Intervention de David Assouline

Réunion du 14 janvier 2009 à 15h00
Communication audiovisuelle — Article 18

Photo de David AssoulineDavid Assouline :

La suppression de la publicité sur les chaînes publiques est le fait du prince. Ce coup de poker, ce coup de pub dirais-je, puisque tout le monde en a parlé, est pour le moins irresponsable, car il « chamboule » toute l’économie d’un secteur sans qu’aucune étude ou concertation ait été menée au préalable.

L’annonce de la suppression de la publicité sur les chaînes publiques, nous l’avons dit, a surpris tout le monde, y compris vous-même, madame la ministre, comme on peut le constater en visionnant cette annonce. L’idée était simple : offrir les parts de marché du service public aux amis propriétaires de chaînes privées, dont l’un souffre des conséquences de son manque de perspicacité au sujet de la TNT, cheval sur lequel il n’avait pas misé.

Toujours est-il que l’on supprime ainsi 549, 6 millions d’euros à France Télévisions. En 2008, les prévisions s’établissaient à 809, 6 millions d’euros, celles pour 2009 s’élevant à 260 millions d’euros de recettes réalisées sur la tranche de six heures à vingt heures.

Les estimations établissant la compensation à France Télévisions à 450 millions d’euros et à Radio France à 23 millions d’euros pour 2009 – ce sont leurs propres estimations – sont donc déjà très en deçà des 550 millions d’euros de pertes. En 2009, il manquera 100 millions d’euros à France Télévisions au seul titre des recettes publicitaires perdues non compensées. Or, en 2008, 260 millions d’euros de recettes publicitaires ont déjà fait défaut à France Télévisions du fait de l’annonce de la réforme, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, les annonceurs, ne sachant qu’attendre de la réforme, se sont montrés frileux. C’est aussi la raison pour laquelle nous protestons sur la méthode de l’annonce, qui a déstabilisé tout le secteur pendant un an, jusqu’à la mise en place de la réforme.

Ensuite, les opérateurs privés, estimant qu’ils bénéficiaient de parts supplémentaires, ont cassé les prix afin d’être concurrentiels. Ils ont dit aux annonceurs : « Venez chez nous après vingt heures – d’ailleurs, il n’y aura bientôt plus que chez nous où vous pourrez aller –, et nous vous ferons des prix dans la journée ». Qui sait donc si France Télévisions pourra retrouver le niveau de recettes publicitaires qu’elle avait avant vingt heures ?

Enfin, une grande partie du marché est en train de muter naturellement vers internet et, dans une moindre mesure, vers les chaînes émergentes de la TNT.

Par ailleurs, il est pour le moins scandaleux que l’Assemblée nationale ait étendu la disposition supprimant la publicité à RFO, cédant ainsi à un lobbying. Pourtant, j’avais en tête que la loi devait servir l’intérêt général, non des intérêts privés. En l’occurrence, la loi est élaborée pour quelques personnes ou groupes précis, dont on peut déterminer les noms au travers du paragraphe 9 de cet article ; je ne les citerai pas !

Selon des études récentes, M6 devrait ne capter que 25 % des parts de marché publicitaires libérées. Le grand gagnant sera une fois encore TF1, qui, sur les quelque 250 millions ou 260 millions d’euros de recettes migrantes, devrait en capter 70 %.

En tant que législateur, je ne peux cautionner cette disposition qui vise uniquement à satisfaire quelques intérêts privés au détriment des téléspectateurs, qui pourront désormais être abreuvés de tunnels publicitaires interminables du fait de la réforme autorisant davantage de publicité pour les opérateurs privés ; nous aurons l’occasion d’y revenir.

Deuxième coupure, diffusion de neuf minutes de publicité par heure contre six minutes actuellement, passage de l’heure glissante à l’heure d’horloge : on est loin de la suppression de la publicité quand il s’agit des grands opérateurs privés !

Cette réforme mettra en péril tout le secteur public audiovisuel en supprimant le quart de son financement annuellement garanti.

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