Intervention de Yves Krattinger

Réunion du 2 avril 2009 à 10h45
Parcs de l'équipement — Discussion d'un projet de loi

Photo de Yves KrattingerYves Krattinger :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi relatif au transfert aux départements des parcs de l’équipement constitue l’aboutissement d’un long travail de concertation entamé dès 2005, entre l’État, les départements et les représentants des personnels des parcs.

En qualité de président de la commission « aménagement du territoire, transports et infrastructures » de l’Assemblée des départements de France, j’ai été associé à ces discussions pendant plus de quatre ans.

Ce long processus a permis, par un dialogue de qualité, de dégager certaines convergences entre l’État et les départements sur le principe et les conditions de ce transfert.

Mais plusieurs de ses modalités demeurent encore, à plus d’un titre, problématiques.

Je tiens à préciser que les conseils généraux sont, au fil des ans, très souvent devenus les premiers clients des parcs, leur contribution au chiffre d’affaires variant aujourd’hui de 60 % à 95 %, sauf quelques cas particuliers.

Dès lors, le maintien du régime conventionnel fixé par la loi du 2 décembre 1992 ne se justifie plus et le partenariat État-département apparaît à la fois déséquilibré et inadapté.

L’État a la maîtrise des moyens du parc, alors que c’est le département qui le fait majoritairement travailler ! Il apparaît donc urgent de régler cette question et de céder aux conseils généraux l’entreprise « Parc de l’équipement » en place dans chaque département.

Les conseils généraux avaient exprimé leur souhait de voir transférer les parcs dès le 1er janvier 2009, pour que la période transitoire prenne fin le plus rapidement possible.

Le report d’un an n’a fait qu’accroître l’urgence du transfert.

En particulier, après les importantes réorganisations vécues par les directions départementales de l’équipement, les DDE, ces dernières années, il y a dans les nouvelles directions départementales de l'équipement et de l'agriculture, les DDEA, un certain désintérêt pour le parc et son activité et un déficit de management très préoccupant.

Ce transfert continue de soulever, du côté des conseils généraux comme chez les personnels des parcs, des craintes légitimes, qui méritent d’être apaisées.

Ces craintes concernent plusieurs questions : le nombre d’agents transférés et les conditions d’intégration des personnels OPA dans les services départementaux ; le statut des personnels transférés ; les compensations financières et le régime de propriété garantis aux départements ; enfin, la possibilité de travailler pour les communes et les établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI.

Il s’agit de zones d’ombre que le débat qui nous réunit aujourd’hui se doit d’éclaircir.

Au fil des discussions et des travaux préparatoires, il est apparu indispensable, avant d’engager une réforme aussi complexe, de procéder à un recensement des problèmes particuliers à court et à moyen terme, au niveau local.

Ainsi a été engagée, dans chaque département, la réalisation d’une étude de transfert conduisant à l’élaboration d’un document d’orientation stratégique du parc, ou DOS, élaboré sous le pilotage conjoint du président du conseil général et du préfet, en associant, sous des formes variables suivant les territoires, les représentants du personnel.

Destinés à identifier les modalités d’application du transfert adaptées à la diversité des situations, ces DOS ont été renvoyés au secrétariat général du ministère dès le mois de juillet 2007.

Dans les DOS, une forte majorité de conseils généraux s’est déclarée plutôt favorable à un transfert partiel ou global des parcs de l’équipement, au motif qu’ils peuvent contribuer à la mise en œuvre des compétences départementales en matière d’entretien et d’exploitation des routes.

Je constate que ce projet de loi a tenu compte de certaines conclusions des DOS, en retenant trois principes directeurs de base : le transfert effectif des parcs pour tous les départements au 1er janvier 2010 et, au plus tard, au 1er janvier 2011, avec des modalités particulières pour les départements d’outre-mer et la Corse, à l’exclusion de la Guyane, qui est à part ; une définition locale des modalités du transfert, dans un cadre conventionnel à partir d’un dispositif commun édicté par la loi conformément à ce que nous souhaitions ; et le transfert en pleine propriété à titre gratuit des biens mobiliers et immobiliers utilisés par les parcs.

Par ailleurs, la commission des lois a permis de lever plusieurs zones d’ombre, en adoptant un certain nombre d’amendements.

Il s’agit, d’abord, de la création d’une commission nationale de conciliation, composée paritairement de représentants de l’État et des départements, et chargée d’intervenir en cas d’échec de la procédure conventionnelle prévue par l’article 5.

Il s’agit, ensuite, de l’extension aux biens meubles de l’exonération de tout droit, taxe ou honoraire pour le transfert de propriété des biens immeubles.

Il s’agit, enfin, de l’extension à deux ans du délai accordé aux collectivités pour demander le transfert en pleine propriété et à titre gratuit des immeubles appartenant à l’État, qui leur permettra d’évaluer les risques éventuels de pollution par l’amiante ou les hydrocarbures. Ces risques ne doivent pas être sous-évalués.

Toutefois, ce transfert continue de nourrir des inquiétudes réelles dans les départements.

En effet, les conseils généraux conditionnent le succès de l’intégration des parcs au sein de leurs services à l’obtention d’un certain nombre de garanties.

