Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il faut souligner d’emblée que l’effort de l’État en outre-mer reste globalement soutenu, malgré les contraintes qui pèsent sur les finances publiques de la nation, qu’elles soient liées au poids de la dette ou, plus récemment, à la crise financière internationale et au ralentissement de l’activité économique.
Mes prédécesseurs ont déjà souligné que l’ensemble des concours de l’État en outre-mer est en augmentation, passant de 15 milliards d’euros en 2008 à 16, 5 milliards d’euros en 2009. De même, les crédits de 1, 97 milliard d’euros alloués à la mission « Outre-mer », qui ne représentent que 15 % de cet ensemble, enregistrent une progression de 9, 3 % en crédits de paiement par rapport à 2008.
Le programme « Emploi outre-mer », qui est doté d’une enveloppe de 1, 191 milliard d’euros, soit 60% des crédits de paiement, constitue le premier poste de dépense de la mission. Quant au programme « Conditions de vie outre-mer », il bénéficie, comme cela a déjà été signalé, de la hausse globale de la mission et totalise 688 millions d’euros en crédits de paiement.
Enfin, conséquemment à la loi organique relative aux lois de finances, le projet de loi de finances pour 2009 s’inscrit dans une programmation pluriannuelle 2009-2011.
Qu’en est-il de Mayotte ? Mayotte participe aussi à l’effort national. Globalement, le projet de loi de finances pour 2009 que vous nous proposez pour notre île, monsieur le secrétaire d’État, se caractérise par une tendance générale à la baisse, au mieux à la stagnation. Cela inquiète fortement les Mahorais à quelques mois d’un choix décisif pour leur avenir institutionnel.
Certes, l’agriculture, la pêche et l’aquaculture bénéficient de crédits en hausse, évalués à 1, 3 million d’euros pour 2009. Cela permet de soutenir la relance des exportations d’essence d’ylang-ylang et de poissons d’origine aquacole et, simultanément, de réconforter les agriculteurs victimes des dégâts de la tempête Fame, pour lesquels – il faut s’en réjouir ! – une première tranche de crédits d’indemnisation vient d’être débloquée.
Cependant, il convient de rappeler que les préoccupations majeures des exploitants agricoles de Mayotte restent, entre autres, la mise en place d’une « retraite agricole » et l’extension au secteur agricole des prêts à taux bonifiés. De même sont en hausse les transferts de crédits aux collectivités territoriales, qui s’élèvent à 68, 9 millions d’euros, dont 63, 2 millions d’euros constituent des prélèvements sur recettes dont on aimerait connaître l’objet, car celui-ci n’est pas précisé par les documents disponibles.
Ces recettes serviront-elles, par exemple, à éponger la dette de l’État envers la collectivité départementale de Mayotte, qui s’élève à 43 millions d’euros au titre des arriérés du contrat de plan État-Mayotte 2000-2006 et de la convention de développement 2003-2007, sachant que les 28 millions d’euros inscrits en 2008 par l’État n’ont pas encore été versés ?
En revanche, dans de nombreux domaines comme l’environnement, les dotations communales, l’éducation scolaire, etc., les crédits sont en baisse. Ainsi, les crédits alloués à l’écologie, à l’aménagement et au développement durable connaissent une chute de plus de 50 % par rapport à 2008, soit 10, 2 millions d’euros en 2008, contre 4, 5 millions d’euros seulement pour 2009, chute contraire aux vœux du Grenelle de l’environnement, qui vise à intégrer Mayotte dans une nouvelle donne énergétique.
Dans ce contexte, est-il étonnant que le plan d’aménagement et de développement durable de Mayotte ne soit toujours pas validé depuis deux ans ?
En outre, la dotation de rattrapage et de premier équipement des communes de Mayotte, qui s’élève à 9, 2 millions d’euros en 2008, ne représente plus que 8, 8 millions d’euros en 2009, alors que les besoins en équipements des communes ne cessent de croître.
En l’absence de fiscalité locale et du bénéfice des crédits de l’octroi de mer, il est urgent de compenser le manque à gagner des communes, notamment en abondant le fonds intercommunal de péréquation, dans les conditions définies par la loi n°2007-223 du 21 février 2007.
Par ailleurs, la dotation de premier numérotage des voiries communales passe de 450 000 euros en 2008 à 150 000 euros en 2009. Quant à la dotation exceptionnelle liée à la réforme de l’état civil, elle stagne à 300 000 euros par an depuis 2003.
