Mais il faut bien comprendre que, derrière l'inégalité salariale, se pose le problème de la place de la femme au sein des entreprises.
En effet, comment, aujourd'hui, une maternité peut-elle encore constituer un préjudice pour une femme qui souhaite faire carrière ? Pourquoi si peu de femmes siègent-elles au sein des conseils d'administration ? Et je ne parle pas des postes à responsabilités !
Je fais partie de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. A ce titre, je suis tout particulièrement sensible aux problèmes de violences contre les femmes. Mais n'est-ce pas une forme de violence, et sournoise, que l'on commet encore ?
La conscience de l'inégalité, qui ne coûte pas cher, a progressé plus vite que la résolution du problème. Je vous remercie, madame la ministre, de nous soumettre aujourd'hui un texte complet.
Parmi les droits sociaux garantis aux femmes, c'est le droit au travail qui occupe la première place. Il suffit de jeter un oeil sur le passé pour constater combien le travail rémunéré des femmes a contribué à leur garantir le droit à la dignité et à l'autonomie, comme à assurer le bien-être financier de leur famille.
Aujourd'hui, il faut aller plus loin, car le travail n'est plus seulement un moyen d'assurer la subsistance individuelle ou familiale. Il est devenu, en plus, un facteur de réalisation personnelle et d'intégration sociale : de nos jours, la majorité des femmes souhaitent et réclament un épanouissement, dans leur vie tant professionnelle que familiale. Elles se veulent, elles se sentent les partenaires des hommes, leurs égales, et elles ont raison !
Mais si les femmes ont gagné en droits et en indépendance, il faut bien reconnaître qu'il reste un domaine où les inégalités persistent : le monde du travail.
Bien que la discrimination envers les femmes concerne tous les aspects de la relation de travail, qu'il s'agisse du recrutement, des conditions de travail ou du licenciement, c'est en matière de rémunération qu'elle est la plus évidente, la plus visible. Il existe en effet des chiffres avérés, qui ne peuvent être mis en doute.
Ainsi, alors que les femmes représentent 46 % de la population active, elles étaient, voilà encore peu de temps, payées en moyenne 25 % de moins que les hommes ; ce chiffre était de 21 % chez les cadres.
En effet, si l'écart de rémunération moyenne entre les femmes et les hommes se révèle plus faible dans le secteur public - le salaire moyen des femmes y était, en 2002, inférieur de 14 % à celui des hommes, alors que, dans les secteurs privé et semi-public, il était inférieur en moyenne de 19, 5 % -, il reste que, quel que soit le secteur, c'est parmi les cadres que cet écart est le plus important.
Je souhaite rappeler ce qu'est l'égalité salariale : une femme et un homme accomplissant un travail de valeur égale gagnent un salaire égal. Exprimé ainsi, il paraît aberrant d'être obligé, aujourd'hui, en 2005, de légiférer sur ce sujet !
Un fait serait de nature à nous rassurer : nous ne sommes pas les seuls à connaître une telle situation. En 2002, dix-huit pays européens ont fait l'objet d'une analyse. On a ainsi comparé les salaires moyens de femmes travaillant à plein temps avec ceux d'hommes travaillant dans les mêmes conditions : la différence moyenne s'est établie à environ 20 %, au préjudice des femmes !
Je fais aussi partie de la commission sur l'égalité des chances pour les femmes et les hommes au sein de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, dans le cadre de laquelle j'ai pu participer à certains travaux concernant le sujet plus large des discriminations pratiquées à l'encontre des femmes sur le lieu de travail ; j'ai alors pu constater que les discriminations sont monnaie courante dans l'ensemble des pays européens.
Malgré les indéniables efforts mis en oeuvre, malgré l'augmentation des niveaux d'études et de qualification des femmes, aucun pays n'est parvenu à l'égalité dans ce domaine. Et même, certains pays parmi les plus avancés en matière de lutte en faveur de l'égalité des rémunérations entre femmes et hommes, qui ont obtenu des résultats rapides, ont constaté qu'à partir du moment où un certain palier de correction des inégalités avait été atteint cette correction ne se poursuivait alors que beaucoup plus lentement.
Je prendrai l'exemple de la France : l'écart moyen des rémunérations s'est effectivement stabilisé si l'on considère qu'en 1998 les salaires moyens des femmes travaillant à temps plein ou à temps partiel étaient d'un quart inférieurs à ceux de leurs confrères masculins. En 2002, cette différence atteignait 21 %, tout en prenant en compte le temps partiel. Si l'on ne s'intéresse qu'aux salariés travaillant à temps complet, l'écart de rémunération tombe à 12 %. Je reviendrai dans un instant sur cette question du travail à temps partiel.
Enfin, la crise économique a tendance à aggraver cette situation puisque la nécessité ou la volonté de rester dans le monde du travail conduit les femmes à accepter des rémunérations qui ne respectent pas les principes de l'égalité, ou encore à ne pas dénoncer les discriminations dont elles sont victimes par crainte de perdre leur emploi.
Dans les branches professionnelles et dans les entreprises, la négociation collective est bien sûr l'une des voies sur lesquelles il faut insister, puisqu'elle est l'instrument par excellence de la détermination des salaires. Mais pour que des stéréotypes concernant la valeur du travail des femmes ne se répètent pas, il faut que les femmes elles-mêmes participent plus activement aux organisations syndicales - en l'occurrence, la nomination à la tête du MEDEF d'une femme, Florence Parisot, est un exemple fort et prometteur -, et qu'elles prennent part aux négociations collectives afin de défendre au mieux leurs propres intérêts. C'est le sens dans lequel vous avez voulu aller, madame le ministre, et je ne peux que vous en féliciter.
Un autre point me semble très positif : dans le projet de loi que nous examinons, les entreprises sont soumises non plus à une obligation de moyens, puisqu'on a pu clairement établir que ce système ne fonctionnait pas, mais à une obligation de résultat, avec la mise en place d'une taxe sur la masse salariale pour les entreprises qui se montreraient récalcitrantes. Ces points positifs, dont je n'ai pas entendu parler jusqu'à présent, me semblent essentiels.
En contrepartie, des aides seront apportées aux entreprises, qui permettront ainsi indirectement aux femmes de concilier vie professionnelle et vie familiale : aide financière pour les petites entreprises, afin qu'elles puissent procéder au remplacement d'une salariée en congé de maternité, et extension du crédit d'impôt famille pour les entreprises qui doivent engager des dépenses de formation à la suite de la démission d'un salarié au cours d'un congé parental d'éducation.
Si nous voulons que l'égalité professionnelle soit rapidement effective, il ne faut pas que les entreprises subissent des charges qui seraient de nature à freiner le processus.