Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de budget que vous nous soumettez s’inscrit dans un contexte marqué par la crise financière et économique internationale, qui n’épargnera pas l’outre-mer.
À cette même tribune, j’ai déjà eu l’occasion, lors du débat sur les finances des collectivités territoriales, de m’exprimer sur les conséquences que cette crise aura sur l’investissement des collectivités. Il n’est donc pas nécessaire d’y revenir longuement.
Je dois toutefois poser la problématique du financement de la dépense, qui se révèle notamment au travers des difficultés que rencontrera le conseil général pour financer ses principales obligations sociales, c’est-à-dire l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, et le RMI. Cela m’amène à vous interroger sur la révision des bases du calcul des dotations affectées, surtout dans la perspective de l’entrée en vigueur du RSA.
Par ailleurs, comme vous le savez, la création des collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin risque de se traduire par une forte réduction des dotations du département, qu’il s’agisse de la dotation globale de fonctionnement, de la dotation globale de décentralisation ou de la dotation départementale d’équipement des collèges.
À cet égard, j’apprécierais, madame la ministre, que vous précisiez la réponse que vous m’avez apportée sur ce point lors du débat consacré aux recettes des collectivités locales.
Je me permets d’insister sur ce point, car seules les charges compensées par l’État doivent être transférées. Or, à ce jour, des prélèvements sur dotations ont été opérés à un niveau supérieur. Je vous serais reconnaissant de me confirmer que les corrections qui s’imposent interviendront effectivement, la commission d’évaluation des charges ayant désormais rendu son avis.
Concernant plus directement la mission « Outre-mer », et au-delà de la réforme structurelle qui conduit à faire du secrétariat d’État chargé de l’outre-mer une administration de coordination et non plus de gestion, vous nous présentez, monsieur Jégo, un budget dont l’augmentation affichée de 10 % doit, à mon sens, être relativisée à la lueur des réformes en cours et à venir pour l’outre-mer.
Il en va ainsi de votre politique de l’emploi qui, en dépit d’une hausse affichée de 3 % des crédits, poursuit le démantèlement des dispositifs des emplois aidés, dont le financement diminue de plus de 52 millions d’euros.
Parallèlement, au lieu de poursuivre sur la voie du renforcement de la compétitivité des entreprises par l’abaissement du coût du travail, la réforme des exonérations de cotisations patronales aura pour conséquences de créer une trappe à bas salaires tout en augmentant les charges des entreprises, qui seront également touchées par la réforme des zones franches urbaines, les ZFU.
Dans ces conditions, afin de permettre à nos entreprises de se préparer à l’entrée en vigueur de ce nouveau dispositif, je plaide pour que les mesures Girardin, qui se révèlent plus « avantageuses », continuent de s’appliquer jusqu’à la fin de l’année 2009. En cette période de ralentissement économique, qui appelle une plus grande solidarité nationale, il conviendrait en effet de ne pas alourdir brutalement les charges sur les salaires qui sortiront du champ de l’exonération avec ce nouveau dispositif. J’aurai l’occasion d’y revenir lors de l’examen de l’article 65, dont l’inscription au projet de loi de finances me semble d’une opportunité plus que contestable.
Certes, ce projet de budget anticipe sur les dispositions de la loi pour le développement économique de l’outre-mer, la LODEOM. Mais il anticipe surtout sur les économies que vous prévoyez de réaliser.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, je m’interroge sur l’opportunité de ces économies budgétaires à un moment où, compte tenu de la conjoncture, nos départements, déjà structurellement fragiles, seront encore plus fragilisés.
S’il est un secteur touché par ce souci de réduction des dépenses publiques, c’est bien la politique du logement qui, au lieu de faire preuve de volontarisme, nous invite à puiser dans les crédits normalement destinés aux actions nouvelles pour régler le stock de dette.
La ligne budgétaire unique, ou LBU, augmente ainsi, cette année, de 9 millions d’euros, mais en partie grâce aux reports de crédits. Il faut en effet savoir, mes chers collègues, qu’en Guadeloupe, en 2008, à peine 10 % des crédits ont pu être consommés par les bailleurs sociaux. En effet, ces opérateurs, confrontés à une crise de trésorerie résultant des délais de paiement insupportables, des dettes exigibles de l’État et des critères de financement de la LBU qui ne prennent pas en compte le coût réel des opérations, n’ont eu d’autre choix que de cesser toute production nouvelle depuis le début de l’année, avec les conséquences que vous imaginez sur l’activité du secteur du bâtiment et des travaux publics.
