d’annoncer aux départements, avec lesquels les discussions ont été tout à fait loyales, que nous mettions un terme à l’existence du FMDI en même temps que nous instaurions le revenu de solidarité active !

Comme cela a été souligné, la taxe sera perçue dès le mois de janvier alors que le RSA ne sera versé qu’à compter de juillet : cet excédent de ressources conforte notre marge de sécurité pour l’année prochaine. Nous avons prévu un excédent de 360 millions d'euros à ce titre en 2009, ce qui rendra possibles certains ajustements, en particulier en vue de la fin de l’année 2010.

Je souhaiterais maintenant répondre à M. Marsin, qui a insisté sur les attentes suscitées, parmi nos concitoyens d'outre-mer, par la création du revenu de solidarité active et s’est dit prêt à voter ce projet de budget sous réserve de quelques clarifications, que je vais maintenant lui apporter.

Tout d’abord, le Gouvernement n’a pas l’intention d’attendre jusqu’au 1er janvier 2011 pour appliquer le RSA outre-mer. Il le fera dès que les départements ultramarins seront prêts. C'est la raison pour laquelle nous avons missionné le député René-Paul Victoria pour qu’il nous fasse, dans les six mois, des propositions en vue de l’adaptation à l’outre-mer du revenu de solidarité active.

Juste après l’adoption de la loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion, nous avons tenu une réunion avec les présidents des conseils généraux d’outre-mer. Ils ont admis qu’une application directe et immédiate du RSA dans leurs territoires aurait pu entraîner des difficultés, liées notamment à des télescopages avec des dispositifs spécifiques. Par conséquent, il faut aller le plus vite possible, mais en s’assurant toutefois que la mise en place du RSA interviendra dans des conditions satisfaisantes.

Je le redis donc de la manière la plus officielle, le revenu de solidarité active pourra entrer en vigueur avant le 1er janvier 2011 dans les départements d’outre-mer.

De ce fait, la taxe de 1, 1 % destinée à financer le dispositif ne sera pas prélevée outre-mer tant que le RSA n’y sera pas entré en vigueur. J’avais apporté cette précision aux présidents de conseil général ; je la réitère dans cette enceinte. Voilà qui vous permettra, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous déterminer sur ce projet de budget et de décider si vous accordez votre confiance au Gouvernement.

Madame Campion, selon vous, cette mission pourrait se résumer au seul revenu de solidarité active. Ne voyez aucune psychologie de mâle dominateur dans cette affaire !.) D’ailleurs, si le programme 304, avec ses 580 millions d’euros, au sein d’une mission d’un montant total de 11, 2 milliards d’euros, exprimait une domination, ce serait celle paradoxalement de la minorité, comparé, par exemple, aux crédits pour le handicap, excellemment défendus par Valérie Létard, qui atteignent, eux, 8, 6 milliards d’euros !

Nous essayons de répondre à toutes vos questions, mesdames, messieurs les sénateurs, parce que nous avons élaboré cette réforme ensemble.

Il ne s’agit pas pour nous d’opposer le retour à l’emploi aux autres dimensions sociales de cette mission. Bien au contraire, nous essayons de concilier les deux, comme les créateurs du RMI ont tenté, voilà vingt ans, de le faire. En réalité, nous tenons à peu près le même langage. Simplement, à chaque époque ses réalités : il y a vingt ans, nous ne connaissions pas le phénomène des travailleurs pauvres. Il y a vingt ans, les premiers bénéficiaires du RMI étaient des personnes moins concernées par l’emploi et, pour tout dire, cette allocation n’était pas le troisième étage de l’indemnisation du chômage.

Il nous faut donc aujourd'hui remotiver les différents acteurs en tenant compte de ces nouveaux paramètres.

La question de savoir si le RSA risquait d’être appliqué à partir du 1er janvier 2009 m’a été posée. Afin que cette mesure puisse être correctement mise en œuvre à partir du mois de juin prochain, nous estimons préférable de bien préparer son entrée en vigueur au cours des sept mois qui restent, ce qui ne nous interdit pas de soumettre, dès le premier semestre 2009, d’autres propositions en faveur des personnes aux revenus modestes si la période se révèle trop difficile.

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