La réussite de cette réforme est liée à la souplesse d’adaptation de la démarche aux contraintes des collectivités territoriales et au respect du principe de leur libre administration. À cet égard, je souhaite que ce texte garantisse explicitement aux départements qu’ils ne pourront se voir imposer un transfert d’OPA surdimensionné, et à la proportion correspondant à la commande du département dans l’activité globale du parc.

Selon l’exposé des motifs de l’article 3, le transfert du parc repose sur la seule obligation pour la collectivité de reprendre au minimum une partie du parc constituant une entité fonctionnelle et correspondant à sa part d’activité.

Or, cet article 3 dispose que le nombre des emplois transférés aux départements ne peut être inférieur au nombre d’emplois pourvus dans le parc, au 31 décembre de l’année précédant la signature de la convention État-département prévue à l’article 4 ou de l’arrêté interministériel prévu à l’article 5. Afin de définir, de façon claire et sans ambiguïté, le principe de base sous-tendant le nombre d’agents des parcs transférés aux départements, il conviendrait de remplacer la formule « ne peut être inférieur » par « est égal ».

Nous devons permettre à chaque conseil général de moduler sa demande en fonction de ses besoins, du minimum imposé jusqu’au transfert global.

Par ailleurs, l’article 5 du texte précise que, si la convention prévue à l’article 4 n’est pas signée au plus tard le 1er mai 2010, un arrêté interministériel définira le nombre et la nature des emplois transférés ainsi que les modalités du transfert.

Rédigée comme telle, cette disposition peut aboutir à un transfert unilatéral de la totalité du personnel des parcs de l’équipement. C’est pourquoi il est indispensable de compléter cet article en prévoyant de limiter le transfert des personnels OPA à proportion de la part du chiffre d’affaires de la collectivité départementale au sein du parc à la date du 31 décembre 2006. Il convient par ailleurs de repousser la signature de la convention au 1er juillet 2010 pour donner plus de souplesse aux organes délibérants des collectivités.

Il faut rappeler que le transfert du parc ne correspond aucunement à un classique transfert de compétences, mais à la cession par l’État aux conseils généraux d’une entreprise dont ils sont de loin les premiers clients.

J’en viens maintenant, monsieur le secrétaire d’État, au second point sur lequel je souhaite vous interpeller.

La question du statut conféré aux ouvriers des parcs et ateliers qui a été au cœur des discussions préparatoires à cette réforme n’a pas abouti, je le regrette, à un véritable consensus entre les différents services de l’État, les départements et les représentants des personnels OPA.

Agents de droit public non titulaires de l’État, les OPA bénéficient d’un quasi-statut : droit à un déroulement de carrière, règles et garanties en matière de protection sociale, régime spécial de retraite.

La solution d’abord retenue par le Gouvernement était la création d’un quasi-statut commun entre l’État et les départements, création que nous avions approuvée. Elle rejoignait la proposition de M. Jean Courtial et les revendications des syndicats de personnels.

Ainsi, l’article 10 du projet de loi initial instituait une nouvelle catégorie d’agents publics destinée à accueillir les OPA : les personnels techniques spécialisés, PTS, dotés du statut d’agent contractuel de droit public à durée indéterminée. Recrutés dans des domaines limités, les PTS seraient soumis à des dispositions communes, qu’ils relèvent de l’État ou des collectivités territoriales.

Au vu du projet de décret, les départements ont fait part de leurs craintes au sujet des atteintes qui pourraient être portées à l’unicité du cadre de la fonction publique territoriale, avec les risques de revendications catégorielles pour un alignement de certaines situations sur celles des OPA. Ce risque serait source de difficultés potentielles en matière de management des équipes comme en matière budgétaire.

Je dois aussi rappeler que certains conseils généraux ont pour projet d’affecter indifféremment les agents du parc dans les équipes des unités territoriales ou dans les garages départementaux.

Constatant l’absence de consensus à l’égard du quasi-statut commun prévu par le Gouvernement, la commission des lois a proposé, en modifiant les articles 10 et 11, d’abandonner cette piste pour revenir au système du droit commun de la loi du 13 août 2004 : celui de la mise à disposition de plein droit et sans limitation de durée, à titre individuel, assortie d’un droit d’option pour le statut de fonctionnaire territorial dans un délai de deux ans à compter de la date du transfert du parc.

Cette méthode d’intégration s’est révélée satisfaisante lors du transfert des personnels TOS et des agents des DDE aux départements. Appliquée aux agents des parcs, cette procédure ne devrait pas poser de difficultés insurmontables aux conseils généraux, même si le contexte est, tout de même, quelque peu différent. Elle offrira néanmoins aux OPA une liberté de choix, une réelle sécurité statutaire et une perspective de carrières nettement plus diversifiées.

Par ces amendements, la commission des lois apporte des garanties nouvelles aux OPA. Si les agents, une fois intégrés, relèvent de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, ils conserveront toutefois le bénéfice de leurs droits à pension acquis antérieurement dans le cadre du Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État.

