Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’heure où je vous parle, vingt centimes d’euros paralysent toute la Guyane, bloquée maintenant depuis plus de dix jours par ses habitants, toutes composantes sociales, ethniques ou politiques confondues. J’en veux pour preuve l’adhésion de vos compagnons de l’UMP, monsieur le secrétaire d’État, à ce front commun.
Contrairement à vos allégations, il ne s’agit pas d’un mouvement de contestation avec des manipulateurs de gauche ou des opposants au Gouvernement. Vingt centimes d’euros manquent encore aujourd’hui pour satisfaire la demande des consommateurs de Guyane de baisser de cinquante centimes d’euros le prix du carburant le plus cher de France : jusqu’à hier encore, il était de 1, 77 euro, contre une moyenne de 0, 98 euro dans les stations-service hexagonales.
Vous demandez maintenant aux collectivités de Guyane, qui sont toutes asphyxiées financièrement et dont la totalité des recettes est déjà affectée, de prendre en charge ces vingt centimes d’euro sur le produit de la taxe sur les carburants.
En échange, vous leur proposez une compensation de 10 millions d’euros à prélever sur le fonds exceptionnel d’investissement.
Monsieur le secrétaire d'État, si je salue l’apparition de ce fonds dans le budget de l’outre-mer, je ne peux m’empêcher de vous interroger sur son utilisation dans ce cas particulier.
En effet, comment allez-vous faire pour compenser techniquement la perte de recettes de fonctionnement des collectivités de Guyane par un fonds réservé au financement d’investissements ?
Que prévoyez-vous pour compenser les pertes de recettes qui, très certainement, interviendront après les trois mois de votre « opération vérité » sur les prix des carburants outre-mer ?
Comment parviendrez-vous à affecter dès cette année 10 millions d’euros sur ce fonds à la seule Guyane, quand on sait qu’il n’est pas encore créé, qu’il ne disposera que de 16 millions d’euros de crédits de paiement en 2009 et qu’il s’adresse à toutes les collectivités ultramarines ? D’ailleurs, si tous mes collègues ont salué l’apparition de ce fonds, aucun n’a manqué de relever qu’il paraissait déjà insuffisant.
Pouvez-vous donc, monsieur le secrétaire d'État, nous assurer que la procédure d’attribution des concours financiers à l’intérieur de ce fonds garantira, dans la plus grande transparence, que toutes les communes de Guyane pourront en bénéficier ?
Ne risque-t-on pas de se retrouver dans le même cas de figure que pour les prêts de restructuration annoncés pour toutes les communes de Guyane mais dont seulement quatre bénéficient pour l’heure alors que d’autres semblent en être exclues ?
Enfin, êtes-vous prêt à signer une convention avec un organisme financier qui pourrait, avec la garantie de percevoir cette somme, faire des avances à taux zéro aux différentes structures percevant le produit de la taxe sur les carburants ?
À ces questions précises, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, je veux des réponses précises. L’heure n’est plus aux déclarations d’intention ni aux belles promesses.
Vous refusez de prendre la réelle température de ce mouvement de grande ampleur qui est la manifestation d’un malaise grandissant au sein de la population guyanaise, malaise qu’à maintes reprises les élus que nous sommes ont porté à votre connaissance.
Il est vrai, monsieur Jégo, que vous n’avez pas daigné recevoir les quatre parlementaires et les présidents des deux collectivités venus en octobre discuter au secrétariat d’Etat du problème du carburant. Si vous nous aviez alors entendus, ce conflit aurait très certainement été évité.
De même, vous avez décliné au tout dernier moment l’invitation à vous rendre à la conférence des présidents des régions ultrapériphériques de l’Union européenne qui s’est tenue en novembre en Guyane.
Il faut néanmoins vous rendre à l’évidence : la Guyane traverse une crise profonde, et elle est à la limite de l’explosion. Aussi, cessez de voir ce département uniquement au travers du prisme de la base spatiale de Kourou ou comme un joyau en matière de biodiversité !
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, la Guyane, c’est aussi et surtout une terre de plus en plus sinistrée qui cumule tous les mauvais records, en termes de chômage, d’insécurité, de délinquance, d’immigration clandestine, d’accidents de la route, de sida, une terre où l’on continue « à lancer des fusées sur fond de bidonvilles », pour reprendre l’expression de François Mitterrand.
Dans ce département français où le taux de pauvreté est le plus élevé des départements d’outre-mer, un Guyanais sur quatre vit sous le seuil de pauvreté, et le taux de chômage, supérieur à 24 %, touche majoritairement les jeunes, lesquels représentent plus de la moitié de la population. Le désarroi des jeunes est donc grand, et il s’exprime d’ailleurs actuellement à travers cette crise.
Je pourrais poursuivre en parlant des problèmes liés à la santé, au logement social, à l’éducation, à l’orpaillage clandestin, à l’énergie, à l’insécurité, mais le temps de parole qui m’est imparti est trop court.
Ce sur quoi je voudrais insister, c’est sur le fait que, en dépit de ce tableau certes noir mais réel de la situation guyanaise, nous maintenons une exigence de dignité. Nous ne quémandons pas ; nous demandons que nous soit restitué ce qui nous est dû.
Je pense par exemple aux 17 millions d’euros de dotation superficiaire qui échappent à nos communes en raison d’un plafonnement qui ne frappe qu’elles, ou encore aux 27 millions d’octroi de mer dont elles sont privées, autre fait unique dans les départements d’outre-mer, soit une perte annuelle de 44 millions d’euros.
Rétrocédez-nous cette somme et vous verrez que non seulement nos finances locales seront ajustées, mais aussi que nous saurons très rapidement enclencher un véritable processus de développement endogène, compte tenu de l’impact des dépenses publiques sur l’économie guyanaise.
Ce n’est malheureusement pas ce qui est prévu : dans votre projet de budget tel qu’il nous est présenté, je ne trouve pas les réponses à ces demandes incessantes. Bien au contraire, le document de politique transversale qui établit la réalité de l’effort budgétaire en crédits d’intervention des différents ministères se traduit comme par hasard pour la Guyane par une diminution de 9 000 euros.
Aussi, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, je vous saurais gré de nous confirmer que les 10 millions d’euros que vous avez annoncés sur les ondes figurent bien dans votre budget au titre des crédits inscrits pour le fonds exceptionnel d’investissement, car vous enverrez ainsi un signal fort à la population guyanaise.
En l’état, je ne peux que voter contre votre budget.