Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la discussion du projet de loi de finances est toujours un moment essentiel du travail législatif, qui engage des choix primordiaux pour l’avenir de notre pays. Elle nous permet également d’engager une réflexion sur le bien-fondé de nos décisions passées et de dresser un bilan de leur efficacité.
Pour nous, parlementaires de l’outre-mer français, il s’agit d’un événement fondamental, même si le budget du secrétariat d’État chargé de l’outre-mer ne représente, nous le savons tous, qu’une fraction du total des crédits publics destinés à l’outre-mer français.
Au-delà, ce débat budgétaire nous donne l’occasion – encore trop rare ! – de conduire une réflexion d’ensemble sur la situation financière de nos collectivités et sur leurs priorités.
Aujourd’hui, alors que s’achève l’année 2008, le passé et le futur de Mayotte, son bilan et ses projets, se rejoignent dans la perspective, désormais proche, de bénéficier d’un statut départemental.
La départementalisation de Mayotte a cessé d’être un vœu pieux, un appel sans réponse… Après cinquante années de combat, les Mahorais ont cette fois-ci la possibilité de voir consacrer leur volonté de rester Français, c'est-à-dire d’afficher et de revendiquer pleinement leur attachement aux institutions et aux valeurs fondamentales de notre République. De ce fait, ils veulent aussi dire leur détermination à être reconnus à part entière dans le droit européen.
Enfin, ils affirment leur espoir de voir leur collectivité s’épanouir dans un développement équilibré au sein d’un environnement paisible. On nous dit que la « départementalisation de Mayotte n’est pas une panacée ». Nous le savons mieux que personne, mais nous savons aussi qu’elle constitue, avec toutes les adaptations requises, la meilleure réponse aux multiples problèmes qui freinent aujourd’hui nos progrès. Il s’agit non pas seulement d’obtenir la départementalisation de Mayotte, mais de la réussir en franchissant toutes les étapes, en obtenant les différents concours et en faisant des efforts pour surmonter tous les obstacles que nous rencontrerons.
À l’occasion de la discussion de ce projet de loi de finances pour 2009, j’aimerais aborder ici cette question.
Mes chers collègues, la revendication mahoraise, cette longue marche qui remonte aux premiers temps de la ve République, n’a jamais été aussi proche de son aboutissement. Monsieur le secrétaire d'État, je souhaiterais, comme l’ensemble des Mahorais, connaître la question qui leur sera posée, lors de la consultation prévue en mars 2009, concernant le choix institutionnel qui leur sera proposé. Cette question devra être simple et claire, similaire à la formulation suivante que je vous propose : « Voulez-vous que la collectivité départementale de Mayotte devienne un département d’outre-mer ? »
J’ajoute que cette procédure, pleinement démocratique, est tout à fait conforme aux vœux des Mahorais.
La départementalisation de Mayotte est une revendication qui date d’un demi-siècle. Il faut en rappeler toute la portée, car ce changement statutaire ne saurait en aucun cas se résumer à un simple changement de dénomination.
À terme, Mayotte devra tout d’abord rentrer progressivement, mais pleinement, dans un processus d’application du droit commun. Cela implique d’y étendre les six domaines dans lesquels s’applique encore le principe de spécialité législative, même si nous demeurons acquis, je le répète, au principe d’une départementalisation « adaptée », ce qui ne signifie nullement dans notre esprit une départementalisation au rabais.
Surtout, il sera nécessaire de donner à Mayotte les moyens de mener à bien son développement. Trop longtemps en effet, nous nous sommes heurtés à une curieuse logique selon laquelle nous devions rattraper les autres DOM pour devenir département, alors même que les moyens de ce « rattrapage » résultent précisément du statut départemental.
Il serait également nécessaire de prévoir une dotation spéciale d’équipement, qui permettra à Mayotte de combler, au moins partiellement, ses importants retards.
C’est simplement avec une véritable politique d’investissement que Mayotte progressera de manière saine et rapide sur la voie du développement. Certes, nous avons déjà parcouru un très long chemin, mais beaucoup reste à faire !
