N’oublions pas, comme l’a souligné M. le secrétaire d’État devant la commission des lois, qu’environ 95 % de la surface maritime de notre pays proviennent des zones économiques générées par l’outre-mer, ce qui nous place au deuxième rang mondial des puissances maritimes et nous permet d’être présents dans les instances internationales couvrant notamment les trois principaux océans : l’océan Atlantique, l’océan Indien et le Pacifique, sans compter l’océan Antarctique et d’autres mers du globe.
L’effort de l’État qui, en dépit d’une conjoncture difficile, fait plus que se maintenir avec une augmentation de 3, 4 %, est donc pleinement justifié et doit être salué. Les crédits globaux, tous ministères confondus, sont ainsi loin d’être négligeables, atteignant environ 16, 5 milliards d’euros.
Toutefois, la mission « Outre-mer » proprement dite, que nous examinons aujourd’hui, se limite à une petite partie de l’ensemble des mesures prévues pour l’outre-mer, à savoir un peu plus de 14 % de la totalité.
De plus, comme les années précédentes, on doit constater, comme si cela devait être systématique, une modification du périmètre de cette mission par rapport à l’exercice précédent, ce qui rend les analyses et les comparaisons plus difficiles. Il serait temps d’arrêter une bonne fois pour toutes le cadre de cette mission budgétaire, soit en la recentrant clairement et définitivement sur la seule coordination des politiques ultramarines, soit en changeant de cap et en se tournant, ainsi que le permet la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, vers une mission interministérielle.
Certes, les documents de politique transversale sont de mieux en mieux faits, je le reconnais, et donc de plus en plus explicites, mais, au pays de Descartes, un minimum de logique et de cohérence s’impose, d’autant plus que de nouvelles modifications du périmètre de cette mission sont annoncées pour l’avenir.
Comme je l’ai dit précédemment, l’effort de l’État pour l’outre-mer continue et s’amplifie. On peut s’en féliciter. Encore faut-il veiller à ce qu’il soit efficace, c’est-à-dire « rentable », en suscitant un développement réel et concret des économies ultramarines et du niveau social des territoires concernés.
En d’autres termes, il est essentiel de mesurer régulièrement les effets directs et indirects de chacun des instruments retenus, qu’ils le soient sous forme de subvention, de défiscalisation ou d’exonération de charges sociales.
Cet effort doit également se fonder sur une sincérité des marchés et des coûts de distribution, faute de quoi il perdrait en efficacité pour une charge financière plus élevée, génératrice, de surcroît, d’effets d’aubaine. Aussi, nous ne pouvons qu’approuver vos déclarations devant la commission des lois, monsieur le secrétaire d’État, selon lesquelles les maîtres mots de votre action dans ce domaine sont et seront : « transparence et concurrence ».
Nous savons tous qu’un grand nombre de prix outre-mer sont anormalement élevés et ne se justifient ni par le surcoût du transport dû à l’éloignement et à l’insularité, ni par l’étroitesse du marché. Il est donc essentiel de favoriser la vérité des prix pour répondre à l’attente des populations ultramarines et favoriser le développement économique et social de ces territoires.
Il en est de même pour la continuité territoriale : l’engagement important de l’État ne trouvera sa pleine signification qu’avec des tarifs compétitifs et un nombre de sièges passagers suffisant.
En effet, la transparence et la concurrence dans une approche équilibrée seront de nature à grandement améliorer la situation et nous appuyons la démarche du secrétariat d’État à l’outre-mer et donc du ministère de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.
La commission des lois, comme à son habitude, mes chers collègues, a procédé, lors de l’examen de ce budget, à un tour d’horizon des différents territoires d’outre-mer pour faire le point sur leurs éventuels problèmes. Je vais rapidement résumer ses réactions.
La commission des lois regrette que l’immigration clandestine, malgré des mesures importantes, reste aussi préoccupante, notamment en Guyane, où elle aggrave l’insécurité, ou en Guadeloupe, à Saint-Martin et à Mayotte.
Elle regrette également la dégradation persistante de la situation carcérale, avec des taux de surpopulation que l’on ose à peine indiquer : par exemple, 251 % à Saint-Denis de la Réunion, ou 285 % à la prison Nuutania, à Tahiti. La visite de ces établissements, que votre rapporteur pour avis a pu faire pour certains d’entre eux, est une épreuve encore plus significative, mais qui permet de comprendre que seuls le dévouement et le pragmatisme du personnel de l’administration pénitentiaire sont à même d’éviter le pire, et encore doivent-ils agir dans des conditions extrêmement difficiles.
Quant aux nouvelles constructions, elles sont souvent absorbées et dépassées, en Martinique notamment, par l’augmentation du nombre de détenus.
La commission des lois ne cache pas non plus ses préoccupations quant aux conditions qui sont celles de la justice dans les différents territoires, avec parfois un manque crucial de moyens.
La jeunesse mérite toute notre attention, et l’outil « enseignement », qui est fondamental, prend une dimension plus importante encore outre-mer. L’État en est conscient et ne ménage pas, je tiens à le souligner, son engagement en la matière, mais la démographie galopante, éventuellement liée à une immigration massive, a parfois raison des efforts entrepris en matière d’équipement et de fonctionnement.
Tel est le cas, par exemple, à Mayotte – une collectivité qui attend la suite du processus de départementalisation –, où le nombre élevé d’enfants scolarisés est sans commune mesure avec la population de la collectivité. Votre commission souhaite donc que les financements soient adaptés aux réalités du terrain.
La question du désenclavement de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui est liée à un développement important de la coopération avec le Canada, ainsi que le préconise dans son excellent rapport notre collègue Denis Detcheverry, mérite toute notre attention. Il serait temps que des mesures concrètes d’envergure voient enfin le jour.
Les deux nouvelles collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy prennent leur essor, et votre commission se félicite de constater que leurs statuts sont désormais quasiment applicables en totalité. Elle se réjouit également de la poursuite des transferts de compétences en Nouvelle-Calédonie, et ce dans le respect non seulement des accords de Nouméa, mais également des positions exprimées par l’ensemble des membres du comité des signataires. Sur des sujets aussi sensibles, seul un consensus entre toutes les parties est gage de succès.
La question des compétences et des moyens des communes de Polynésie est toujours ouverte et mérite de faire l’objet d’avancées prochaines pour que la réforme statutaire de ce territoire prenne tout son sens.
Pour ce qui concerne Wallis-et-Futuna, votre commission se réjouit de l’inauguration récente par M. le secrétaire d’État de la piste aérienne de Futuna, qu’elle réclamait sans relâche depuis de nombreuses années afin de désenclaver cette île qui est la plus éloignée de la métropole.
Elle s’inquiète, cependant, de la baisse démographique qui touche l’ensemble de cette collectivité, la population étant passée de 15 000 habitants à 13 500 habitants en cinq ans. Il convient de noter que le nombre de Wallisiens est bien plus important en Nouvelle-Calédonie qu’à Wallis-et-Futuna !
Alors que s’achèvera, en mars 2009, l’année polaire internationale, je me réjouis de l’entrée de l’île de Clipperton dans la Constitution aux côtés des Terres australes et antarctiques françaises, les TAAF.
Tous les territoires de la République sont désormais consacrés par notre loi fondamentale.
Sous ces réserves et au bénéfice de ces observations, la commission des lois vous invite, mes chers collègues, à approuver les crédits de la mission « Outre-mer ».