La séance est ouverte à quinze heures.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
Par lettre en date du 13 janvier 2009, M. le Premier ministre a fait connaître à M. le président du Sénat que, en application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement déclare l’urgence du projet de loi (n° 155, 2008-2009) portant engagement national pour l’environnement.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence (nos 145, 150, 151, 152).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’examen de l’article 16.
Le premier alinéa de l'article 55 de la même loi est ainsi rédigé :
« La retransmission des débats des assemblées parlementaires par France Télévisions s'effectue sous le contrôle du Bureau de chacune des assemblées. »
L'amendement n° 33, présenté par Mme Morin-Desailly et M. Thiollière, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« À compter de l'extinction de la diffusion par voie hertzienne terrestre en mode analogique des services de télévision mentionnés au I de l'article 44 sur l'ensemble du territoire métropolitain, cette retransmission peut être remplacée par la diffusion, aux mêmes horaires, de programmes rendant compte des débats et des travaux des assemblées parlementaires mis à disposition gratuitement par la chaîne mentionnée à l'article 45-2. »
La parole est à M. le rapporteur.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, comme vous le savez, aux termes du projet de loi, lors du passage au numérique, les différentes chaînes du service public de télévision ne retransmettront plus les débats parlementaires.
Cela nous paraît dommage, même si des évolutions s’imposent compte tenu de l’arrivée des deux chaînes parlementaires dans les foyers, grâce à la télévision numérique terrestre, la TNT.
La commission souhaite que France Télévisions continue à rendre compte des débats parlementaires, sous une forme ou sous une autre, de manière que les téléspectateurs des chaînes de ce groupe puissent toujours suivre nos travaux. À cet égard, nous avons notamment envisagé la possibilité de collaborations entre France 3 et les chaînes parlementaires.
Tel est l’objet du présent amendement.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
En effet, le remplacement de la retransmission des débats parlementaires – ces derniers seront retransmis sur la TNT, grâce aux chaînes parlementaires – par la diffusion de programmes rendant compte de ces débats et des travaux des assemblées sur France Télévisions me semble une très bonne proposition.
Monsieur le président, mes chers collègues, voilà déjà plusieurs jours que nous avons commencé l’examen du présent projet de loi. Ce texte est très important, puisqu’il concerne un sujet au cœur des préoccupations des Français, les libertés publiques, à travers l’indépendance, le rôle et la place des médias.
À cet égard, je voudrais dresser un double constat. D’une part, nous discutons sur un texte dont l’une des principales dispositions est d’ores et déjà entrée en application. D’autre part, nous assistons à une tentative de banalisation du débat tel qu’il nous est proposé, c'est-à-dire avec une absence de participation de la majorité sénatoriale et un manque de considération pour la représentation nationale.
De notre point de vue, c’est la question de la dignité du Sénat qui est posée sur un texte aussi essentiel.
C’est pourquoi, monsieur le président, conformément à la demande écrite qui vous a été transmise, nous souhaitons que soit effectuée par le bureau la vérification du quorum, afin de nous assurer de la présence de la majorité absolue des sénateurs.
En effet, nous ne pouvons pas continuer à examiner dans de telles conditions un texte qui fait appel aux valeurs démocratiques et qui, à ce titre, devrait préoccuper et concerner l’ensemble de notre assemblée.
Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Mes chers collègues, en application de l’article 51 du règlement, je suis saisi d’une demande écrite tendant à faire vérifier le quorum par le bureau du Sénat.
Je vous rappelle que, aux termes de l’alinéa 2 bis de l’article 51 du règlement du Sénat, « le bureau ne peut être appelé à faire la constatation du nombre des présents que sur la demande écrite de trente sénateurs dont la présence doit être constatée par appel nominal ».
Il va donc être procédé à l’appel nominal des signataires.
Huissiers, veuillez effectuer cet appel.
Mes chers collègues, la présence d’au moins trente signataires ayant été constatée, le bureau va se réunir, conformément à l’article 51 du règlement.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à quinze heures dix, est reprise à quinze heures vingt.
Le bureau du Sénat s’est réuni pour vérifier si les conditions exigées par l’article 51 du règlement étaient réunies.
Le bureau déclare que le Sénat n’est pas en nombre pour procéder au vote.
Je vais donc suspendre la séance jusqu’à seize heures vingt.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
La séance, suspendue à quinze heures vingt-cinq, est reprise à seize heures vingt.
Nous en sommes parvenus au vote sur l’amendement n° 33 de la commission, sur lequel le Gouvernement s’est exprimé.
La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
Je souhaite en fait interroger la commission afin de clarifier un point qui prête à confusion dans cet amendement.
Pourquoi nos débats parlementaires seraient-ils diffusés par des images fournies par Public Sénat et La chaîne parlementaire de l’Assemblée nationale, alors que les rédactions de France Télévisions possèdent ce savoir-faire ?
Les personnels de la société, notamment, s’émeuvent d’être privés d’une prérogative et de la voir accordée à d’autres, alors qu’ils sont à même de l’exercer très bien, qu’il s’agisse de la retransmission des questions d’actualité ou d’un reportage sur nos débats parlementaires.
Ils souhaitent avoir la maîtrise éditoriale, même si les images peuvent être fournies par Public Sénat ou par La chaîne parlementaire de l’Assemblée nationale. Pourquoi ne pas l’auraient-ils pas ?
Votre réponse à cette question déterminera notre vote.
Pour que les choses soient très claires, j’indique à notre collègue que, aujourd'hui, les chaînes publiques, notamment France 3, transmettent les débats parlementaires. Le signal est fourni par l’Assemblée nationale ou par le Sénat.
Si, demain, d’autres émissions susceptibles d’être une expression du débat parlementaire sous une forme ou sous une autre sont conçues, il est bien évident que ce seront les chaînes, et donc les journalistes de France Télévisions qui nourrissent ce créneau, qui pourront, si elles le souhaitent, avoir à leur disposition les émissions fabriquées et fournies par les chaînes parlementaires.
Je rejoins les interrogations de notre collègue David Assouline.
En effet, je ne comprends pas ce dispositif dans lequel France 3 se sert des images des chaînes parlementaires.
Je le rappelle, ce sont des structures autonomes. La chaîne France 3, en tant que telle, a des responsabilités, qu’elle assume jusqu’à maintenant, et je suppose qu’elle souhaite continuer à les assumer.
Or, en l’occurrence, on s’engage dans un dispositif complètement pervers et quelque peu incompréhensible.
J’interroge avec force la commission sur ce point.
J’apporte bien volontiers des informations complémentaires à notre collègue Ivan Renar.
Aujourd'hui, pour entrer dans le détail, l’émission ne coûte pas très cher, puisque, je l’ai dit, le signal est fourni par l’Assemblée nationale et par le Sénat.
Demain, un nouveau créneau s’ouvre et, selon les dirigeants de France Télévisions, il sera coûteux de le remplir.
Donc, si France Télévisions a les moyens de le remplir, bien sûr cela ne pose aucun problème, en tout cas aux yeux du rapporteur de la commission. En revanche, si la société souhaite puiser dans les documentaires ou autres documents des chaînes parlementaires, ces dernières les mettront à sa disposition. Il s’agit tout simplement de cela.
L'article 16 est adopté.
Au début de la première phrase de l'article 56 de la même loi, les mots : « La société France 2 » sont remplacés par les mots : « France Télévisions ». –
Adopté.
CHAPITRE IV
Des contrats d'objectifs et de moyens et de la diffusion des messages publicitaires
L'article 53 de la même loi est ainsi modifié :
1° La première phrase du premier alinéa du I est ainsi rédigée :
« Des contrats d'objectifs et de moyens sont conclus entre l'État et chacune des sociétés ou établissement suivants : France Télévisions, Radio France, la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, ARTE-France et l'Institut national de l'audiovisuel. » ;
2° Le premier alinéa du I est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Un nouveau contrat peut être conclu après la nomination d'un nouveau président. » ;
2° bis Au deuxième alinéa du I, après la référence : « 43-11 », sont insérés les mots : « et avec un objectif de résultat d'exploitation au moins équilibré » ;
2° ter Au troisième alinéa du I, après le mot : « titre », sont insérés les mots : « de contenus éditoriaux conformes aux valeurs et aux missions du service public audiovisuel, » ;
3° Après le troisième alinéa du I, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« - les montants minimaux d'investissements de France Télévisions dans la production d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes et d'expression originale française, en pourcentage de recettes de France Télévisions et en valeur absolue ;
« - les engagements permettant d'assurer la diffusion de programmes de télévision qui, par des dispositifs adaptés, sont accessibles aux personnes aveugles ou malvoyantes ;
« - le montant des ressources affectées chaque année au financement de la création audiovisuelle ; »
3° bis Après le septième alinéa du I, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« - les axes d'amélioration de la gestion, notamment en ce qui concerne la gestion de leurs ressources. » ;
4° Le huitième alinéa du I est supprimé ;
5° Le neuvième alinéa du I est ainsi modifié :
a) La première phrase est complétée par les mots : « et au Conseil supérieur de l'audiovisuel » ;
b) La troisième phrase est remplacée par trois phrases ainsi rédigées :
« Le Conseil supérieur de l'audiovisuel formule un avis sur ces contrats d'objectifs et de moyens ainsi que sur les éventuels avenants à ces contrats, à l'exception de ceux relatifs à la société ARTE-France, dans un délai de trois semaines à compter de leur transmission. Cet avis est transmis aux commissions chargées des affaires culturelles et des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat. Ces commissions peuvent formuler un avis sur ces contrats et avenants dans un délai de trois semaines à compter de la transmission de l'avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel. » ;
6° Au dernier alinéa du I, les mots : « Les sociétés Radio France, Radio France Internationale et ARTE-France ainsi que » sont remplacés par les mots : « La société ARTE-France et » ;
7° Le deuxième alinéa du II est supprimé ;
7° bis Le troisième alinéa du II est ainsi rédigé :
« Chaque année, les présidents de France Télévisions, de Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France présentent, devant les commissions chargées des affaires culturelles et des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat, un rapport sur l'exécution du contrat d'objectifs et de moyens de la société qu'ils président. » ;
8° Au dernier alinéa du II, les mots : « et des sociétés Radio France et Radio France Internationale » sont remplacés par les mots : «, de la société Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France » ;
9° Le VI est ainsi rédigé :
« VI. - À compter du 5 janvier 2009, les programmes diffusés entre vingt heures et six heures des services nationaux de télévision mentionnés au I de l'article 44, à l'exception de leurs programmes régionaux et locaux, ne comportent pas de messages publicitaires autres que ceux pour des biens ou services présentés sous leur appellation générique. Cette disposition s'applique également aux programmes diffusés par ces services entre six heures et vingt heures à compter de l'extinction de la diffusion par voie hertzienne terrestre en mode analogique des services de télévision mentionnés au I de l'article 44 sur l'ensemble du territoire métropolitain. Elle ne s'applique pas aux campagnes d'intérêt général. À l'extinction de la diffusion par voie hertzienne terrestre en mode analogique des services de télévision sur le territoire d'un département d'outre-mer, d'une collectivité d'outre-mer ou de Nouvelle-Calédonie, et au plus tard le 30 novembre 2011, les programmes de télévision de la société mentionnée au I de l'article 44 diffusés sur le territoire de la collectivité en cause ne comportent pas de messages publicitaires autres que ceux pour des biens ou services présentés sous leur appellation générique, sous réserve de l'existence d'une offre de télévision privée diffusée par voie hertzienne terrestre en clair. Au plus tard le 1er juin 2011, le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur la mise en œuvre de cette disposition et son incidence, notamment sur la société France Télévisions. Ce rapport propose, le cas échéant, les adaptations nécessaires de la présente loi. Au plus tard le 1er mai 2011, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport du Conseil supérieur de l'audiovisuel évaluant, après consultation des organismes professionnels représentatifs du secteur de la publicité, l'incidence de ces dispositions sur l'évolution du marché publicitaire et la situation de l'ensemble des éditeurs de services de télévision.
