…a dû être bouleversé en raison de la crise budgétaire.
D’aucuns m’ont expliqué pendant plusieurs mois que ce projet de loi était mauvais. Je pensais donc que l’annonce de son examen tardif serait une bonne nouvelle pour eux. Je me réjouis aujourd'hui de constater que nombre des membres de la Haute Assemblée, siégeant notamment sur les travées de l’opposition, attendent désormais avec impatience ce texte. Cela signifie, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous l’avez mieux compris. J’espère que nous pourrons mener un débat fructueux afin de le rendre opérationnel.
S’agissant de la défiscalisation, sujet évoqué par un certain nombre d’entre vous, je partage les propos tenus par Mme Alliot-Marie.
Je suis surpris : selon les élus de l’opposition, le plafonnement de la défiscalisation tendant à soustraire les 1 200 foyers fiscaux les plus riches de notre pays au paiement de l’impôt serait une honte, une atteinte à je ne sais quel ordre moral ! Or j’avais cru comprendre que les mêmes nous accusaient voilà quelques mois de faire des cadeaux aux riches ! Qui, dans cet hémicycle, souhaite ce soir que nous continuions à en faire au titre de la défiscalisation ?
Quoi qu’il en soit, le plafonnement, tel qu’il a été élaboré en concertation avec les parlementaires, va permettre à la fois de moraliser le dispositif – nous devons être fiers que cela n’autorise plus quelques grosses fortunes à se dédouaner de l’impôt – et de lui conserver son caractère opérationnel. À cet égard, si nous avions voulu « tuer » ce dispositif, nous aurions non pas augmenté les crédits dans le projet de budget – ils passent de 550 millions d’euros à 800 millions d’euros –, mais, au contraire, diminué cette somme ! Voilà qui devrait mettre fin à toutes les campagnes de dénigrement qui ont été menées.
Je tiens à indiquer avec gravité à un certain nombre d’élus que toutes ces campagnes de dénigrement des projets n’ont qu’un résultat : la mauvaise image de l’outre-mer ! La presse, les médias évoquent alors une outre-mer en panne, qui refuserait d’aller de l’avant et craindrait toute réforme. Or, au cours de mes déplacements, j’ai constaté tout le contraire. J’ai rencontré des chefs d’entreprise, des acteurs de la vie locale qui n’avaient qu’une envie : faire preuve de dynamisme et s’inscrire dans les évolutions. Prenons donc garde à ne pas salir l’image de l’outre-mer ! Souvent, nombre de nos compatriotes en ont une vision un peu réductrice ou caricaturale. À nous tous, mesdames, messieurs les sénateurs, de montrer que l’outre-mer veut s’inscrire pleinement dans l’évolution de la société.
La compensation des charges dues par les entreprises a été souvent évoquée. Ce sujet sera abordé à nouveau prochainement. Le présent projet de loi de finances prévoit 1 milliard d’euros à ce titre, contre 1, 150 milliard d’euros précédemment. Le manque à gagner de 150 millions d’euros sera compensé, dans la loi pour le développement économique de l’outre-mer, par plus de 300 millions d’euros correspondant à des baisses de fiscalité. Je rappelle que les entreprises bénéficieront de 80 % ou de 50 % de réduction de la taxe professionnelle, de l’impôt sur les sociétés et de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Dans les départements ou les secteurs les plus en difficulté, le taux appliqué sera systématiquement celui de 80 %.
Nous avons la volonté de poursuivre l’effort et de réorganiser l’action de l’État. Alors que le monde change et que les entreprises doivent sans cesse s’adapter à des évolutions brutales, comment concevoir qu’un dispositif adopté voilà huit ans soit figé à jamais ? Nous voulons réorganiser les outils de l’État pour être plus efficaces et pour répondre aux défis économiques auxquels nous sommes confrontés.
Par ailleurs, pour ce qui concerne la politique de désenclavement, de continuité territoriale, il convient de parvenir à une diminution du prix des billets d’avion. Le projet de loi de finances qui vous est présenté comporte un certain nombre de moyens globalisés qui devraient permettre d’aller dans ce sens.