À cet égard, je me dois de vous signaler qu’une part importante des crédits d’État prévus dans le cadre du contrat de projets de Mayotte 2008-2014 n’ont toujours pas été délégués. Il en va ainsi notamment des moyens de la politique du logement : sur les 24 millions d’euros accordés par l’État au titre des crédits publics, seuls 15 millions d’euros ont été délégués.
Ces retards pèsent lourdement sur les finances de notre « collectivité départementale » et limitent sensiblement ses pouvoirs d’initiative et d’investissement. Ainsi, cette année, nous avons été contraints une fois de plus, par manque de liquidités, d’ouvrir un lycée en préfabriqué, alors même que les besoins en constructions scolaires, qui ont été évalués depuis longtemps, se révèlent de plus en plus pressants. Comment voulez-vous que nous menions une véritable politique de « rattrapage », si les retards de paiement de l’État nous contraignent à ouvrir, dans l’urgence, des structures éphémères ? Cette situation doit être rapidement réglée, monsieur le secrétaire d'État.
Enfin, comment parler de développement sans évoquer la place et l’importance des « fonds européens » ?
Si la Guyane a pu bénéficier, entre 2000 et 2006, de 388 millions d’euros au titre des subventions, Mayotte, dont le poids démographique est comparable, n’a reçu que 15 millions d’euros entre 2004 et 2008, soit vingt-cinq fois moins ! Une telle inégalité de traitement confine à l’injustice.
Monsieur le secrétaire d'État, vous connaissez le problème aussi bien que moi ! Alors que Mayotte présente toutes les caractéristiques des « régions ultrapériphériques » de l’Union européenne, elle est classée parmi les pays et territoires d’outre-mer, les PTOM. À ce titre, à l’instar des territoires indépendants associés à l’Europe, elle ne reçoit que les aides prévues par le Fonds européen de développement, le FED.
Il est donc urgent que nous ayons accès aux fonds structurels européens. Pour ce faire, il existe une solution simple et rapide : la départementalisation.
En devenant un DOM, Mayotte accédera au statut de région ultrapériphérique et pourra enfin bénéficier de ces crédits européens ô combien nécessaires à son développement. Cette décision dépend donc exclusivement de l’État français ; il ne tient qu’au Gouvernement de faire cesser ce fâcheux paradoxe qui voit l’Europe moins aider ceux qui en ont pourtant le plus besoin !
Vous le voyez, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, l’urgence du développement de Mayotte passe par le statut départemental, ce dont nous sommes convaincus depuis longtemps.
Enfin, j’aimerais évoquer un problème grave. Si la départementalisation participe à la fois de l’exigence du symbole et de l’urgence du développement, elle renvoie également aux problèmes de sécurité résultant d’une immigration étrangère encore trop mal maîtrisée.
J’ai déjà eu maintes fois l’occasion d’aborder cette question liée, chacun le sait, à l’arrivée massive, et parfois dans conditions dramatiques, comme ce fut le cas très récemment, d’immigrés d’origine comorienne, pour la plupart, qui entrent clandestinement à Mayotte. Il est capital que l’État se saisisse de ce problème avec la plus grande fermeté. Les patrouilles de la police aux frontières ont déjà été renforcées, et un radar supplémentaire a été installé. Nous nous félicitons de ces nouveaux moyens, mais ne nous leurrons pas : tant que la France n’aura pas adopté une position ferme à l’égard des autorités comoriennes, en engageant un dialogue d’État à État, et affirmé que le choix des Mahorais ne peut être remis en cause, rien de ce que nous ferons ne pourra être suffisant !
Mes chers collègues, vous l’avez compris, j’en suis sûr, 2009 devrait être, pour les Mahorais, une année essentielle : celle de l’ancrage définitif et volontaire de Mayotte au sein de la République française, celle de l’initiation d’une politique de développement économique et sociale ambitieuse et celle de la paix retrouvée dans son environnement régional.
Dans une récente allocution à l’Élysée prononcée devant les élus d’outre-mer, M. le Président de la République a affirmé qu’il respectera la parole donnée à Mayotte. Un tel engagement est, à nos yeux, essentiel, et je lui exprime, au nom de la population mahoraise, ma profonde gratitude.
Il est urgent de répondre à notre demande d’accession au statut de département français d’outre-mer. C’est dans cette perspective, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, et pour vous témoigner ma confiance, que je voterai ce budget.