« La mise en œuvre de l'alinéa qui précède donne lieu à une compensation financière de l'État. Dans des conditions définies par chaque loi de finances, le montant de cette compensation est affecté à la société mentionnée au I de l'article 44. »
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cet article du projet de loi comporte, ainsi que nous l’avons vu, une mesure que son auteur, le Président de la République, pourrait qualifier de « mesure phare », à savoir la suppression de la publicité sur les chaînes de l’audiovisuel public à compter de vingt heures – en attendant une suppression totale des écrans ou tunnels publicitaires à partir de l’extinction de l’analogique, à la fin de l’année 2011.
Mesure phare, disais-je, mais un phare qui, à défaut d’éclairer, risque fort de conduire à l’extinction des feux !
Car il ne faut pas oublier ce qui constitue le reste de l’article, notamment le fameux contrat d’objectifs et de moyens, faisant de l’équilibre financier la condition d’une bonne gestion de l’audiovisuel public !
C’est d’ailleurs indiqué en toutes lettres dans le texte de cet article 18, à l’alinéa 2 complétant l’article 53 de la loi de 1986 modifiée.
Pour utiliser une image, cela revient à dire à France Télévisions : « Apprenez donc à courir aussi vite qu’avant, mais avec le plomb que nous venons d’ajouter dans vos chaussures ! »
Le contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions, qui, avec la suppression de la publicité, constitue donc le cœur de cet article, sera soumis à l’avis et au contrôle du Parlement.
C’est une situation pour le moins cocasse où, à défaut de choisir le président de France Télévisions, le Parlement sera habilité à servir d’auxiliaire du Gouvernement pour faire exécuter ce qui procède de la négociation contractuelle entre les sociétés de l’audiovisuel public et l’État lui-même.
Après avoir laissé la désignation du président de France Télévisions au fait du prince, nous serions donc, en qualité de parlementaires, appelés à être en quelque sorte plus royalistes que le roi, puisqu’il nous appartiendrait presque de réprimander ce président qui ne respecterait pas ses obligations contractuelles.
Soyons clairs, c’est là un schéma de déclin du service public de l’audiovisuel. Et les garanties que l’État sera bien en peine de respecter lui-même – nous pensons à la fameuse compensation de la suppression de la publicité – seront d’une insuffisance telle que l’on sait déjà ce qui se produira.
Ce qui est d’ores et déjà connu, comme le député de l’UMP Frédéric Lefebvre l’a d’ailleurs dit, c’est que des centaines d’emplois de service public vont disparaître dans les années à venir, faute de donner à la télévision publique les moyens de son existence.
Ce qui est également connu, c’est que la production audiovisuelle va subir le contrecoup d’une telle contraction des financements et que, selon leurs souhaits non avoués, ses auteurs tenteront de mettre en opposition l’aide au cinéma par l’audiovisuel public et le maintien de l’emploi dans l’audiovisuel public !
Dois-je vous rappeler, madame la ministre, combien de grandes signatures du cinéma français ont commencé par exercer leurs talents dans l’audiovisuel public ? Quelques noms me viennent à l’esprit, ceux de Claude Sautet, Robert Enrico, Yannick Bellon, Maurice Dugowson, Maurice Pialat, ou encore Laurent Cantet.
Je souhaite que le service public puisse continuer cette belle tradition. Mais vous ne lui en donnez pas les moyens.
Ce que l’on peut attendre du contrat d’objectifs et de moyens, contrairement à ce que vous prétendez, ce n’est pas d’atteindre des objectifs inaccessibles avec des moyens sans cesse réduits, c’est uniquement d’organiser, sur la durée, la déshérence et le déclin de l’audiovisuel public.
Ces faits nous conduiront donc à voter contre cet article en l’état !
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’article 18 est, passez-moi l’expression, mort dans l’œuf puisqu’il organise notamment la suppression de la publicité sur France Télévisions.
La décision de supprimer la publicité à partir de vingt heures sur les chaînes de France Télévisions a été prise le 16 décembre 2008 par le conseil d’administration de France Télévisions et est appliquée depuis le 5 janvier dernier.
Le débat que nous entamons aujourd'hui est donc totalement hypocrite et démontre le caractère antidémocratique des méthodes employées par le Gouvernement sur ce projet de loi.
En effet, après avoir envisagé de passer en force sur la suppression de la publicité en prenant un décret, le Gouvernement a enjoint au président de France Télévisions de déclarer lui-même la fin de la publicité sur les antennes de son groupe.
Sur votre requête, madame la ministre, M. de Carolis et le conseil d’administration de France Télévisions ont anticipé d’étrange manière l’adoption de l’article 18 de ce projet de loi, mettant la représentation nationale devant le fait accompli.
En voulant absolument que la réforme de l’audiovisuel soit adoptée avant la fin de l’année 2008 et en faisant de la suppression de la publicité dès le 5 janvier une priorité, le Président de la République n’a pas donné au Parlement le temps de débattre sereinement de ce projet de loi. C’est, je l’ai dit lors de l’ouverture de la discussion, de la délinquance gouvernementale !
Les grincements de dents que vous entendez au Sénat, y compris au sein de la majorité, sont dus au mépris du Parlement qu’affiche le pouvoir en nous demandant de voter la suppression de la publicité sur France Télévisions alors que cette décision est déjà effective.
Le fait est là : vous vous êtes passés, avec dédain, du Sénat ! Le forfait est commis. Vous avez mis en place une nouvelle démocratie : la démocratie sur une patte. Or, comme pour les voitures, ça cale vite !
Le méfait est enregistré. Le Sénat, à tout le moins sa majorité, maugrée, va jusqu’à regretter, mais finalement en reste là, bref, subit !
Mon groupe, lui, agit et vient de mandater un juriste afin d’entreprendre un recours pour excès de pouvoir à l’encontre de la décision que Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, a formulée par un courrier en date du 15 décembre 2008 adressé à M. Patrick de Carolis, président de France Télévisions. Ce mandat vaut également pour une procédure de référé tendant à la suspension de cette décision, au nom des vingt-quatre sénatrices et sénateurs du groupe CRC-SPG.
Afin que tout soit clair, je me référerai à deux extraits de la lettre de Mme Albanel à M. de Carolis.
Dans le deuxième alinéa de cette lettre, Mme la ministre invoque l’article 18 du projet de loi, adopté par les députés lors de la séance du 12 décembre dernier. On se satisfait donc du vote de l’Assemblée nationale, sans attendre celui du Sénat ni même l’avis du Conseil constitutionnel qui pourrait être saisi.
Par ailleurs, dans l’avant-dernier alinéa, elle écrit : « Aussi, je vous serais reconnaissante d’envisager les mesures nécessaires […], conformément à l’esprit et à la lettre de la réforme ». En d’autres termes, Mme la ministre met tout simplement en œuvre ce que le Président de la République a décidé !
Protestations sur les travées de l ’ UMP.
C’est pour tout le monde pareil, mon cher collègue ! Les orateurs inscrits sur cet article sont nombreux !
Pour finir, je rappelle que le système de financement prévu ne permet pas de compenser la perte des recettes publicitaires.
À cela s’ajoute votre refus d’accorder tout crédit pour aider à la fabrication des programmes de remplacement et la pingrerie organisée par telle ou telle décision rabotant l’insuffisant « à l’euro près » du Président de la République.
Heureusement, nous assistons à un début de réaction, je pense au vote d’hier soir qui a modifié une décision de l’Assemblée nationale et qui a permis au service public de récupérer un crédit de 9 millions d’euros. La preuve est faite, mes chers collègues, que quand on s’y met tous, on y arrive !
J’ajoute que le plan d’affaires n’est toujours pas signé. J’ai ouï dire, à ce propos, que la direction de France Télévisions se battait. Je vous demande, madame la ministre, de bien l’écouter et, surtout, de bien l’entendre !
La fin de cet article consacre la mesure la plus commentée de ce projet de loi : la publicité disparaît de l’audiovisuel public, mais pas les parrainages, pas les placements de produits, et pour l’instant pas avant vingt heures.
Cette mesure, objet emblématique de communication du Président de la République, ne va donc pas se traduire par l’émancipation des cerveaux.
