Intervention de Michel Magras

Réunion du 2 décembre 2008 à 22h00
Loi de finances pour 2009 — Outre-mer

Photo de Michel MagrasMichel Magras :

Mes chers collègues, la question de la circonscription législative de Saint-Barthélemy a été l’objet d’une actualité brûlante, et je tiens à exprimer de nouveau toute ma confiance en la parole donnée par le Gouvernement, en dépit des assauts répétés pour modifier ce qui reste une disposition acquise dans la loi organique.

Votre soutien, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, témoigne de la prise en compte de la situation réelle et particulière de notre collectivité.

En effet, ses choix de développement économique ont permis à Saint-Barthélemy d’atteindre un équilibre, avec notamment un taux de chômage qui s’établit à 3, 3 %. Bien sûr, nous en sommes fiers, mais cela ne doit pas pour autant être interprété comme la marque d’une désolidarisation du reste de l’outre-mer, non plus que d’une incompréhension de ses problématiques.

À ce titre, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, l’examen des crédits du projet de loi de finances est en général, pour moi, un exercice particulier. En effet, vous le savez, la collectivité de Saint-Barthélemy ne perçoit aucune dotation de l’enveloppe normée destinée aux collectivités. Je prends donc acte, devant vous, du fait que cette autonomie budgétaire constitue une sorte de compensation ou de contrepartie de notre autonomie statutaire.

Les attentes de Saint-Barthélemy ne se situent pas au niveau budgétaire. La collectivité attend de l’État un accompagnement essentiellement réglementaire, ce dont je vous ai d’ailleurs déjà fait part s’agissant de la validation des projets d’actes qui vous ont été transmis.

Néanmoins, ce projet de budget qui nous est présenté par le Gouvernement mérite d’être salué à plusieurs titres : tout d’abord, il offre, de par sa présentation triennale, une visibilité certaine ; ensuite, il s’inscrit en cohérence avec la future loi de développement économique de l’outre-mer, qu’il anticipe ; enfin, il maintient une politique tenant compte des besoins propres à chacune des économies d’outre-mer.

Dans cette optique, je souhaite que les entreprises de Saint-Barthélemy puissent continuer à bénéficier du dispositif d’exonération de charges patronales instauré par la loi de programme de 2003 et réformé par l’article 65 de ce projet de loi de finances. En l’état, Saint-Barthélemy en serait exclue, ce qui porterait un tort considérable à l’économie, puisque le taux de chômage relativement faible que nous connaissons aujourd’hui s’explique en partie par ces mesures d’exonération. Surtout, si l’article 65 était adopté tel quel, les entreprises de Saint-Barthélemy seraient placées en situation de distorsion de concurrence face à celles des collectivités voisines qui, elles, en bénéficieraient.

J’aurai l’occasion d’y revenir plus longuement en présentant l’amendement que j’ai déposé, certain qu’il s’agit ni plus ni moins d’un regrettable oubli intervenu au moment de la rédaction.

En outre, il serait opportun que la mission d’inspection chargée d’étudier la question du prix des carburants se rende également à Saint-Barthélemy. L’entrée en vigueur des normes européennes interdisant l’approvisionnement sur le marché libre à moindre coût a en effet engendré à Saint-Barthélemy une augmentation du prix du carburant, donc des charges pour certaines professions, notamment les pêcheurs. Ces derniers, fortement consommateurs de carburant, se trouvent désavantagés par rapport à leurs collègues des îles voisines. La solution consisterait dès lors à permettre à notre collectivité de pouvoir à nouveau s’approvisionner sur le marché libre.

Je ne m’étendrai pas sur le dispositif de défiscalisation, que je sais controversé. J’indiquerai simplement que, pour ma part, en adéquation avec la politique conduite par la collectivité, j’aurais préféré que la défiscalisation ne soit pas applicable à Saint-Barthélemy. Ce choix n’ayant pas été celui du Gouvernement, je vous serais reconnaissant de m’indiquer dès que possible les modalités retenues pour la consultation de notre collectivité dans le cadre des décisions portant agrément des opérations d’investissement ouvrant droit à déduction fiscale.

À ce propos, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous aurez noté, tout comme moi, que pas un article de presse sur la question des niches fiscales ou de la défiscalisation ne manque l’occasion d’épingler Saint-Barthélemy et de l’ériger au rang de paradis fiscal. Cette tribune m’offre l’occasion d’affirmer que cette assimilation est abusive et impropre, dénotant une méconnaissance totale de notre statut et de notre politique qui visent, au contraire, à freiner l’attractivité fiscale de l’île !

En effet, Saint-Barthélemy ne souhaite en aucun cas attirer des investissements d’opportunité fiscale. La faible pression fiscale de l’île est le résultat d’une politique clairement définie et d’une gestion rigoureuse. Ce n’est donc pas un statut fiscal qui a trouvé un territoire où se développer, mais plutôt un mode de gestion qui a fini par trouver son statut.

L’appellation de paradis fiscal relève du cliché. En effet, la loi organique statutaire et bientôt la convention fiscale qui liera la collectivité à l’État prévoient expressément une clause de transmission des informations afin de lutter contre la fraude et l’évasion fiscale. En outre, pas plus le secret bancaire que le secret commercial, caractéristiques fondamentales des paradis fiscaux, ne s’appliquent à Saint-Barthélemy.

Aussi n’ai-je qu’un regret à exprimer : bien souvent, lorsque les ministres du Gouvernement sont interpellés au sujet de Saint-Barthélemy, ils se contentent d’esquiver la question en une phrase. En réalité, c’est non pas Saint-Barthélemy qu’ils ont à défendre, mais la France elle-même, notre République qui, en érigeant Saint-Barthélemy au rang de collectivité, n’a pas accepté de faire d’un de ses territoires un paradis fiscal en méconnaissance totale des principes et des conventions internationales qu’elle défend par ailleurs.

Enfin, permettez-moi d’attirer votre attention sur un point qui me tient à cœur. Dans le cadre de la réforme du dispositif de continuité territoriale, je souhaiterais qu’une attention particulière soit portée aux étudiants de Saint-Barthélemy qui, à partir de l’enseignement secondaire, doivent quitter l’île pour être scolarisés en Guadeloupe, à Saint-Martin ou en métropole. Cette organisation suppose d’évidentes contraintes financières pour les familles, ainsi que le poids de la séparation pour les étudiants. La collectivité ne souhaite pas particulièrement que la gestion du futur fonds de continuité territoriale lui soit déléguée ; elle voudrait plutôt que la mise en place de ce dernier soit l’occasion de tenir compte de l’impossibilité pour les élèves de Saint-Barthélemy d’y poursuivre leurs études au-delà d’un certain niveau, et ce afin que le bénéfice de cette mesure leur soit accordé en priorité.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en dépit de la situation particulière de Saint-Barthélemy, je me sens concerné et, je le redis, solidaire de l’avenir de l’outre-mer. C’est donc sans réserve que je voterai les crédits de cette mission.

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