Intervention de Georges Patient

Réunion du 2 décembre 2008 à 15h15
Loi de finances pour 2009 — Outre-mer

Photo de Georges PatientGeorges Patient, en remplacement de M. Claude Lise, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous prie tout d’abord d’excuser notre collègue Claude Lise, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, qui a dû rentrer en Martinique à la suite d’un décès dans sa famille.

Le projet de budget pour l’outre-mer dont nous débattons aujourd’hui s’inscrit dans un contexte particulier, puisqu’il anticipe un certain nombre de mesures prévues dans le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer que nous devrions examiner au début de l’année prochaine.

Ce projet de budget est, à première vue, en augmentation substantielle puisqu’il croît, à périmètre constant, de 9, 2 % en crédits de paiement. Néanmoins, cette progression, dont beaucoup se félicitent, doit être relativisée. En effet, elle servira pour l’essentiel à combler les dettes que l’État a contractées auprès des organismes de sécurité sociale, dans le cadre des compensations d’exonérations de charges patronales. Ces crédits ne financeront en aucun cas des dépenses nouvelles.

Je voudrais évoquer la présentation des crédits de la mission « Outre-mer », qui est encore largement perfectible.

La commission des affaires économiques avait recommandé au Gouvernement l’établissement de deux documents : l’un aurait récapitulé l’ensemble des crédits destinés aux collectivités d’outre-mer provenant de chacun des ministères et des différents fonds d’intervention européens ; l’autre aurait présenté les crédits par collectivité destinataire. Nous n’avons à ce jour obtenu ni l’un ni l’autre, et nous espérons, monsieur le secrétaire d’État, que vous répondrez à cette demande pour les prochains budgets.

Avant d’aborder l’examen des crédits proprement dit, je tiens à souligner que les collectivités d’outre-mer sont une chance pour la France. Au-delà de la diversité culturelle et de la biodiversité d’une très grande richesse qu’elles lui apportent, elles lui offrent une présence sur quatre océans et des possibilités d’échanges, notamment économiques, avec de nombreuses régions du monde. Elles doivent toutefois relever d’importants défis pour promouvoir leur développement.

J’évoquerai tout d’abord les crédits consacrés à l’emploi.

Vous le savez, les économies ultramarines sont confrontées à des fragilités particulières du fait des contraintes d’éloignement, du dynamisme démographique, des pressions migratoires et, surtout, du différentiel de coût du travail avec les pays avoisinants.

Le décalage de développement avec la métropole se mesure d’ailleurs à l’aune du taux de chômage : il est plus de deux fois supérieur à celui de l’Hexagone, et le rapport est même de un à trois lorsque l’on concentre l’analyse sur les seuls DOM, où il s’élève en moyenne à 26 % de la population active.

Face à une telle situation, qui risque de s’aggraver sous l’effet de la crise économique, le dispositif d’exonération de cotisations patronales, mis en place dès 2000 par la loi d’orientation pour l’outre-mer et amélioré, sur certains points, par la loi Girardin de 2003, me semble essentiel en ce qu’il permet de restaurer la compétitivité du travail.

C’est pourquoi la réforme envisagée par l’article 65 du projet de loi de finances ne me paraît pas aller dans le bon sens.

Au-delà de l’alourdissement des charges pour nos entreprises, cette réforme risque de créer une « trappe à bas salaires », en incitant au recrutement de salariés rémunérés à 1, 4 SMIC.

Un tel dispositif n’est pas de nature à favoriser les emplois qualifiés outre-mer, pourtant indispensables dans de nombreux secteurs d’activité, notamment à haute valeur ajoutée.

Quant aux dépenses fiscales, elles me paraissent fondamentales pour la compensation de nos handicaps de compétitivité.

Mes chers collègues, le Gouvernement s’est engagé dans une vaste révision des « niches fiscales ». Même si une actualisation peut sembler nécessaire, la réforme de la défiscalisation outre-mer envisagée par l’article 43 du projet de loi de finances touche trop brutalement nos territoires.

En effet, le niveau de plafonnement prévu risque de rendre beaucoup moins attractifs les investissements en outre-mer. La défiscalisation outre-mer n’est pas un avantage indu, c’est un outil indispensable à l’investissement, au développement et à l’emploi dans des territoires structurellement sous-capitalisés.

En ce qui concerne les crédits consacrés au programme « Conditions de vie outre-mer », je constate que la priorité est toujours accordée au logement. Et pour cause ! Dans ce domaine, nous sommes confrontés à des difficultés particulières : insuffisance de l’offre, en particulier dans le secteur du logement social ; habitat insalubre encore trop important et prolifération de l’habitat spontané ; risques sismiques et climatiques ; rareté et cherté du foncier.

Face à cette réalité, les moyens sont cette année encore très insuffisants et je regrette, en particulier, la diminution de 40 % de l’effort en faveur de l’accession à la propriété.

Je constate également que persiste l’épineux problème de la dette de l’État envers les entreprises du bâtiment et des travaux publics qui œuvrent dans le domaine de l’amélioration de l’habitat et de la construction très sociale. Cette année encore, le budget fait apparaître un écart de près de 50 millions d’euros entre les autorisations d’engagement et les crédits de paiement consacrés au logement.

S’agissant des crédits destinés à la coopération régionale, je voudrais souligner, monsieur le secrétaire d’État, que les crédits inscrits paraissent encore modestes au regard des fortes potentialités de développement qui existent dans ce domaine.

J’en viens maintenant à la création du Fonds exceptionnel d’investissement, destiné à soutenir la dynamique de développement des infrastructures et des équipements déterminants pour la croissance de nos territoires. Vous en conviendrez, les financements prévus sont insuffisants, compte tenu des objectifs : 16 millions d’euros en crédits de paiement. Je doute que cette somme soit de nature à garantir un financement à la hauteur des besoins.

En définitive, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les besoins en matière d’emploi et de logement sont encore considérables. L’État ne doit donc pas relâcher son effort en direction des populations ultramarines. Or les réformes programmées en matière de défiscalisation ou d’exonération de charges sociales constituent de réels sujets de préoccupation.

C’est pourquoi, en l’état actuel de ce projet de loi, le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques n’a pas émis un avis favorable sur l’adoption des crédits de la mission « Outre-mer », la commission s’étant, au contraire, prononcée en faveur de leur adoption.

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