En revanche, ses incidences budgétaires mettent à mal les programmations, plus longues, mais sans moyens, ainsi que la nécessaire mutation technologique et l’équilibre social, bref, la pérennité du service public.
Quand la ministre malienne Aminata Traoré évoque les méfaits du FMI, dont les contraintes face aux obligations font un cahier des charges irréalisable, elle utilise souvent l’image de « la danse impossible ».
Comme l’a souligné notre collègue Jack Ralite, cet article 18 fixe des contraintes et des obligations qui ne peuvent pas se réaliser conjointement. Il y a duplicité à ne libérer les écrans de la publicité qu’après vingt heures.
Certes, les Verts considèrent la publicité comme aliénante. La publicité embrigade vers une consommation non raisonné. Elle pousse ceux qui en ont les moyens à surconsommer et elle crée chez ceux qui n’en ont pas les moyens un sentiment très aigu de frustration. Elle éloigne le spectateur du sens critique et des vertus de la culture scientifique. Les crédules achètent la crème qui rajeunit, le déodorant qui attire à vous les filles
Exclamations amusées sur les travées de l ’ UMP
La publicité pollue d’autres lieux sans que cela vous préoccupe : boîtes à lettres et poubelles surchargées, à la charge des collectivités, paysages dénaturés et loi non respectée. Or seule la télévision publique a eu droit au traitement de choc !
Si vous considérez que la publicité tire vers le bas la qualité et porte en elle des facteurs d’aliénation, quelle curieuse idée que de la maintenir dans le créneau horaire le plus regardé par les enfants et par les adolescents !
Tous les peuples accordent une attention particulière à leurs enfants. Qu’il s’agisse de la prévention des conduites addictives, de la tenue à l’écart des substances toxiques, de la consommation d’alcool, de la protection contre la pornographie ou les spectacles violents, toute société commence par protéger les enfants.
La facilité avec laquelle vous avez fait vos mauvais arbitrages horaires est révélatrice.
Les critiques que vous avez portées contre la publicité ne sont pas sincères et elles dissimulent d’autres finalités d’ordre économique que nous combattons.
Et si tel n’est pas le cas, l’éveil des enfants au rythme de l’enrôlement consumériste vous importe peu, voire séduit vos amis, pour qui la frénésie de vente à tout prix et de bénéfices est peu remise en cause par les scrupules.
Enfin, l’autorisation programmée à l’article 46 d’une seconde coupure pour TF1 et M6 révèle qu’il ne s’agissait en aucun cas pour le Gouvernement de protéger le téléspectateur ou les œuvres.
Sur le fond, que je viens d’évoquer, comme sur la forme, nous faire délibérer sur une disposition qui s’applique déjà, puisque le président de France Télévisions, le pistolet sur la tempe, a dû ratifier une décision suicidaire, c’est un non-sens démocratique.
Aussi, cet article mérite d’être supprimé.
M. Bernard Frimat applaudit
Mon intervention rejoindra celles des orateurs qui m’ont précédée.
La suppression de la publicité sur les chaînes publiques a des conséquences néfastes pour les antennes locales et régionales puisqu’elle s’accompagne de l’abandon des décrochages locaux.
Par ailleurs, une telle mesure oblige France Télévisions à trouver des financements et à « consommer » toutes les tranches horaires rentables pour y placer de la publicité au détriment des rediffusions locales. Ces tranches horaires seront-elles réellement rentables ? J’en doute : la presse d’hier s’est fait l’écho de l’effondrement du marché de la publicité à la télévision.
De plus, une telle mesure prive arbitrairement les téléspectateurs d’un rendez-vous informatif essentiel. À titre d’exemple, dans mon département, le Finistère, près de 70 000 téléspectateurs suivaient avec assiduité la deuxième diffusion des éditions locales à 19 heures 57, performance qui démontre, si cela était nécessaire, l’attachement de nos concitoyens à une information de proximité de qualité, témoin essentiel de la richesse de nos territoires et élément incontournable de la démocratie dans nos régions.
Pour les personnels des antennes de France 3, la situation n’est pas non plus des plus brillantes. La direction générale de la chaîne leur demande de produire chaque jour huit minutes de programme de remplacement à effectif et moyens constants, alors que l’on sait parfaitement que les équipes travaillent déjà à flux tendu. Il s’agit non plus d’une mission de service public, mais d’un remake de Mission impossible !
Pour les antennes locales, nous craignons une dégradation des conditions de travail, une chute d’audience sur les créneaux les plus porteurs, une perte de la diversité économique, sociale, culturelle et informative de ces émissions et, à terme, sans doute une réorganisation des rédactions qui, faute de bons résultats d’audience devront se séparer de leurs collaborateurs.
En ce qui concerne le financement, outre le fait que la compensation par l’État ne sera pas intégrale, les ressources prévues par le projet de loi, à savoir les deux taxes, notamment la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques, les fournisseurs d’accès à internet, qui aura inévitablement des conséquences négatives pour le client – ne permettront pas à France Télévisions de réaliser ses missions de service public en toute liberté et indépendance, comme le prévoit la Constitution.
Ma demande rejoint celle de nombreux collègues parlementaires et maires de trente-huit régions, droite, gauche et centre confondus, comme l’attestent les copies que j’ai avec moi de lettres ou de communiqués.
J’espère, mes chers collègues, que vous confirmerez devant la Haute Assemblée ce que vous avez écrit : « Cette décision de supprimer le décrochage de 19 heures 57 place la direction en totale contradiction avec le projet de loi qui demande à France 3 de se “ recentrer ” sur ses programmes locaux et régionaux. […]Ces déprogrammations vont à l’encontre du besoin de lien social et territorial pourtant essentiel dans un monde global. »
Aussi, permettez-moi de vous faire une proposition. Il est encore possible de diffuser des messages publicitaires spécifiques, d’appellation générique, porteurs d’une éthique. Pourquoi ne pas associer la rediffusion des éditions locales des journaux télévisés à quelques messages publicitaires de ce type à 20 heures 25, après l’émission de très grande écoute et pour laquelle l’audience a été très forte, et, bien entendu, reporter le début de la soirée à 20 heures 40 ? France Télévisions disposerait ainsi de recettes supplémentaires pour assurer le fonctionnement du service public et, alors, qu’elle serait belle la vie dans nos régions !
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je prends la parole, à mon tour, afin d’exposer les raisons pour lesquelles je voterai cet article, avec beaucoup de confiance et de satisfaction.
Il est trop facile de dire qu’il ne sert à rien de délibérer puisque la décision a déjà été prise. Tout d’abord, nous savons que, si la décision a déjà été prise, et de manière un peu brusquée, c’est en raison de la ligne de conduite, ô combien critiquable, adoptée à l’Assemblée nationale.
Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Rires sur les travées de l ’ UMP.
M. Pierre Fauchon. Évidemment, quand on ne sait pas quoi faire d’autre dans la vie publique, on fait de l’obstruction ! Parce qu’on ne sait rien faire ni dire d’autre !
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
M. Pierre Fauchon. Pourriez-vous me laisser parler, madame, vous seriez bien aimable, pour une fois ! Si cela ne vous dérange pas trop, naturellement !
M. David Assouline proteste.
Mes chers collègues, respectons l’orateur, de chaque côté de cette assemblée !
M. Pierre Fauchon. Monsieur Assouline, je vous ai entendu l’autre jour invoquer une modification de l’article 34 de la Constitution alors que vous aviez voté contre six mois plus tôt !
Protestations sur les travées du groupe socialiste.
Mêmes mouvements.
M. Yannick Bodin. Vous étiez absent tout à l’heure, vous nous avez fait perdre une heure !
Protestations sur les travées de l ’ UMP.
M. Pierre Fauchon. Monsieur Bodin, il est difficile de trouver le qualificatif qui convient à votre réflexion, pour deux raisons. Premièrement, j’étais présent tout à l’heure !
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.
Monsieur Bodin, l’obligation de stricte neutralité m’oblige à le constater : M. Fauchon était bien présent lorsque vos collègues et vous-même avez demandé la vérification du quorum.
Sourires.
Nous avons d’ailleurs très bien travaillé lundi après-midi et nous avons même parfois voté avec vous, mes chers amis…
Vous vous en souvenez peut-être, je l’espère !
Quoi qu’il en soit, rappelons que la décision d’un conseil d’administration n’a ni la même portée symbolique ni le même effet qu’une loi.
D’abord, parce que le conseil d’administration qui a pris une décision, il y a huit jours ou quinze jours, peut la modifier ou l’adapter dans trois ou six mois ! S’agissant d’une loi, il en va tout autrement.
En outre, cette loi présente le mérite – et le risque – d’être soumise au contrôle du Conseil constitutionnel. Il est donc tout à fait sommaire – je dirais même, assez sot – de dire qu’il ne sert plus à rien de délibérer alors que la question conserve toute son importance, vous le savez très bien, chers collègues !
M. Pierre Fauchon. C’est pourquoi vous vous livrez à des contorsions extraordinaires pour expliquer, en réalité, que, dès lors que vous n’êtes pas à l’origine de cette réforme, elle est forcément mauvaise ! Vous auriez préféré la présenter vous-mêmes !
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.
En réalité, la mesure introduite par cet article 18 domine le débat. Bien sûr, le projet de loi comporte d’autres mesures, mais hiérarchisons nos appréciations ! Cette mesure est d’une très grande portée, beaucoup l’attendaient et la demandaient depuis si longtemps que l’on n’avait jamais cru pouvoir la faire adopter et, une fois qu’elle sera adoptée, elle sera durable.
Les autres mesures de ce projet de loi sont sans doute très importantes et nous pouvons en débattre, chers amis ! Les questions de gouvernance, de financement, sont très importantes mais il s’agit de modalités. Dans ces domaines, nous ne prenons pas de décisions définitives et si l’on considère, dans six mois ou dans un an, qu’elles sont insatisfaisantes, on pourra les changer. Il n’y a donc pas de commune mesure entre une décision de principe qui est essentielle et domine le débat et ses modalités d’application. Il faut s’en souvenir, même si, à la faveur de la polémique, de l’énervement, la politique étant ce qu’elle est, la discussion des modalités occupe finalement plus de temps, et je le regrette, que la question la plus importante.