Je partage l’avis des deux rapporteurs spéciaux de la mission « Outre-mer » : la révision à la baisse de ces diverses dotations ne se justifie absolument pas au regard des besoins immenses de Mayotte dans ces différents domaines.
J’ajoute que les deux dernières dotations que je viens de citer participent à la réalisation des outils préalables à la mise en place de la fiscalité de droit commun, à savoir l’adressage et l’évaluation, qui nécessitent du temps et des moyens.
Enfin, s’agissant de la résolution des difficultés liées à l’état civil, vous proposez, monsieur le secrétaire d’État, de faire appel à des agents communaux pour recenser environ 50 000 personnes qui n’ont pas déposé de dossiers à la commission de révision de l’état civil ou qui ne sont pas en possession de documents d’identité. Quels crédits sont-ils susceptibles d’être mobilisés pour financer le travail de ces agents recenseurs et pour assurer leur formation ?
Quant à l’enseignement scolaire, qui représente plus de 50 % du budget de Mayotte, les crédits alloués pour 2009 stagnent autour de 384 millions d’euros, dont 60, 5 millions d’euros sont consacrés à l’enseignement public du premier degré, en sus des crédits inscrits à la convention spécifique de l’éducation annexée au contrat de projet État-Mayotte 2008-2014 et de la dotation de construction et d’équipement des établissements scolaires du premier degré, évaluée à 4, 6 millions d’euros pour 2009.
L’évolution démographique de l’île et l’immigration clandestine justifient la solidarité de l’État envers nos communes qui n’ont pas de ressources fiscales propres, notamment pour le financement de leur plan de rattrapage en matière de construction scolaire : il faut, d’une part, résorber le déficit antérieur et, en même temps, absorber la poussée démographique dans l’enseignement élémentaire et, d’autre part, généraliser l’accueil de nos enfants de quatre ans et trois ans en école maternelle, en application de l’ordonnance du 24 décembre 2007.
Finalement, le budget de Mayotte lui-même accuse une réduction de 20 millions d’euros puisqu’il passe de 655 millions d’euros à 635 millions d’euros, ce qui diminue d’autant le revenu moyen par habitant de Mayotte, qui ne représente plus que 3 405 euros en 2009, contre 3 517 euros en 2008, et, de ce fait, place le Mahorais loin derrière son compatriote de Saint-Pierre-et-Miquelon, dont le revenu moyen est de 8 000 euros, et celui de Wallis-et-Futuna, dont le revenu moyen s’élève à 6 225 euros.
Les grands chantiers actuels de Mayotte, tels le second quai de Longoni et l’extension de l’hôpital de Mamoudzou, sont en phase d’achèvement ; les prochains chantiers soit sont en phase d’étude, comme les collèges et les lycées, soit ne sont pas encore lancés, comme les opérations inscrites dans le contrat de projet 2008-2014 et dans les conventions spécifiques, et le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer ne sera adopté qu’au début de 2009 : l’année 2009 risque par conséquent d’être une année blanche sur le plan économique et social, et donc propice aux agitations de toutes natures.
Dans ces conditions, le taux de croissance de 10 % observé au premier semestre de cette année risque de baisser. Le secteur de l’emploi qui en dépend va se dégrader. Le SMIC, qui a augmenté de 12, 3 % au mois de juillet, connaîtra une évolution sans doute plus modérée. Le plan de rattrapage des minima sociaux 2007-2010, doté de 10 millions d’euros en 2007 et d’aucun crédit en 2008 et en 2009, est déjà compromis, me semble-t-il, d’autant plus qu’il prévoit l’extension de l’allocation spéciale pour personnes âgées et pour adultes handicapés qui ne semble pas, dans l’immédiat, être à l’ordre du jour.
Dans ce contexte, rappelons, monsieur le secrétaire d’État, que les instituteurs de Mayotte réclament toujours le paiement rétroactif de la dotation spéciale instituteurs à compter du 1er janvier 2008 et demandent le rétablissement de l’indexation des salaires à un taux uniforme de 2, 15 points compte tenu du fort taux d’inflation à Mayotte : 5, 5 % par rapport à septembre 2007, contre 1, 7 % en métropole.
Sous le bénéfice de ces observations et des réponses que vous voudrez bien nous apporter, je voterai les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2009.