Les OPA optant pour l’intégration auront également la garantie de percevoir une rémunération au moins égale à leur rémunération globale antérieure – rémunération brute de base plus les primes et les indemnités –, et bénéficieront, si nécessaire, d’une indemnité compensatrice différentielle dans des conditions à définir par un décret en Conseil d’État.

Prévu à l’article 11, il fixera les conditions d’intégration et d’homologie des OPA dans la fonction publique territoriale. C’est peut-être le point le plus compliqué. Ce futur décret, dont le contenu demeure à ce jour beaucoup trop incertain et sur lequel – il faut le reconnaître – aucun travail de fond n’a été encore réalisé, appelle une grande vigilance, du côté tant des personnels que des conseils généraux.

Nous devons ici nous en préoccuper, et j’espère, monsieur le secrétaire d’État, que vos propos seront de nature à rassurer l’ensemble des parties. Je souhaiterais à cet égard que vous précisiez le contenu de ce décret et que vous preniez des engagements précis devant notre assemblée.

Le décret doit garantir, entre autres, aux OPA le même niveau de rémunération et un déroulement de carrière au minimum équivalent à celui dont ils bénéficient dans leur statut actuel, ainsi que la prise en compte pour le calcul de leur retraite des éléments de rémunération qui définissent leur assiette de cotisation actuelle.

Par ailleurs, M. le rapporteur l’a évoqué, la question de la charge financière correspondant aux personnels qui seraient éventuellement transférés en surnombre demeure entière pour les départements.

Alors que le Gouvernement a souhaité inscrire ce projet de loi dans la perspective avouée d’un transfert total – il me semble que c’est ce qui est généralement souhaité –, il ne traite pas dans le même temps cette question, ce qui nous semble très regrettable et relativement dangereux.

À cet égard, je suis surpris que l’amendement présenté par le groupe socialiste ait été déclaré irrecevable. Il tendait à ce que, dans le cas où l’État invite le département à accueillir en son sein un nombre d’agents supérieur à celui correspondant à la commande du département au parc, ceux-ci restent à la charge financière de l’État dans la mesure où le nombre d’agents transférés en fonction, qui va diminuer au fil des années du fait des départs à la retraite, resterait supérieur au nombre théorique de base correspondant à la proportion du département.

Monsieur le secrétaire d’État, une modification du texte en ce sens, qui peut venir de vous, et de vous seul désormais, permettrait d’envisager plus souvent – chaque fois que vous le souhaitez – un transfert total du parc dans un contexte où, rappelons-le, la commande de l’État au parc s’effondre rapidement, et où le travail pour les communes n’est pas à ce jour autorisé, ce qui constitue l’un des points négatifs de ce texte.

Je tiens à attirer votre attention sur cette nouvelle donne : beaucoup moins de commandes de l’État, une interdiction de travailler pour les communes, plus d’agents que nécessaire pour assurer la seule commande départementale. Les conditions seront les plus défavorables au transfert global dans la mesure où les conseils généraux ne diminueront pas leur commande aux entreprises privées en cette période qui est, nous le savons tous, économiquement très particulière. Ils ne disposeront donc d’aucune variable d’ajustement de la commande. Le repli sur le juste nombre transférable automatiquement sera probablement l’attitude la plus fréquemment adoptée.

Il est indispensable que la possibilité de travailler pour les communes et EPCI soit précisée dans la loi, certes pour une période limitée, mais qu’elle soit quand même autorisée.

Si le texte n’est pas modifié, il y aurait un très fort risque de voir rester à l’État un trop grand nombre d’OPA dont il n’aura pas forcément un grand besoin, M. le rapporteur l’a montré, et dont il aurait tout de même la charge.

Enfin, je tiens à souligner le coût à supporter par les départements pour la prise en charge des OPA en matière de protection sociale.

Il est nécessaire de rappeler que le taux de la contribution réclamé aux collectivités pour la constitution des droits à pension civile d’un fonctionnaire de l’État détaché a doublé en moins de trois ans.

Il a induit une charge « retraite » deux fois plus élevée pour la collectivité que celle qui est due pour un fonctionnaire territorial. Cela semble aujourd'hui assez étonnant.

Je vous serais très reconnaissant de bien vouloir nous apporter des explications et, si possible, de nous rassurer sur ce point pour l’avenir.

Je le répète, les départements acceptent majoritairement l’hypothèse d’un transfert rapide des parcs de l’équipement dans leurs services. Mais ils ne veulent pas d’une nouvelle mise à contribution financière des départements et ils veulent réussir cette intégration dans le respect des droits et des acquis des OPA.

Ils sont prêts à accepter un transfert global si les conditions en sont réunies, et nous pouvons le faire, mais ce n’est pas le cas dans le texte actuel.

La situation budgétaire des collectivités territoriales est actuellement trop fragile pour que subsistent autour de ce transfert des inconnues financières significatives. Nous devons améliorer la rédaction de ce texte.

Monsieur le secrétaire d’État, notre vote en faveur de ce projet de loi dépendra donc des réponses qui seront apportées au cours de ce débat. Si vous y répondez positivement, nous voterons ce projet de loi. Sinon, nous nous abstiendrons. §

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