Ensuite, en essayant d’éviter les redites, même si elles sont parfois nécessaires, faisons un effort de rapprochement entre nous. Mesurons les conséquences qui vont résulter de l’adoption de cet article. Mesurons ce que représente une télévision affranchie des servitudes de la publicité, vous le savez aussi bien que moi !
Les messages publicitaires, en eux-mêmes, ne constituent pas le problème mais vous savez parfaitement quelle influence la publicité exerce sur la programmation.
Je l’ai vécu de très près à l’époque où je dirigeais l’Institut national de la consommation : je connais les mille et un moyens pour obtenir que le public soit sollicité, avant et après la page de publicité, par des émissions de grande écoute qui chassent à des horaires plutôt disgraciés les émissions de culture, au sens noble du terme, mais aussi la véritable information, si importante, ainsi que, soit dit en passant, l’information du consommateur à laquelle je suis personnellement très attaché.
La publicité pose aussi un problème de rythme : l’interruption d’une émission ou d’un film par un flash purement marchand, vantant une boîte de conserve ou une bagnole, après un épisode qui a fait venir les larmes aux yeux et avant un autre épisode qui devra, en principe, faire revenir les larmes aux yeux…
Veuillez conclure, monsieur Fauchon, car vous êtes dans les arrêts de jeu !
C’est dommage, vous y perdrez beaucoup !
Puisqu’il faut conclure, la suppression de la publicité est bienvenue et quasiment inespérée. Je ne peux m’empêcher de la rapprocher de deux récentes mesures que je trouve tout à fait remarquables, madame la ministre : la gratuité des musées pour les moins de 25 ans et la création – enfin ! – d’un musée de l’histoire de France. Nous avons enfin une politique culturelle, je vous en félicite ainsi que, à travers vous, le Gouvernement et le chef de l’État.
Je voterai donc cet article avec le sentiment de m’inscrire dans une très grande tradition, liée à l’idée même de civilisation, une tradition qui sait que le mélange du culturel et du marchand ne peut être que la lutte du pot de terre contre le pot de fer, une tradition qui puise dans les plus grandes leçons du passé, se souvenant qu’il faut savoir, sinon chasser les marchands du temple, du moins les tenir à bonne distance !
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, nous allons commencer l’examen de l’article qui contient la mesure présentée par le Président de la République comme la plus importante de cette réforme, à savoir la suppression de la publicité dans l’audiovisuel public.
Je rejoins Jean-Pierre Raffarin qui a déclaré ce matin que le Sénat n’était pas bien traité.
Quels que soient les arguments développés, nous avons effectivement le sentiment d’être maltraités lorsque nous constatons que la principale mesure de ce projet de loi a déjà été mise en application et que nous allons en débattre pour la forme.
J’ai eu l’occasion de dire la semaine dernière que cette manière d’agir me paraissait une marque de mépris et je confirme ce terme, d’autant plus que la mise en œuvre de cette réforme ne relevait pas de l’urgence. Je rappelle que la commission Copé avait fixé la bonne échéance au mois de septembre 2009. Quelles que soient les causes du retard pris dans la discussion de ce projet de loi – et il résulte effectivement de l’obstruction des députés socialistes à l’Assemblée nationale –, je considère que notre institution n’a pas à faire les frais de l’attitude de ce groupe parlementaire. Je confirme donc que je suis quelque peu fâché des conditions dans lesquelles nous débattons de ce projet de loi.
Sur le fond, Pierre Fauchon a très bien dépeint, avec tout le talent que nous lui connaissons, l’apport que représente la suppression de la publicité à la télévision. Je le rejoins tout à fait, même s’il me semble que France Télévisions avait réussi à concilier publicité et émissions de qualité, montrant ainsi que l’on pouvait chasser les marchands du temple et faire des émissions de qualité sur le service public tout en conservant de la publicité à la télévision.
Cette mesure était demandée depuis des années, en tout premier lieu par la gauche. Nos amis socialistes devraient donc se réjouir de ce projet de loi et j’ai un peu de mal à comprendre leur opposition qui est sans doute plus une opposition de principe, tenant à la personne qui est à l’origine du projet de loi qu’à ce projet de loi lui-même. Ce projet de loi répond aux demandes des socialistes mais également à celles des centristes qui, à plusieurs reprises dans leur histoire, ont demandé la suppression de la publicité sur la télévision publique.
On ne peut qu’être favorable à cette mesure : suppression de la publicité à la télévision et – pourquoi pas ? – dans les journaux, sur le mobilier urbain… Nous vivons tous en effet la publicité comme une pollution, même si nous nous y sommes habitués. En revanche, il n’y avait pas d’urgence à délibérer sur ce point.
Qui plus est, depuis l’annonce de cette mesure par le Président de la République, il y a un an, un événement important est survenu : la crise économique. Il y a un an, le déficit budgétaire pour 2008 était prévu à 41 milliards d’euros, il s’élèvera sans doute en fait à 60 milliards d’euros. J’approuve donc Édouard Balladur qui a demandé la suspension de cette mesure. J’approuve tout à fait le rapporteur général à l’Assemblée nationale, le député UMP Gilles Carrez : il a souligné que la publicité était un moteur de la croissance et que ce n’était pas une bonne idée de casser ce moteur au moment où la croissance « bat de l’aile », selon son expression.
Je déplore surtout que – mais nous aurons l’occasion d’en reparler lors de la discussion des prochains articles – la suppression de la publicité ne soit pas compensée par l’assurance de recettes pérennes. Car tel est le fond du débat qui va s’engager au cours de l’examen des prochains articles : supprimer la publicité, certes, mais comment assurer une recette pérenne et autonome à France Télévisions ? Telle est la question à laquelle nous devrons, si possible, tenter de répondre au cours des débats à venir.
M. Michel Mercier applaudit.
Avant que nous abordions chaque point en détail, avec les amendements, je souhaite formuler quelques observations d’ordre général.
Il n’est pas vrai que cette réforme ait pour objet de faire prévaloir le point de vue du Président de la République et du Gouvernement quant aux effets néfastes qu’aurait la publicité sur la qualité et le contenu des émissions du service public.
Il s’agit d’une invention pour justifier autre chose : le transfert de moyens vers les amis du privé qui pourront faire encore plus de publicité pour des dizaines de millions de Français, la déstabilisation du secteur de l’audiovisuel public et, enfin, la justification d’un mode de nomination intégré à ce projet de loi à la demande du Président de la République pour consacrer la mise sous tutelle du service public par l’exécutif. Telles sont les seules raisons de ce projet de loi !
Je suis de ceux qui considèrent effectivement qu’une dictature de l’Audimat peut porter atteinte à la qualité des émissions, mais pas obligatoirement. La gauche a considéré que le secteur public pouvait présenter la spécificité de ne pas s’appuyer essentiellement sur la publicité pour pouvoir produire des émissions de qualité. Mais, pour cela, il fallait mettre en place un mécanisme de financement réel, pérenne et progressif, pour que les Français puissent le comprendre et l’accepter.
C’est la redevance audiovisuelle, c’est-à-dire la contribution des Français pour se doter de cet outil, qui permet de remplacer les revenus tirés de la publicité. Mais cela ne se décrète pas d’un coup ! Nous avons un retard énorme par rapport à la moyenne de nos partenaires européens qui peuvent se le permettre : en Grande-Bretagne, en Allemagne, la redevance audiovisuelle finance intégralement le secteur public ! Nous aurions pu le faire de façon progressive et les socialistes, lorsqu’ils étaient au pouvoir, ont engagé ce processus : la réduction de la publicité sur le service public, la hausse progressive de la redevance, c’est l’œuvre des gouvernements socialistes ! Nous aurions pu réaliser, à terme, un projet plus ambitieux : un service public de l’audiovisuel dans lequel la publicité n’aurait pas pesé du poids dont elle pesait jusqu’à aujourd’hui.
Pendant la campagne pour l’élection présidentielle, les personnels du service public de l’audiovisuel interrogeaient M. Sarkozy sur la situation de sous-financement chronique de celui-ci, malgré la publicité, et lui disaient ne plus avoir les moyens de tenir ni d’investir pour être moderne et pour affronter les défis de demain. M. Sarkozy leur répondait alors : il faudra augmenter la publicité afin de pouvoir disposer des moyens nécessaires. Il n’était pas question de supprimer la publicité !
Ensuite, il a repris une idée que la gauche a toujours défendue, non pour aboutir et pour la faire vivre mais pour arriver à autre chose : produire une loi sur quasi-injonction du secteur privé !
En effet, qui dans l’espace public a demandé, ne serait-ce qu’une fois, même dans les rangs de la majorité, au Président de supprimer la publicité dans le secteur public de l’audiovisuel ? Certes, il existe bien un document : le Livre blanc de TF1, que nous avons tous reçu. Mais, nous l’avons compris, c’est par rapport à sa propre crise, à son propre problème industriel que la chaîne formulait cette demande aux autorités.
Et soudain le Président reprend l’idée de la suppression de la publicité sur les chaînes publiques !
On pourrait pourtant croire au fondement politique de cette mesure. Effectivement, on pouvait lancer enfin un chantier pour essayer d’imaginer le secteur public de l’audiovisuel de demain, tous les changements à mettre en œuvre, l’entreprise unique et le média global. Cette réforme devrait permettre également d’évoquer la spécificité du secteur public en termes de programmes, comme nous l’avons fait dans la commission Copé.
Pourquoi, dans cet hémicycle, ne parle-t-on pas en ces termes ? Pourquoi ne s’interroge-t-on pas sur la spécificité du secteur public ? On devrait se demander ce qu’il apporte de plus que le privé, à tous les niveaux ; s’il a une spécificité vis-à-vis de l’éducation, du civisme, de la citoyenneté, de l’art et de la culture, tout en restant populaire et en évitant l’élitisme.
Voilà des chantiers immenses sur lesquels nous aurions pu discuter ! Nous en aurions conclu que la publicité devait prendre moins de place et nous nous serions demandé comment compenser la perte de recettes correspondante pour que le financement soit pérenne.
Or, ces débats n’ont pas eu lieu !