Au-delà de ce problème, il ne peut être passé sous silence que, cette année encore, l’écart se creuse entre les crédits de paiement et les autorisations d’engagement, passant de 36 millions d’euros en 2008 à 49 millions d’euros en 2009.
Du propre aveu des deux rapporteurs spéciaux, cet accroissement inquiétant risque d’entraîner des factures impayées qui viendront augmenter la dette cumulée de l’État à l’égard des opérateurs depuis 2002, dette qui culmine cette année à 660 millions d’euros.
Je tiens à souligner que, dans l’hexagone, la même situation a conduit à une programmation sur cinq ans en inscrivant des crédits de paiement supérieurs de 315 millions d’euros aux autorisations d’engagement pour résorber la dette. Force est de regretter que, en outre-mer, les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets.
Face à l’immensité de nos besoins, ce projet de budget n’annonce ni plus ni moins que la fin du financement public du logement social et son remplacement par un système de défiscalisation n’apportant aucune garantie en termes de stabilité et de pérennité de la ressource.
Pourquoi, en effet, avoir choisi, dans le cadre du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer, le recentrage de la défiscalisation sur le logement social pour répondre à la crise de ce secteur en outre-mer, alors qu’ailleurs ce sont le plan Borloo et la loi Boutin qui ont été retenus ?
À la lumière des nombreux rapports publics dont vous ne pouvez ignorer l’existence, et même au bénéfice du doute, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, j’ai du mal à penser qu’il existe une politique volontariste pour résorber la crise du logement social en outre-mer.
À ce titre, l’effort que vous nous présentez cette année devrait permettre la construction de 4 500 logements dans tout l’outre-mer. Or, je rappelle que la Guadeloupe enregistre, à elle seule, plus de 20 000 demandes non satisfaites.
Quant au plafonnement de l’aide à l’investissement prévu par l’article 43 du présent projet de loi de finances, il se traduit déjà en Guadeloupe par d’importants reports d’investissement.
Je partage, bien sûr, votre souci d’établir une plus grande justice fiscale, mais je ne peux que regretter que cette démarche contribue, en réalité, à mettre en péril un dispositif d’aide à l’investissement qui concourait à la stratégie de développement économique de nos territoires.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, il est encore temps de réviser les plafonds de l’avantage fiscal issu de l’investissement si l’on ne veut pas tarir une source de capital vitale pour les petites entreprises d’outre-mer.
Enfin, vous avez été bien avisés de créer un fonds exceptionnel d’investissement destiné au rattrapage du retard des départements d’outre-mer en équipements structurants. Ce fonds, les élus de la Guadeloupe, toutes sensibilités politiques confondues, l’avaient réclamé, et je vous sais gré d’avoir accédé à cette demande.
Cependant, sa faible dotation – 16 millions d’euros pour l’ensemble des collectivités d’outre-mer, ce qui, même au sein de la majorité, est jugé en deçà des besoins – ne lui permettra pas d’avoir l’effet levier escompté : pour ne parler que de la Guadeloupe, 300 millions d’euros manquent au titre de la seule politique de rattrapage des équipements de traitement des déchets ménagers.
Au surplus, cet effet levier serait encore diminué, monsieur le secrétaire d'État, par votre proposition, entendue sur RFO, de ponctionner 10 millions d’euros de ce fonds pour répondre à l’urgence de la crise du prix des produits pétroliers en Guyane.
Vous comprendrez que, tout comme mes collègues de Martinique et de Guyane, je désapprouve fortement cette démarche qui remettrait durablement en question l’autonomie financière de nos collectivités en leur demandant de troquer une recette dynamique contre une recette ponctuelle et incertaine.
Pour toutes ces raisons, je ne peux, en l’état, voter les crédits consacrés à la mission « Outre-mer » et, au-delà, adhérer à la politique pour l’outre-mer portée par le Gouvernement.