Intervention de Gaston Flosse

Réunion du 2 décembre 2008 à 15h15
Loi de finances pour 2009 — Outre-mer

Photo de Gaston FlosseGaston Flosse :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, comme tous les parlementaires, j’ai été très intéressé par la présentation d’un budget en forte augmentation pour l’outre-mer.

J’apprécie la valeur du message ainsi adressé à nos populations.

Dans un contexte de très graves difficultés économiques et financières, le Gouvernement de la République veut montrer aux Français ultramarins qu’ils ne sont pas oubliés, qu’ils constituent même une véritable priorité, puisque, malgré la crise, l’effort de la nation en leur faveur augmente de plus de 9 %.

J’ai eu envie d’applaudir vigoureusement. D'ailleurs, j’aurais dû le faire immédiatement, sans réfléchir et sans lire le texte, parce que, quand on examine celui-ci avec attention, ce ne sont plus les mains qui expriment bruyamment l’enthousiasme, ce sont les dents qui grincent sourdement d’amertume et de colère impuissante.

Ce budget n’est qu’une opération de communication, monsieur le secrétaire d'État ! Il vise à masquer la réalité du recul des engagements de l’État en faveur des collectivités d’outre-mer.

Tous ceux qui ont lu comme moi le compte rendu des débats de l’Assemblée nationale savent que les députés n’ont pas été dupes des artifices de présentation de ce budget. Et les sénateurs ne seront certainement pas plus naïfs.

Notre rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, malgré sa grande mansuétude, signale d’ailleurs qu’« il ne peut passer sous silence le fait que cette progression affichée ne correspond pas à la réalité. En effet, les augmentations consenties aux crédits de la mission Outre-mer servent à combler les dettes que l’État a contractées […] ».

Sans entrer dans des détails trop techniques, il faut d’abord rétablir la vérité : l’augmentation affichée de 9 % de ce budget n’a aucune signification ; elle peut même dissimuler une sévère diminution des crédits alloués !

Prenons-en un exemple simple. En Polynésie française, les pensions des retraités polynésiens constituent un soutien très important à l’économie. La réduction drastique de cette ressource et sa suppression progressive représentent pour nous une perte bien plus grande que les 9 % d’augmentation des crédits que l’on nous présente triomphalement !

Et qu’on ne vienne pas nous dire que cet argent sera réinvesti chez nous : c’est faux, et nous en avons déjà la preuve, avant même que la mesure ne soit appliquée ! Oui, déjà l’Assemblée nationale, sous la pression de Bercy, a adopté un amendement visant à transférer 10 millions d’euros économisés sur l’ITR, l’indemnité temporaire de retraite, vers une autre ligne budgétaire.

Je n’entrerai pas dans une querelle de chiffres pour déterminer l’augmentation réelle des moyens consacrés à l’outre-mer. À quoi bon, d'ailleurs, puisque c’est la sincérité de la présentation qui est en cause !

Je me contenterai de deux exemples pour montrer que cette augmentation n’est qu’un artifice de présentation.

Premier exemple, dans ses dépenses en faveur de l’outre-mer, l’État comptabilise les ressources perdues à cause de la défiscalisation. C’est légitime, ou plutôt ce le serait si l’on prenait en considération le coût de la défiscalisation tel qu’on peut raisonnablement le prévoir en 2009, après les mesures de restriction qui seront adoptées la semaine prochaine. Malheureusement, le calcul a été réalisé à partir des sommes actuellement défiscalisées !

Or chacun sait qu’en raison même des mesures annoncées les sommes défiscalisées augmentent en ce moment très fortement et très provisoirement. C’est nous tromper que de prendre appui sur ce phénomène ponctuel pour réaliser une prévision pour 2009. Comment peut-on espérer accroître de plus de 300 millions d’euros l’incitation à l’investissement outre-mer au moment où l’on plafonne celui-ci ?

Second exemple, une part importante des dépenses affichées pour 2009 est constituée par le paiement de dettes de l’État, notamment vis-à-vis des organismes de sécurité sociale. Ce sont donc des dépenses déjà affichées dans les budgets précédents, qui n’ont pas été exécutées et que l’on nous « ressert » aujourd’hui en les faisant passer pour une augmentation de l’effort de l’État en faveur de nos collectivités !

Ces constats, qui concernent l’ensemble de l’outre-mer, suffiraient à motiver ma décision de voter contre ce budget. Toutefois, je dois également évoquer ici des problèmes propres à la collectivité que je représente.

La Polynésie française est naturellement touchée comme les autres collectivités d’outre-mer par le plafonnement de la défiscalisation ainsi que, plus que les autres, par la suppression de l’ITR.

Néanmoins, chez nous, ces régressions budgétaires s’inscrivent dans un contexte général de désengagement de l’État.

Mes chers collègues, jugez-en par vous-mêmes.

La Polynésie française n’a jamais bénéficié du RMI ni même des bourses scolaires. Elle a construit son propre système de protection sociale. Pendant quinze années, l’État a participé à l’équilibre de notre régime de solidarité envers les personnes sans ressources.

Cette aide est désormais supprimée.

L’État devait nous aider à achever et à mettre en service le nouvel hôpital que notre éloignement rend absolument nécessaire.

Cette aide nous est désormais refusée.

Le ministère de la défense, qui ne se faisait pas prier pour installer ses bases chez nous à l’époque où il organisait des essais nucléaires, nous considère aujourd’hui comme inintéressants pour la défense nationale. Partout, les effectifs sont réduits et près de 700 civils polynésiens perdent leur emploi.

Même le commandement supérieur des forces armées du Pacifique est transféré à Nouméa. Il est vrai que la Polynésie ne constitue plus un enjeu stratégique !

Et comment accepter que l’on repousse indéfiniment la reconstruction d’une prison qui détient le triste record de France pour la surpopulation carcérale ?

Comment expliquer surtout que, dans les archipels les plus éloignés des Australes et des Marquises, des gendarmeries comme celles de Raivavae, de Rimatara ou encore de Ua Pou soient fermées ? La population ne cesse d’augmenter, la délinquance est en nette progression dans ces îles éloignées, les plantations de pakalolo, autrement dit de cannabis, s’étendent dans pratiquement toutes les vallées, et l’on supprime des gendarmeries ?

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