Protestations sur les travées de l ’ UMP.
Et on voit ceci : le financement est bancal et un secteur économique a été totalement déstabilisé.
Je conclus, monsieur le président.
Aujourd’hui, l’opposition n’est dans l’hémicycle que pour faire du brouhaha
Nouvelles protestations les mêmes travées
(Mêmes mouvements.) Eh bien, nous, nous nous révoltons contre cet état de fait !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Il est ridicule de discuter devant les Français d’un article qui supprime la publicité alors que la mesure est déjà appliquée ! §
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, sur l'article.
Ah ! sur les travées de l ’ UMP.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, la modération des propos de M. Assouline m’incite à répondre !
Sourires sur les travées de l ’ UMP.
Je constate deux choses.
D’une part, ce n’est pas tel ou tel syndicat ou catégorie de personnel qui va juger de l’application de la loi, mais les téléspectateurs.
M. Jean-Pierre Fourcade. À entendre les propos qui ont été tenus depuis le début du débat, nous serions toujours à l’époque de la télévision de papa, avec un téléspectateur rivé devant une ou deux chaînes. Or, nous avons fait des progrès technologiques et nous allons en faire de plus en plus. La télévision numérique terrestre, ou TNT, est gratuite, par exemple, et elle sera étendue. Par conséquent, nous, ce que nous souhaitons, c’est que le téléspectateur soit libre de regarder des émissions avec publicité ou des émissions sans publicité. C’est pourquoi nous sommes partisans de l’article 18 de ce texte.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
D’autre part, après avoir écouté attentivement depuis le début de ce débat un certain nombre d’orateurs, j’ai le sentiment que nos collègues, sous prétexte de défendre les grands principes et les valeurs, s’occupent beaucoup plus de la défense du personnel des chaînes de télévision publiques que des intérêts des téléspectateurs.
Nous, nous voulons nous occuper de la liberté des téléspectateurs !
Bien entendu, et c’est le point sur lequel je suis d’accord avec M. Assouline, France Télévisions doit construire une structure de ressources, par la redevance, convenable. Mais attention, ne nous trompons pas : il ne s’agit pas de se contenter de la structure actuelle telle qu’elle est, sans aucune réforme et sans aucun progrès de productivité, et de porter simplement le montant de la redevance au niveau nécessaire.
Nous, nous tenons compte de la compétitivité et des problèmes de fiscalité que connaissent nos concitoyens. Avec la redevance que nous allons voter dans les articles suivants, France Télévisions doit se réorganiser pour proposer des productions de qualité avec une redevance convenable. Voilà notre objectif, et il était nécessaire de le préciser !
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Mes chers collègues, je vous rappelle que, compte tenu de la cérémonie des vœux du Président et des membres du bureau, nous interromprons nos travaux à dix-huit heures.
La parole est à Mme la ministre.
Cette mesure de suppression de la publicité a été lancée il y a un an. Elle a fait l’objet de travaux de la commission pour le nouvel audiovisuel public à laquelle ont participé des parlementaires, notamment des parlementaires de gauche qui ne l’ont d’ailleurs quittée que tardivement permettant ainsi l’aboutissement de nombreux travaux. Des décisions ont ensuite été prises en juin.
France Télévisions s’est préparé pendant de longs mois pour assumer la suppression de la publicité début janvier, faire de nouveaux programmes, de nouvelles grilles et de nouveaux horaires, puisque tel était l’objet de la réforme. Les annonceurs, j’ai eu l’occasion de le dire, ont anticipé cette mesure. Ils doivent en effet programmer leurs annonces des mois à l’avance.
Le projet de loi sur l’audiovisuel devait être examiné à l’Assemblée nationale en novembre et au Sénat en décembre. Comme l’a très justement rappelé M. Pierre Fauchon et comme l’avait d’ailleurs indiqué à plusieurs reprises le président Jacques Legendre, le calendrier n’a malheureusement pas été tenu du fait de l’obstruction qui a eu lieu à l’Assemblée nationale.
Il ne s’agit pas d’une attaque de ma part, puisque cette obstruction a été revendiquée, théorisée et assumée au point que des extraits de ce débat sont maintenant des exemples d’obstruction, comme les digressions sur le dragon Casimir et le canard Saturnin !
Sourires.
Cette obstruction avait pour but de provoquer la plus grande confusion à France Télévisions en début d’année puisque les chaînes auraient dû avoir de nouveaux programmes et de nouvelles grilles mais sans disposer de ressources publicitaires.
Aux termes de l’article 48 de la loi de 1986, les modalités de programmation des émissions publicitaires doivent être précisées par le cahier des charges, et ne sont donc pas obligatoirement inscrites dans la loi.
C’est pourquoi nous avons demandé au président de France Télévisions de cesser de commercialiser les espaces publicitaires avant que la loi ne vienne bénir cette mesure, car la compensation a déjà été votée par l’ensemble du Parlement dans la loi de finances, texte auquel M. Ralite faisait allusion.
En réalité, il aurait été possible de supprimer la publicité par décret, comme le prévoyait la loi de 1986, et de compenser cette perte par la loi de finances, par des taxes et par l’indexation de la redevance.
Tel n’a pas été le choix du Gouvernement. Ce dernier a préféré élaborer, présenter et faire discuter au Parlement – c’est le cas au Sénat actuellement – un projet audiovisuel de grande ampleur, comportant aussi la restructuration de l’ensemble du groupe France Télévisions – dont il était question depuis fort longtemps et qui n’avait jamais été réalisée –, la création de la holding Audiovisuel extérieur de la France, la transposition de la directive « services de médias audiovisuels » et la modernisation du code de l’industrie cinématographique.
Par ailleurs, et c’est un point important qui a d’ailleurs été rappelé, il est frappant de voir avec quelle facilité les Français s’approprient cette réforme. Au fond, ils sont très heureux d’avoir rendez-vous en pays Dogon à 20 heures 35, de voir Amélie Poulain ou Clint Eastwood également à 20 heures 35, Soir 3 dès 22 heures 30, l’émission de Frédéric Taddeï à 23 heures, de très bonnes émissions comme Mots croisés plus tôt dans la soirée, Des mots de minuit non plus à une heure mais à minuit !
Cette réforme rend possible une grande richesse de programmation et elle est tout simplement appréciée.
Le documentaire-fiction d’hier sur l’assassinat d’Henri IV était aussi une excellente production.
Quant à l’information régionale et locale, elle n’est, bien sûr, nullement remise en question. Il y a d’ailleurs maintenant cinq minutes de plus pour l’information régionale et trois minutes de plus pour l’information locale dans le 19-20, sans parler du nouveau décrochage dans Soir 3.
Avec cette réforme, nous portons des missions de service public. Cela changera le rapport à la télévision et aux soirées. De surcroît, on peut aussi se coucher plus tôt, ce qui n’est pas anodin. Appliquer ces changements aux programmes du soir a du sens également parce qu’il s’agit d’un moment où les familles sont réunies.
Il s’agit d’une grande réforme, très globale et qui va bien au-delà de la suppression de la publicité examinée en ce moment au Sénat.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Je suis saisi de vingt-deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 356, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. David Assouline.
L’article 18 modifie l’article 53 de la loi du 30 septembre 1986 qui est, globalement, consacré aux modalités de financement des sociétés nationales de programme.
Un grand nombre de dispositions qui figurent dans cet article et modifient le dispositif de l’article 53 justifient notre amendement de suppression.
La première, c’est la possible conclusion d’un nouveau contrat d’objectifs et de moyens après la nomination d’un nouveau président. Cette possibilité n’est aucunement de nature à nous rassurer compte tenu du risque de valse des présidents, après l’entrée en vigueur de la loi, du simple fait du prince !
La deuxième disposition, c’est l’objectif de résultat d’exploitation au moins équilibré, accompagnant les moyens financiers prévus par le contrat d’objectifs et de moyens. Cela signifie le retrait de l’autonomie de gestion à la direction de la société alors même que la tutelle ne lui donnerait pas les moyens suffisants.
La troisième disposition, c’est la suppression de la publicité sur les antennes de France Télévisions. Nous reviendrons sur cette décision intempestive et irresponsable dont les effets néfastes, pour l’ensemble des acteurs du paysage audiovisuel français, n’ont pas été évalués préalablement. Cette suppression qui s’applique entre 20 heures et 6 heures depuis le 5 janvier 2009 deviendra intégrale à l’extinction de la diffusion en analogique de France Télévisions.
La quatrième disposition, c’est la suppression de la publicité dans les départements d’outre-mer, les collectivités d’outre-mer et en Nouvelle Calédonie, lors de l’extinction de l’analogique, « sous réserve de l’existence d’une offre de télévision privée diffusée par voie hertzienne terrestre en clair ». Cette mesure scandaleuse répond au lobbying de la chaîne de télévision privée Antilles télévision, ou ATV.
La cinquième et dernière disposition, c’est la compensation financière de l’État, car il n’est pas mentionné que cette compensation est intégrale, ni que d’autres sociétés que France Télévisions pourront en bénéficier. J’y reviendrai.
Je souhaite d’abord interpeller l’ensemble de mes collègues sénateurs sur un point. Alors que les débats avaient commencé, au soir du deuxième jour, vers minuit, j’ai appris par courrier électronique que plusieurs de nos amendements sont frappés par l’article 40. Ils seront retirés de la liasse le lendemain : personne ne les aura vus. La commission elle-même n’aura pas pu en discuter !
En effet, c’est le règlement. Mais faites attention, cela pourra aussi vous arriver !
M. David Assouline. À la commission, on s’en est ému, comme moi. Je vous demande donc de m’écouter !
Exclamations sur les travées de l ’ UMP.
Sourires.
M. David Assouline. Je préférerais que cette animation prenne la forme d’argumentations et d’échanges d’idées.
Exclamations sur les travées de l ’ UMP.
Nous avions proposé un amendement prévoyant une compensation intégrale du manque à gagner consécutif à la suppression de la publicité. C’est presque mot pour mot ce qu’avait dit le Président de la République lorsqu’il avait déclaré que la compensation se ferait à l’euro près. Et même s’il manquait deux euros, personnellement, je m’en contenterais. Mais « à l’euro près », c’est une compensation intégrale !
