L’article 65 anticipe l’une des principales dispositions prévues dans le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer, que nous devrions examiner au début de l’année prochaine. Or, l’insertion de cette mesure dans le projet de loi de finances soulève des difficultés en raison tant des conséquences qui risquent d’en découler que de la méthode utilisée.
Je détaillerai tout d’abord les conséquences.
L’article 65 vise à modifier le champ d’application du dispositif d’exonération de cotisations sociales patronales et à en unifier les plafonds.
Après une phase que l’on peut qualifier d’expérimentation, dans le cadre de la loi Perben de 1994, ce dispositif avait été conçu, dans la loi d’orientation pour l’outre-mer de 2000, comme un moyen de promouvoir la compétitivité des entreprises. De fait, même si quelques effets d’aubaine ont pu être enregistrés, il s’est avéré particulièrement incitatif pour le maintien et la création d’emplois. C’est ainsi que, de 2002 à 2007, l’emploi salarié a progressé de 13 % en Martinique alors qu’il n’augmentait que de 3, 9 % sur le plan national.
Actuellement, les entreprises des départements d’outre-mer sont exonérées à 100 % de ces cotisations sociales patronales, quel que soit le montant du salaire, pour la fraction de ce dernier qui est inférieure à 1, 3 SMIC pour les entreprises de moins de dix salariés pour la plupart des secteurs ; à 1, 4 SMIC pour les secteurs de l’industrie, des énergies renouvelables, des technologies de l’information et de la communication, de l’audiovisuel, de la pêche, de l’agriculture ; à 1, 5 SMIC pour les secteurs du tourisme, de l’hôtellerie, de la restauration.
Dans l’aménagement qui nous est proposé, le plafond d’exonération de cotisations sociales patronales sera unifié à 1, 4 SMIC et porté à 1, 6 SMIC pour les secteurs prioritaires. Il est cependant institué un système de dégressivité linéaire consistant à ne plus exonérer à 100 % la fraction du salaire inférieure au plafond, l’exonération devenant nulle à respectivement 3, 8 SMIC et 5, 6 SMIC.
Les entreprises bénéficiant du taux le plus élevé d’exonération seront celles qui entreront dans le cadre des futures zones franches globales d’activité, mises en place aux articles 1er à 4 du projet de loi pour le développement économique pour l’outre-mer.
Ce nouveau dispositif n’a pas fait l’objet d’une réelle évaluation, mais il va à coup sûr aboutir à une hausse du coût du travail pour les salariés soumis aux nouveaux plafonds. Nous sommes donc en droit de craindre son effet sur les entreprises ayant le plus grand besoin d’emplois qualifiés : ce sont précisément les secteurs que, dans une économie moderne, on veut le plus encourager qui risquent d’être touchés.
Même dans les secteurs bénéficiant du seuil de 1, 6 SMIC, beaucoup verront leurs charges augmenter de façon très sensible. C’est ainsi que, en Martinique, les entreprises touristiques ont pu calculer que leurs charges augmenteraient de 12 % du fait de l’application de ce système de dégressivité.
Il faut par ailleurs savoir que, selon des statistiques fournies par le Gouvernement lui-même, environ 40 % du montant des exonérations de cotisations concernent des salaires supérieurs à 1, 6 SMIC, soit le salaire médian français.
En réalité, il faut l’avouer, cette réforme est motivée par la recherche d’économies budgétaires. En l’occurrence, elle permettra à l’État, qui ne parvient pas depuis plusieurs années à compenser les exonérations de cotisations sociales patronales, de réaliser une économie de 138 millions d’euros.
Je formulerai maintenant quelques observations sur la méthode.
L’article 65 anticipe donc sur le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer. C’est d’ailleurs en raison de la situation juridique complexe et difficilement acceptable ainsi créée que Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, s’était engagée devant les députés à ne pas appliquer cet article avant la promulgation de la LODEOM. Pour cette même raison, la commission des finances a repoussé l’entrée en vigueur de l’article jusqu’après la mise en œuvre de la future loi.
Il me semble qu’il aurait été plus normal, de fait, de débattre de ce dispositif dans le cadre d’ensemble qu’offre la future LODEOM : avec le procédé finalement retenu, on préjuge les choix de la représentation nationale, ainsi que l’a montré notre collègue Jean-Paul Virapoullé.
Je rappelle qu’au demeurant le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer, dans sa rédaction actuelle, est très loin de recueillir l’assentiment aussi bien des élus que des socioprofessionnels ! La concertation doit donc se poursuivre afin que les dispositifs soient mieux ciblés, plus affinés et inscrits dans une véritable stratégie de développement de l’outre-mer.
Aussi demanderai-je, avec mes collègues du groupe socialiste, apparentés et rattachés, la suppression de l’article 65.