Mayotte a fait l’objet de nombreuses interventions. Les moyens budgétaires affectés à ce territoire ne sont pas revus à la baisse. Je ne suis pas d’accord avec les analyses qui ont été effectuées.
Je me suis rendu à Mayotte deux fois au cours de cette année. J’ai signé un contrat de développement à hauteur de 550 millions d’euros, dont 330 millions d’euros sont pris en charge par l’État et figurent, en grande partie, dans ce projet de budget. Nous répondons ainsi aux besoins de financement, notamment dans le domaine scolaire. Nous allons investir 19 millions d’euros dans les bâtiments scolaires.
Monsieur Giraud, le lycée auquel vous avez fait référence a été construit en préfabriqué non par manque de moyens, mais parce que la commune avait mis à la disposition de l’État un terrain inadapté à la construction d’un bâtiment en dur. Aujourd’hui, nous recherchons un autre terrain adéquat. Pour ne pas priver les élèves de cours, nous avons installé des bâtiments préfabriqués de très grande qualité, climatisés, extrêmement modernes, que j’ai d’ailleurs visités.
Mayotte a la grande ambition de s’engager vers la départementalisation. Une première étape se jouera au mois de mars prochain, avec la consultation des Mahorais. Si ces derniers se prononcent dans le sens souhaité par l’immense majorité de leurs élus, le cent unième département français verra le jour, dans le cadre d’une feuille de route progressive et adaptée. D’année en année, certaines dispositions répondront aux attentes des Mahorais et les amèneront à modifier un certain nombre de leurs habitudes en matière d’impôts locaux, d’état civil – c’est un préalable –, de cadastre ; la justice religieuse devra laisser la place à la justice de la République.
Pour ma part, je considère que le chemin menant à la départementalisation sera totalement parcouru dans une vingtaine ou une trentaine d’années. Ne mentons pas aux Mahorais ! Pour autant, cela ne signifie pas que des décisions importantes ne pourront pas être adoptées dès l’année prochaine. Mais une génération sera nécessaire pour répondre aux attentes de développement de ce territoire.
J’en viens à la Guyane, qui connaît actuellement une situation préoccupante. Depuis neuf jours, la population est descendue dans la rue à l’appel d’abord des transporteurs puis des consommateurs, afin d’obtenir une baisse de cinquante centimes du prix du litre d’essence. Toute l’activité de la Guyane, qu’il s’agisse de l’activité économique, sociale ou scolaire, est bloquée.
Le Gouvernement a pris acte de cette demande. Comme Michèle Alliot-Marie l’a indiqué, nous avons envoyé une mission qui sera sur place la semaine prochaine. Cette dernière, au-delà de la Guyane, fera d’ailleurs le tour de tous les territoires afin de mettre à plat le système de formation du prix de l’essence et de régler le problème.
En attendant, nous avons essayé d’apporter des réponses à court terme. Le prix de l’essence en Guyane est le plus élevé non pas du monde, mais de France : 1, 77 euro le litre d’essence au début de la crise. On comprend donc parfaitement la colère des Guyanais.
Pourquoi un tel état de fait ? Il existe trois raisons à cela.
Outre des spécificités géographiques propres à la Guyane, qui entraînent une distribution plus chère, il existe des raisons conjoncturelles : voilà un peu plus d’un an, le syndicat des concessionnaires automobiles a déposé une plainte contre les sociétés pétrolières pour que soit livrée dans ce département de l’essence aux normes européennes. Cette dernière, de qualité, convient beaucoup mieux aux voitures que l’essence jusqu’alors importée en Guyane en provenance des pays voisins. De ce fait, le prix de ce produit a augmenté de 30 %.
La troisième raison tient au fait que, outre-mer, les taxes perçues sont prélevées non pas l’État, comme en métropole, mais par le conseil régional, qui en fixe librement le taux. Or, en Guyane, le taux de ces taxes est de 30 % à 50 % plus élevé que dans le reste de la région Caraïbe.