Or, sans qu’il y ait débat, on décide que cet amendement ne sera pas discuté, parce que le terme « intégral » tombe sous le coup l’article 40. C’est un aveu et cela signifie qu’il n’y a pas de compensation intégrale. On a donc menti non seulement aux téléspectateurs, mais également à France Télévisions, parce que l’on ouvre la possibilité que, demain, cette compensation ne soit pas intégrale.
Et, après, l’on s’émeut d’entendre certains ici dire que le secteur public est non pas renforcé, mais fragilisé économiquement par cette mesure !
L'amendement n° 34 rectifié, présenté par Mme Morin-Desailly et M. Thiollière, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'article 53 de la même loi est ainsi modifié :
1° La première phrase du premier alinéa du I est ainsi rédigée :
« Des contrats d'objectifs et de moyens sont conclus entre l'État et chacune des sociétés ou établissements suivants : France Télévisions, Radio France, la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, ARTE-France et l'Institut national de l'audiovisuel. » ;
2° Le premier alinéa du I est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Un nouveau contrat peut être conclu après la nomination d'un nouveau président. » ;
3° Les troisième à septième alinéas sont remplacés par onze alinéas ainsi rédigés :
« - les axes prioritaires de son développement ;
« - les engagements pris au titre de la diversité et l'innovation dans la création ;
« - les montants minimaux d'investissements de la société visée au I de l'article 44 dans la production d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes et d'expression originale française, en pourcentage de ses recettes et en valeur absolue ;
« - les engagements permettant d'assurer, dans un délai de cinq ans suivant la publication de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, l'adaptation à destination des personnes sourdes ou malentendantes de la totalité des programmes de télévision diffusés, à l'exception des messages publicitaires, sous réserve des dérogations justifiées par les caractéristiques de certains programmes ;
« - les engagements permettant d'assurer la diffusion de programmes de télévision qui, par des dispositifs adaptés, sont accessibles aux personnes aveugles ou malvoyantes ;
« - le coût prévisionnel de ses activités pour chacune des années concernées, et les indicateurs quantitatifs et qualitatifs d'exécution et de résultats qui sont retenus ;
« - le montant des ressources publiques devant lui être affectées en identifiant celles prioritairement consacrées au développement des budgets de programmes ;
« - le montant du produit attendu des recettes propres, en distinguant celles issues de la publicité et du parrainage ;
« - les perspectives économiques pour les services qui donnent lieu au paiement d'un prix ;
« - les axes d'amélioration de la gestion financière et de ressources humaines ;
« - le cas échéant, les perspectives en matière de retour à l'équilibre financier. »
4° Le huitième alinéa du I est supprimé ;
5° La première phrase du neuvième alinéa du I est complétée par les mots : « et au Conseil supérieur de l'audiovisuel » ;
6° Au dernier alinéa du I, les mots : « les sociétés Radio France, Radio France Internationale et Arte-France ainsi que » sont remplacés par les mots : « La société Arte-France et » ;
7° Le deuxième alinéa du II est supprimé ;
8° Le troisième alinéa du II est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Chaque année, les présidents de France Télévisions et de Radio France présentent, devant les commissions chargées des affaires culturelles et des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat, un rapport sur l'exécution du contrat d'objectifs et de moyens de la société qu'ils président. » ;
« Chaque année, le président de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France présente, devant les commissions chargées des affaires culturelles, des finances et des affaires étrangères, un rapport sur l'exécution du contrat d'objectifs et de moyens de la société qu'il préside. »
9° Au dernier alinéa du II, les mots : « et des sociétés Radio France et Radio France Internationale » sont remplacés par les mots : «, de la société Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France » ;
10° Le VI est ainsi rédigé :
« VI. - Les programmes diffusés entre vingt heures et six heures des services nationaux de télévision mentionnés au I de l'article 44, à l'exception de leurs programmes régionaux et locaux, ne comportent pas de messages publicitaires autres que ceux pour des biens ou services présentés sous leur appellation générique. Cette disposition s'applique également aux programmes diffusés par ces services entre six heures et vingt heures à compter de l'extinction de la diffusion par voie hertzienne terrestre en mode analogique des services de télévision mentionnés au I de l'article 44 sur l'ensemble du territoire métropolitain. Elle ne s'applique pas aux campagnes d'intérêt général. À compter de cette même date, le temps maximal consacré à la diffusion de messages publicitaires s'apprécie par heure d'horloge donnée. À l'extinction de la diffusion par voie hertzienne terrestre en mode analogique des services de télévision sur le territoire d'un département d'outre-mer, d'une collectivité d'outre-mer ou de Nouvelle-Calédonie, et au plus tard le 30 novembre 2011, les programmes de télévision de la société mentionnée au I de l'article 44 diffusés sur le territoire de la collectivité en cause ne comportent pas de messages publicitaires autres que ceux pour des biens ou services présentés sous leur appellation générique, sous réserve de l'existence d'une offre de télévision privée diffusée par voie hertzienne terrestre en clair. Au plus tard le 1er juin 2011, le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur la mise en œuvre de cette disposition et son incidence, notamment sur la société France Télévisions. Ce rapport propose, le cas échéant, les adaptations nécessaires de la présente loi. Au plus tard le 1er mai 2011, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport du Conseil supérieur de l'audiovisuel évaluant, après consultation des organismes professionnels représentatifs du secteur de la publicité, l'incidence de ces dispositions sur l'évolution du marché publicitaire et la situation de l'ensemble des éditeurs de services de télévision.
« La mise en œuvre de l'alinéa qui précède donne lieu à une compensation financière de l'État. Dans des conditions définies par chaque loi de finances, le montant de cette compensation est affecté à la société mentionnée au I de l'article 44. »
La parole est à Mme le rapporteur.
Avant de présenter cet amendement, je précise que la commission est défavorable à l’amendement n° 356.
Vos rapporteurs ne reviendront pas sur le fait qu’ils soutiennent l’idée de la suppression de la publicité, ils s’en sont expliqués lors de discussion générale. Ils soulignent par ailleurs qu’il serait fort dommage de supprimer les contrats d’objectifs et de moyens qui sont, il faut bien l’avouer, des outils essentiels de l’information du Parlement.
J’en viens à l'amendement n° 34 rectifié.
Cet amendement vise à réécrire l’article 18 afin, premièrement, d’apporter des améliorations rédactionnelles, deuxièmement, de supprimer l’avis obligatoire du CSA sur les contrats d’objectifs et de moyens.
En effet, il est apparu à vos rapporteurs que la commission risquait d’être fortement liée à cet avis du régulateur et qu’il était politiquement plus clair, si elle l’estimait nécessaire, d’auditionner le CSA avant d’émettre un avis sur le COM. Je vous rappelle qu’hier nous avons adopté une mesure qui lui donne plutôt un rôle d’éclaireur par la remise d’un rapport au CSA.
Troisièmement, cet amendement prévoit que le président de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France présentera un rapport sur l’exécution du contrat d’objectifs et de moyens de la société qu’il préside devant la commission des affaires étrangères de chaque assemblée.
Quatrièmement, enfin, il s’agit d’opérer le passage du système dit de l’heure glissante à celui de l’heure d’horloge pour les chaînes publiques.
Le sous-amendement n° 87 rectifié, présenté par M. Kergueris, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :
Après le 5° de l'amendement n°34 rectifié, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...) Après la première phrase du neuvième alinéa du I, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Le contrat d'objectifs et de moyens de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France est également transmis aux commissions chargées des affaires étrangères de l'Assemblée nationale et du Sénat. »
La parole est à M. Robert del Picchia, vice-président de la commission des affaires étrangères, en remplacement de M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis.
L’article 18 du projet de loi vise à pallier une faille majeure : l’absence actuelle de pilotage stratégique de l’audiovisuel extérieur. Il prévoit en effet de soumettre la société en charge de l’audiovisuel extérieur à l’obligation de la conclusion d’un contrat d’objectifs et de moyens avec l’État, à l’image de France Télévisions et de Radio France.
Rappelons que, s’agissant de Radio France Internationale, cette obligation ne s’est jamais concrétisée, alors même que la loi l’impose depuis 2000, ce qui illustre les déficiences de la tutelle de l’État, comme l’a souligné récemment la Cour des comptes.
La grande nouveauté tient donc au fait que, désormais, Radio France Internationale, France 24 et, dans une certaine mesure, TV5 Monde seront à l’avenir pilotées en fonction d’une stratégie globale, et ce dans le cadre d’un contrat d’objectifs et de moyens unique qui sera commun à l’ensemble des sociétés de l’audiovisuel extérieur et qui garantira un financement pluriannuel à l’audiovisuel extérieur.
La loi prévoit déjà, mes chers collègues, que le Parlement est informé avant leur signature et qu’il peut se prononcer par un avis sur les contrats d’objectifs et de moyens conclus entre l’État et les sociétés de l’audiovisuel public. En effet, l’article 53 de la loi de 1986 dispose actuellement : « Avant leur signature, les contrats d’objectifs et de moyens sont transmis aux commissions chargées des affaires culturelles et des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat. » Il est précisé plus loin : « Les commissions peuvent formuler un avis sur ces contrats d’objectifs et de moyens dans un délai de six semaines. »
Toutefois, mes chers collègues, dès lors que le projet de loi prévoit d’étendre des contrats d’objectifs et de moyens à la société en charge de l’audiovisuel extérieur, il paraît logique d’associer aussi les commissions des affaires étrangères, compte tenu de l’importance de l’audiovisuel extérieur pour la place et l’influence de la France et de notre langue à l’échelle mondiale.
Ce sous-amendement, qui a été adopté à l’unanimité par la commission des affaires étrangères et de la défense, vise donc à ce que les commissions des affaires étrangères de l’Assemblée nationale et du Sénat soient également destinataires du contrat d’objectifs et de moyens relatif à l’audiovisuel extérieur, aux côtés des commissions des affaires culturelles et des finances, et qu’elles puissent éventuellement formuler un avis sur ce contrat.
