Intervention de Bernard Frimat

Réunion du 2 décembre 2008 à 15h15
Loi de finances pour 2009 — Outre-mer

Photo de Bernard FrimatBernard Frimat :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’état, mes chers collègues, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser M. Claude Lise, qui, comme M. Georges Patient le rappelait tout à l’heure, a dû rentrer précipitamment en Martinique, en raison d’un décès survenu dans sa très proche famille. Il m’a fait l’honneur de me demander, non pas de le remplacer – il est irremplaçable ! –, mais de vous faire part des réflexions que lui inspire ce projet de budget.

Depuis quelques années, le budget de l’outre-mer présente deux caractéristiques remarquables.

La première, c’est que son périmètre varie au gré d’incessants transferts de crédits vers – ou en provenance – d’autres ministères.

La seconde, c’est qu’en dépit des dites variations il affiche toujours des taux de progression enviables, permettant d’étayer l’affirmation, reprise invariablement, selon laquelle l’outre-mer est une priorité pour la France.

En réalité, un examen attentif du document budgétaire révèle, chaque fois, que l’augmentation annoncée résulte, pour une bonne part, d’un changement de périmètre d’un budget à l’autre.

C’est le cas pour le projet de budget pour 2009. Présenté comme étant en augmentation de 16 % en crédits de paiement, il n’augmente, à périmètre constant, que de 9, 2 %, un taux qui, de surcroît, doit être sérieusement relativisé.

En effet, il résulte, pour l’essentiel, de l’abondement du programme « Emploi outre-mer », destiné, en fait, pour une large part, à réduire la dette de l’État à l’égard des organismes de sécurité sociale, dette provenant d’une insuffisante compensation annuelle des exonérations de cotisations sociales patronales.

Si l’on ne tient pas compte de cette somme, sans effet sur le développement des collectivités ultramarines, le budget n’augmente, en réalité, que de 5 millions d’euros, c’est-à-dire de 0, 3 % ...

Toutefois, ce qui est le plus préoccupant, c’est non pas tellement cette absence d’augmentation, mais bien le fait que l’on répande dans l’opinion publique l’idée que, dans un contexte budgétaire particulièrement contraint, la France d’outre-mer est privilégiée, puisqu’elle disposerait de crédits en augmentation de 16 %.

C’est cette idée que beaucoup retiendront, alors que le budget de l’outre-mer ne représente qu’à peine plus de 14 % de l’effort global de l’ensemble des ministères et que, par ailleurs, cet effort global, en n’augmentant que d’un peu plus de 2 %, croît pratiquement dans les mêmes proportions que le budget de l’État.

Aussi préoccupant, ce budget restreint est présenté comme le support financier essentiel du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer, en dehors, bien sûr, de ce qui relève des mesures fiscales.

Si tel est réellement le cas – comme le craint M. Claude Lise –, il faut reconnaître que les inquiétudes exprimées depuis des mois par l’ensemble des forces vives locales n’étaient pas sans fondement.

Certes, dans ce projet de loi de finances pour 2009 figure une prévision de dépenses fiscales en augmentation d’environ 500 millions d’euros, mais il s’agit d’une prévision dont la portée réelle dépendra largement de l’impact de la réforme du dispositif de défiscalisation déjà voté par l’Assemblée nationale.

Tout en souscrivant à l’objectif avancé d’une plus juste contribution de tous les contribuables au financement des charges publiques, je crains que cette réforme, opérée précipitamment et sans évaluation suffisante, n’altère par trop, pour les investisseurs, l’attractivité d’un dispositif d’aide à l’investissement dont le besoin est reconnu.

Bien sûr, il faut tenir compte des engagements pris lors de la présentation triennale du budget, selon lesquels les crédits de la mission « Outre-mer » devraient augmenter de 11, 5 % d’ici à 2011. Je reconnais qu’il s’agit là d’un point positif.

Cependant, pour l’heure, ces engagements sont pris au conditionnel, et, surtout, ils ne peuvent avoir d’effet sur la situation que nous allons devoir affronter en 2009. Or, cette situation s’annonce particulièrement préoccupante.

La crise financière et économique qui sévit va, en effet, frapper, outre-mer, des économies qui, malgré le dynamisme dont font preuve les acteurs économiques locaux, demeurent structurellement fragiles.

À la Martinique, département dont M. Claude Lise préside le conseil général et dans lequel on panse encore les plaies du cyclone Dean et du séisme de novembre 2007, les signes inquiétants se multiplient.

On assiste, en effet, depuis le début de l’année, à un assez net fléchissement de l’activité, souligné par un recul de l’investissement et une baisse des importations de biens d’équipement.

Le secteur du BTP est particulièrement touché, mais celui du tourisme et de l’hôtellerie l’est également.

L’agriculture, quant à elle, à peine remise des événements climatiques qui l’ont durement frappée, connaît de nouvelles difficultés.

La situation de l’emploi s’en ressent, bien évidemment : d’octobre 2007 à octobre 2008, le nombre de demandeurs d’emploi en catégorie 1 a augmenté de 3, 5 %, alors qu’il était en baisse depuis 2000.

Il y a là, déjà, de sérieuses raisons d’inquiétudes pour les mois à venir.

Il faut y ajouter la situation des collectivités territoriales de la Martinique. Celles-ci, comme d’ailleurs toutes les collectivités territoriales d’outre-mer, sont particulièrement pénalisées par la mauvaise compensation des transferts de compétences, l’inadaptation des modalités de calcul des dotations de l’État et les proportions insupportables que prennent les dettes de l’État.

Ces collectivités ne peuvent plus continuer à faire face à une demande sociale qui, elle, va continuer à croître, et elles sont contraintes de réduire fortement leurs dépenses d’investissement et, donc, leurs politiques en faveur de l’équipement et du développement de l’île.

La situation va donc – on s’en rend bien compte – très vite se dégrader, en Martinique, bien sûr, mais aussi dans la plupart des autres collectivités ultramarines.

Il va falloir y faire face, mais on ne le pourra pas sans consentir nombre d’efforts.

Tout d’abord, il faut faire en sorte que les collectivités territoriales retrouvent très rapidement leur capacité d’intervention. Malheureusement, ce projet de budget ne comporte pas les indispensables mesures de soutien qui pourraient le permettre, monsieur le secrétaire d’État.

Ensuite, il faut relancer la politique des emplois aidés. Or, les crédits destinés à les financer, actuellement gérés par le ministère du travail et de l’emploi, sont en très nette diminution : 74 % en autorisations d’engagement et 38 % en crédits de paiement.

Enfin, il faut soutenir l’activité des entreprises du BTP œuvrant dans le domaine de l’amélioration de l’habitat et de la construction sociale. Cela exigerait d’apurer les dettes de l’État à leur égard sans utiliser à cette fin les crédits destinés aux actions nouvelles.

Il y a là, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, un réel sujet d’insatisfaction pour Claude Lise, auquel s’en ajoute un autre, qui concerne, lui, le débat à venir sur le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer.

Il est en effet profondément regrettable que l’on ait pris le parti de le réduire à un débat de pure forme. En effet, force est de constater que pratiquement tout se joue lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2009. C’est le signe qu’une fois de plus, Bercy n’a pas pris la mesure des enjeux.

Il est à craindre, en tout cas, que la portée d’un projet de loi qui, outre-mer, suscite évidemment énormément d’attentes, ne soit d’ores et déjà réduite et que les conséquences, demain, ne rendent bien dérisoires les économies réalisées aujourd’hui.

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