Les réformes que vous nous proposez s’articulent autour de trois axes de travail : la mission « Outre-mer », dans le cadre de la présente loi de finances ; la loi pour le développement économique de l’outre-mer, dite LODEOM, que nous examinerons dans quelques semaines ; le nouveau projet stratégique de croissance, qui, en dehors de quelques points à modifier, nous convient globalement.
C’est à partir de ces trois axes que nous voulons changer la culture de la France au regard de l’outre-mer et la culture de l’outre-mer au regard de la France.
D’abord colonies, nous sommes ensuite devenus départements en 1946. En soixante ans, nous avons accompli un chemin, certes insuffisant, mais tout de même considérable. La période de rattrapage que nous avons connue est aujourd'hui quasiment terminée. Chacun en est conscient, notamment nos anciens collègues.
Il faut donc désormais compter sur nos propres atouts, sur nos forces endogènes, ainsi que sur les capacités de la France et de l’Europe sur les plans technologique et scientifique, pour mettre en commun toutes ces ressources et franchir une nouvelle étape de croissance. Tel est bien l’objectif recherché au travers de la loi de finances pour 2009, de la LODEOM et de la nouvelle stratégie de croissance pour l’outre-mer que vous nous proposez.
Monsieur le secrétaire d'État, à vous ainsi qu’à l’ensemble du Gouvernement, j’ai envie de dire : « banco ! » Oui, nous sommes preneurs d’un nouveau projet stratégique de croissance, d’une véritable stratégie « gagnant-gagnant ». Mes chers collègues, à vous ainsi qu’à l'ensemble de la représentation nationale, j’ai envie de dire : prenez conscience de ce que représente l’outre-mer pour la communauté nationale et européenne.
L’avenir, au xxie siècle, ce sont la mer, la conquête spatiale, l’utilisation et la protection de nos forêts, ainsi que la production d’énergies renouvelables. Dans ces quatre domaines, l’outre-mer dispose d’atouts extraordinaires.
La mer, d’abord : elle nous permet de bénéficier d’un espace stratégique sur le plan militaire. En outre, l’essentiel des ressources que nous consommerons ou qui seront indispensables à l’industrialisation du pays proviendront des océans.
L’espace, ensuite : le seul endroit d’où les Européens peuvent lancer une fusée et participer ainsi à la compétition acharnée que se livrent notamment, au niveau mondial, l’Inde, la Chine, le Brésil et la Russie, c’est la Guyane.
Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi ce conseil : n’oubliez pas de donner une dimension européenne à votre stratégie de croissance nouvelle. Ayez de l’audace ! Le Président de la République et le Gouvernement en font preuve sur le territoire national pour réformer la France. Ils doivent, et nous avec eux, témoigner de la même volonté pour changer notre approche de l’outre-mer.
À cet égard, je prendrai deux exemples.
D'une part, rien n’empêche aujourd'hui l’Europe – j’ai bien dit l’Europe, car il convient dorénavant de changer de dimension – de créer, dans le domaine de la santé et de la médecine, un CHU tripolaire, comme l’ont proposé à juste titre mes collègues Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, et Patrice Gélard. Il s’agirait d’une université basée dans l’océan Indien, à la Réunion, à l’île Maurice, à Madagascar, aux Comores : non plus seulement française, mais également européenne, elle deviendrait la vitrine des capacités scientifiques de l’Europe et de la France. Sa création serait un acte de solidarité à l’égard des pays qui nous entourent et permettrait de disposer, dans cette zone, de puissants moyens de recherche.
D'autre part, nous le savons, la Russie fabrique des lanceurs de satellites moins chers que la France. Pourquoi ne pas demander à l’Europe de collaborer avec la Guyane pour faire de Kourou une zone d’activité économique dédiée à la conquête spatiale ? Ainsi un certain nombre de dispositifs spécifiques, notamment législatifs, d’incitation fiscale pourraient-ils être envisagés, pour donner à cette zone les moyens de connaître l’expansion qu’elle mérite.
Tel est, monsieur le secrétaire d’État, le contexte dans lequel nous nous situons, à la veille de l’examen de la LODEOM et de la mise en œuvre d’un nouveau projet stratégique pour l’outre-mer. Nous ne quémandons pas, nous ne tendons pas la main. Nous avons les manches retroussées. Tous les hommes et les femmes d’outre-mer sont animés par la même volonté d’exister dans la compétition mondiale. Par notre travail, notre culture, nos capacités d’apprendre, de faire et de savoir-faire, nous sommes en mesure de développer nos exportations dans de nombreux domaines, notamment l’agro-nutrition et la conquête spatiale et maritime.
Mes chers collègues, ne soyons pas frileux, surtout lorsque l’on a la chance d’appartenir à une communauté aussi puissante que l’Europe et que l’on regarde le chemin déjà parcouru. Ayons le courage de dire les vérités, de montrer au Gouvernement ce qui va et ce qui ne va pas. Mais ayons aussi la volonté de sortir ces régions d’un développement aujourd’hui replié sur lui-même et d’entrer dans la compétition mondiale par la grande porte, celle de l’exportation.
Monsieur le secrétaire d’État, je vous ai interrogé sur l’application de la taxe de 1, 1 % pour financer le RSA. J’espère que vous me répondrez. Par ailleurs, le Président de la République présentera, après-demain, le contenu du plan de relance de l’économie française. À cet égard, il est une mesure qui permettrait de sauver l’économie agricole de la Guadeloupe et de la Réunion : l’énergie électrique produite à partir de la biomasse issue de la canne doit être valorisée à son juste prix. Les professionnels concernés ont saisi M. Jean-Louis Borloo du dossier, en votre présence, me semble-t-il. Si, demain, le Président de la République fait une annonce en ce sens, si vous nous soutenez dans cette démarche, d’une pierre, vous ferez trois coups : vous lancez la production des énergies renouvelables à la Réunion ; vous sauvez la canne à sucre, et la date de 2013 n’est plus fatidique ; enfin, vous permettez à la Réunion, à la Guadeloupe et à d’autres régions d’outre-mer de traverser la crise en ayant des perspectives heureuses.
Mes chers collègues, l’outre-mer est une partie intégrante de la République française. Nous avons des atouts qui sont à la disposition de la Communauté européenne et de la nation. N’ayez pas peur en pensant aux dépenses ! Gardez plutôt à l’esprit que, investir en outre-mer, c’est préparer non seulement l’avenir de ces territoires, mais aussi celui de la France et de l’Europe.