Le sous-amendement n° 228 rectifié bis, présenté par MM. Maurey, Amoudry, Détraigne, Pozzo di Borgo et Deneux, est ainsi libellé :
Supprimer les trois dernières phrases du premier alinéa du texte proposé par le 10° de l'amendement n° 34 rectifié pour le VI de l'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986.
La parole est à M. Hervé Maurey.
Ce sous-amendement tend à supprimer l’un des rapports proposés dans l’article 18. En effet, il semble plus logique que le Gouvernement présente un seul rapport - nous vous proposerons d'ailleurs des amendements en ce sens aux articles 20 et 21 – faisant le point sur la réforme avant la suppression totale de la publicité à la télévision.
Ce serait plus simple et permettrait d’éclairer le Parlement avant que la deuxième phase de la réforme intervienne.
L'amendement n° 357, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer le 2° de cet article.
La parole est à M. Jean-Luc Fichet.
La disposition prévoyant d’aligner la durée des contrats d’objectifs et de moyens sur celle du mandat des présidents constitue, à nos yeux, une arme à double tranchant.
On peut effectivement estimer, à l’instar du rédacteur de la disposition, que l’alignement des durées sécurise l’action d’un président élu ayant lui-même négocié son COM, qui ne pourra être négocié durant son mandat.
À l’inverse, on a compris que les présidents, si ce projet de loi est adopté, seraient désormais sur un siège éjectable. Comment, dès lors, accepter que les contrats puissent être renégociés à des fréquences diverses, concomitamment à l’arrivée d’un nouveau président dont la nomination pourra être assortie d’une invective de l’exécutif à faire faire des économies à la société dont il aura la charge ?
Il convient de rappeler que l’État s’engage à fournir les moyens financiers convenus pour la durée du COM. En contrepartie de leurs engagements sur des objectifs de résultat et de maîtrise de leurs moyens, les organismes du secteur public audiovisuel ont une visibilité à moyen terme sur l’évolution de leurs ressources. Que va-t-il advenir de cette visibilité pluriannuelle si les COM sont remis en cause à chaque nomination ? Qu’en est-il, par ailleurs, de la logique de responsabilisation mutuelle entre l’État et les sociétés ?
II faut maintenir la durée initiale du COM afin que les engagements pris à cette occasion par les signataires revêtent un caractère stable et pérenne.
Pour ne pas trop compromettre cette pérennité du financement des sociétés de l’audiovisuel public, qui est déjà bien entamée par ailleurs avec la suppression de la collecte de la publicité par les chaînes publiques, il nous semble totalement inopportun de prévoir un alignement de la durée des COM sur celle du mandat des présidents.
L'amendement n° 362, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le second alinéa du 2° de cet article :
« La renégociation d'un contrat d'objectifs et de moyens avant son terme ne peut survenir qu'en cas de hausse de l'indice des prix à la consommation imprévue et exceptionnelle, de moins-value des recettes de redevance ou de mise en œuvre de nouvelles orientations technologiques. »
La parole est à M. Serge Lagauche.
La loi dite « Trautmann-Tasca » du 1er août 2000 qui constitue, réaffirmons-le, la dernière vraie réforme de la loi de 1986 avant le retour en arrière auquel vont aboutir les projets de lois que nous examinons, a construit un dispositif réglementaire complet et cohérent fixant une perspective pérenne au développement de la télévision publique.
Ce dispositif complétait la création de la société holding France Télévisions et l’allongement de la durée du mandat du président du groupe de trois à cinq ans par la formalisation des relations stratégiques et financières entre l’État et les organismes du service public de l’audiovisuel dans le cadre de contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens.
Ce bel édifice, la droite revenue au pouvoir en 2002 s’est immédiatement acharnée à l’abattre en décidant unilatéralement d’annuler le plan de développement de France Télévisions pour la période 2001-2005 et de bloquer les financements importants. J’attire particulièrement votre attention sur ce point, monsieur Fourcade, compte tenu de ce que vous avez dit tout à l’heure !
Ainsi était signée la disparition, sans autre forme de procès, du projet numérique de France Télévisions, qui prévoyait de faire de la télévision publique le premier bouquet de chaînes gratuites de la télévision numérique terrestre, la TNT, sans que le gouvernement de M. Raffarin crût nécessaire de renégocier le premier COM signé à la fin de 2001 par Marc Tessier, alors président de France Télévisions, et par Catherine Tasca, alors ministre de la culture et de la communication.
La logique vertueuse instaurée par la loi d’août 2000 de contractualisation pluriannuelle des relations entre France Télévisions et l’État était en fait brisée pour longtemps.
France Télévisions ne se vit doter d’un nouveau COM qu’en 2007, après deux ans de tergiversations de l’État, sur la stratégie de développement de la télévision publique et sur les moyens à y accorder.
Finalement, ce second COM confirma le sous-financement structurel de France Télévisions, induit par le blocage décidé en 2003 du taux de la redevance. J’attire également votre attention sur ce point, monsieur Fourcade !
Ce contrat avait cependant le mérite d’exister et permettait au moins aux équipes de France Télévisions de gérer le développement des sociétés du groupe dans un cadre fixe. Par son annonce du 8 janvier 2008, le Président de la République fit voler en éclats ce contrat.
Aujourd’hui, on nous affirme que des négociations sont en cours entre les services compétents de l’État et la direction de France Télévisions pour construire un plan d’affaires cohérent avec la réforme dont nous discutons.
Madame la ministre, pouvez-vous nous dire quand ce plan d’affaires, dont la conclusion nous semble urgente au regard de la situation économique et sociale de France Télévisions, sera prêt et si l’équipe dirigeante actuelle du groupe public aura la responsabilité de le mettre en œuvre ? On peut effectivement en douter au regard des déclarations du Président de la République, ces dernières heures, sur ses intentions quant au changement de président à la tête de notre télévision publique.
En outre, le projet prévoit que chaque COM devra avoir pour durée d’exécution la durée du mandat du président qui l’aura négocié et signé.
Vu que l’horizon de vie - ou plutôt de survie - de l’équipe dirigeante actuelle de France Télévisions paraît limité, au mieux, à l’été 2010, pensez-vous qu’un COM « nouvelle formule » prendra le relais du plan d’affaires en cours de négociation dans moins d’un an et demi ?
Pour notre part, nous considérons que toutes ces incertitudes nourrissent un climat de confusion très malsain autour des perspectives de développement de France Télévisions. C’est pourquoi nous estimons nécessaire d’encadrer les possibilités de renégociation, en cours d’exécution, d’un COM.
Seuls des événements imprévisibles ayant un impact certain sur la gestion des organismes du service public audiovisuel, liés à la conjoncture économique ou à des évolutions technologiques rapides, devraient à notre sens pouvoir justifier la renégociation d’un COM.
Cet amendement permettrait ainsi d’éviter que l’État ne décide unilatéralement de revoir ses engagements à l’égard du service public audiovisuel en cours d’exécution d’un COM.
Les amendements n° 141 et 358 sont identiques.
L'amendement n° 141 est présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 358 est présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le 2° bis de cet article.
La parole est à M. Ivan Renar, pour présenter l'amendement n° 141.
Avec cet article 18, nous abordons le nerf de la guerre et, si j’en crois les événements survenus tout à l’heure, nous entrons dans la guerre des nerfs : le financement de France Télévisions ou, plutôt, son sous-financement.
Or, par une extraordinaire propension à rajouter de la difficulté à la difficulté, un amendement défendu à l’Assemblée nationale par le rapporteur Christian Kert est venu rajouter dans le contrat d’objectifs et de moyens de l’ensemble des sociétés et établissements publics de l’audiovisuel une obligation insensée, celle d’avoir « un résultat d’exploitation au moins équilibré » ; j’insiste sur les termes « au moins ». C’est impensable !
Cette mesure, à lire l’exposé sommaire de l’amendement n° 91 défendu à l'Assemblée nationale par le rapporteur Christian Kert, serait une « contrepartie d’un financement assuré et neutre en matière de politique éditoriale ». Avons-nous examiné le même texte ? Je m’interroge, car le financement prévu par ce projet de loi est loin d’être « assuré » et encore moins « neutre » en matière de politique éditoriale !
Il est en effet impensable d’imposer une telle obligation à l’heure où l’audiovisuel public – dont le budget pour 2009 prévoit un déséquilibre de 135 millions d’euros – se voit privé d’une grande partie de ses ressources sans qu’une compensation pérenne et satisfaisante ait été garantie par l’État.
Dans un tel contexte, cette disposition est dangereuse, à terme, pour le caractère public de l’audiovisuel public. Elle est citée dans le rapport de la commission, mais sans aucun commentaire, et il n’est pas proposé de la modifier.
C’est donc avec un certain intérêt que j’ai noté, en lisant l’amendement n° 34 rectifié déposé par nos rapporteurs, que la position de la commission avait évolué. Celle-ci évoque non plus « un objectif de résultat d’exploitation au moins équilibré », mais « le cas échéant, les perspectives en matière de retour à l’équilibre financier ».
Le retour à l’équilibre financier, c’est ce que l’on peut espérer, voire souhaiter, pour France Télévisions. Mais les mesures contenues dans ce projet de loi, tels des boulets chevillés à France Télévisions, laissent augurer du contraire.
On ne peut donc pas maintenir les dispositions majeures de cet article 18, dont la suppression de la publicité, et, dans le même temps, formuler le vœu pieux d’une « perspective de retour à l’équilibre financier ».
C’est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à voter cet amendement de suppression.
La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour défendre l'amendement n° 358.
Le 2 bis de l’article 18 est sans doute l’une des dispositions les plus insidieuses de ce projet de loi, car il introduit un impératif d’équilibre d’exploitation qui présage du redécoupage futur du périmètre du secteur de l’audiovisuel public.
En effet, il n’a pas été possible, aux termes de l’article 1er de ce texte, d’inscrire nommément dans la loi les chaînes du groupe France Télévisions. Mieux, les chaînes que nous connaissons aujourd’hui vont devenir de simples services de l’entreprise globale France Télévisions !
Alors, introduire un impératif d’équilibre du résultat d’exploitation de France Télévisions revient, en fin de compte, à faire peser sur l’existence de ces services une logique mercantile, qui risque d’entraîner, à terme, la disparition des moins rentables d’entre eux. Cette disparition semble même être programmée puisque la pérennité du financement de France Télévisions n’est pas, quoi qu’en dise le Gouvernement, assurée.
Dit autrement, ce serait une manière d’élaguer l’arbre France Télévisions de ses supposées branches mortes, qui auraient fourni la preuve de leur inutilité puisqu’elles plombent les résultats d’exploitation du groupe.
D’ailleurs cette disposition ne vise-t-elle pas en premier lieu France 3 ? Avec ses décrochages locaux et son maillage du territoire, cette chaîne ne rentre assurément pas dans les clous d’une rentabilité financière stricte.
En d’autres termes, exiger que les comptes d’exploitation des COM soient équilibrés, c’est en définitive donner sans le dire, en se parant des arguments du bon père de famille, libre cours à la logique mercantile qui va ronger le secteur audiovisuel public.
On voit poindre là la menace de privatisation des chaînes du service public, ce qui constitue, en réalité, la cerise sur le gâteau que le Gouvernement offre aux opérateurs privés.
Nous rejetons fermement le risque de dépeçage de l’audiovisuel public, dépeçage méthodiquement organisé au travers de ce projet de loi.
L’ensemble des dispositions du texte font système : des chaînes deviennent des services, des services sont soumis à un impératif d’équilibre ; si l’équilibre n’est pas atteint, supprimons alors les services qui ne marchent pas.
Nous refusons cette logique ! France Télévisions doit être une entreprise efficace, une entreprise à laquelle on donne surtout les moyens d’être efficace, une entreprise à laquelle on donne réellement les moyens de remplir les missions qui sont les siennes. Ce n’est pas le cas, bien au contraire.
Garantissons vraiment et réellement l’équilibre financier de France Télévisions ; garantissons vraiment et réellement que ses missions pourront être remplies. Alors, nous pourrons parler d’équilibre d’exploitation des COM.
De telles garanties n’existent pas à l’heure actuelle. Dans ces conditions, ne bouclons pas la boucle qui va étrangler France Télévisions. Laissons au contraire cette entreprise devenir, à partir de ce qui fait sa force aujourd’hui, ce grand média de demain que nous attendons tous.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 142 est présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 233 est présenté par M. Maurey et les membres du groupe Union centriste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
À la fin du deuxième alinéa du 3° de cet article, supprimer les mots :
et en valeur absolue
La parole est à M. Jack Ralite, pour présenter l'amendement n° 142.
Cet amendement allait de pair avec notre amendement n° 144, qui a subi les foudres de l’article 40 : celui-ci tendait à insérer après les mots : « compensation financière » les mots : « intégrale et pérenne ».
C’est à nous législateur qu’il revient de préciser la compensation financière de l’État et, surtout, de la garantir, car sans cette garantie, comment imposer à France Télévisions les obligations introduites à l’Assemblée nationale par l’amendement n° 634 ? C’est la question que nous soulevons au travers de notre amendement n° 142.
Nous défendons depuis toujours, et avec passion, la création. Le bouleversement de l’équilibre financier de France Télévisions engendré par la suppression de la publicité inquiète légitimement les producteurs, les réalisateurs des œuvres audiovisuelles et cinématographiques, les auteurs, les artistes et les techniciens. Ils souhaitent voir garanti dans le COM de France Télévisions, au moyen de cette loi, un montant minimal d’investissement en pourcentages des recettes de ce groupe et « en valeur absolue ». Mais comment ne voient-ils pas qu’ils demandent à France Télévisions de leur assurer un financement pérenne, alors que ce groupe ne dispose pas pour lui-même de cette garantie ?
C’est tout le paradoxe de ce projet de loi où se mêlent et s’entrechoquent des aspirations et intérêts qui peuvent devenir divergents et où chacun, au final, lutte pour éviter le pire.
C’est cette pratique gouvernementale consciente que nous voulions démontrer et dénoncer avec cet amendement. Pardi, le Gouvernement est plus fort quand il réussit à diviser ses partenaires, qu’ils soient internes ou externes !
La politique de Nicolas Sarkozy exacerbe les contradictions. C’est vrai dans le secteur de la culture et de la création, et un peu plus chaque jour dans notre société.
On nous demande donc d’arbitrer entre les réalisateurs, les producteurs et France Télévisions, et ses personnels.
Pendant ce temps, les chaînes privées comptent les points en leur faveur. TF1 comme M6, lors de leurs négociations, ont réussi pour la première fois, pour l’une, à faire baisser ses obligations de productions, pour l’autre, à élargir la définition des œuvres patrimoniales qui entrent en ligne de compte pour ce calcul.
Je le dis sans acrimonie, pour ces discussions-là, personne ne nous a demandé d’être médiateurs.
Nous abordons un problème fondamental. Il y a deux moyens de s’entendre : le contrat et la loi. L’un et l’autre sont le résultat de rapports de force qui ne sont pas pérennes. La différence, c’est que le contrat dure moins longtemps que la loi. Le contrat, plus particulier, peut même déboucher sur le corporatisme ; la loi, plus générale, doit prendre en compte l’intérêt général. Aujourd'hui, la tendance est de privilégier le premier sur la seconde, c'est-à-dire le présent sur la durée.
Nous sommes pour l’existence des contrats, mais la loi ne peut en être la synthèse. La loi est au-dessus, ce qui s’entend non pas dans un sens autoritaire, mais « comme un ciel étoilé au-dessus de nous », selon les mots de Kant.
Exclamations sur les travées de l ’ UMP.
D’ailleurs, nous en avons l’expérience, et les producteurs qui emploient essentiellement des intermittents le savent bien.
Marques d’impatience sur les travées de l ’ UMP.
S’était alors créé un comité de suivi de la lutte des intermittents, dans lequel se trouvaient des députés et des sénateurs de toutes les sensibilités représentées au Parlement, ainsi que des syndicalistes, ouvriers et patronaux, qui refusaient le coup porté, sur l’initiative du MEDEF, à l’intermittence. Ce comité a élaboré un projet de loi sur cette question, qui a reçu l’aval de la majorité des députés de l'Assemblée nationale.
Nouvelles marques d’impatience sur les travées de l’UMP.
Monsieur Ralite, respectez votre temps de parole avant de donner des leçons aux autres !
Le texte de ce projet a été ratifié par la majorité des parlementaires de l’Assemblée nationale.
M. Jack Ralite. Le président Debré a revendiqué en être le premier signataire. Une niche parlementaire s’est présentée à l’assemblée, et le matin où le texte devait être examiné avec un autre sur l’Arménie, on a constaté une large absence de l’UMP. D’abord a été voté le texte sur les Arméniens, et c’est tant mieux
Exclamations sur certaines travées de l ’ UMP
Le rapport entre contrat et loi, on le voit, est complexe. Aujourd’hui, les ASSEDIC ne sont toujours pas arrivées à un contrat et, en février, unilatéralement, elles veulent réexaminer la situation des intermittents, avec l’intention déclarée de blesser.
Je le dis avec une certaine solennité aux producteurs, aux réalisateurs, aux hommes du cinéma, à tous les personnels qui travaillent à la télévision : rencontrez-vous et tentez d’établir une responsabilité publique qui ne vous opposera pas !
Vives exclamations sur les travées de l ’ UMP.
Puisque vous réagissez ainsi, je préfère m’arrêter là ! Je vous laisse à votre goujaterie !
Mêmes mouvements.
Monsieur Ralite, vos propos sont inadmissibles ! Je suis là pour présider la séance et faire respecter les temps de parole. Avec vous, à chaque fois, cela dérape. Je regrette, ce n’est pas normal !
Je procède de la même façon pour tous les orateurs !
La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour présenter l'amendement n° 233.
Il s’agit avant tout d’un amendement d’appel. Il a pour objet non pas de diminuer les engagements de France Télévisions dans la création, mais bien au contraire de s’assurer que France Télévisions aura toujours les moyens d’être le soutien majeur du financement de la création cinématographique.
En effet, madame la ministre, vous vous êtes engagée, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2009, à ce que l’État compense la perte de recettes publicitaires de France Télévisions, estimée à 450 millions d’euros, pour les années 2009, 2010 et 2011. Cette compensation prendra fin avec l’arrêt définitif de la publicité sur France Télévisions. Il y a donc une véritable incertitude sur le financement de France Télévisions après 2011.
Les nouvelles taxes instaurées par ce texte ne permettront ni de compenser intégralement l’arrêt complet de la publicité ni de financer le développement de l’entreprise, qui est lié à la généralisation de la haute définition, à la .mise en place du média global et à l’émergence de nouveaux services.
Dans un tel contexte, nous proposons de supprimer la référence à des engagements en valeur absolue de France Télévisions dans la production. Nous entendons surtout souligner le risque, à terme, que France Télévisions ne puisse plus faire face à ses engagements en la matière. Ce serait alors l’ensemble de la filière qui en pâtirait.
Assurer à France Télévisions des ressources pérennes, indépendantes et de nature à permettre son développement est une condition sine qua non pour soutenir la création d’œuvres cinématographiques françaises et européennes, ainsi que la création d’œuvres audiovisuelles.
L'amendement n° 291 rectifié, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Après le deuxième alinéa du 3° de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque France Télévisions contribue à une production, la répartition des droits d'exploitation avec le producteur privé, est effectuée proportionnellement aux apports.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Nous avons, à plusieurs reprises, longuement plaidé pour que la création en interne puisse exister et pour qu’elle soit mentionnée. Vous nous avez garanti oralement cette possibilité, madame la ministre, mais vous ne voulez pas l’inscrire dans la loi. En revanche, vous avez refusé, hier, que le mot « commande » disparaisse du texte. C’est dire que vous tenez beaucoup à cette activité qui, il est vrai – du moins c’est ce qui devrait être –, nourrit la création et les producteurs, dans toute leur diversité.
France Télévisions se retrouve donc en situation non seulement de commande et de diffusion, mais aussi parfois de financement important de la production, quand elle ne prête pas en plus du matériel pour la réaliser.
Dans le rapport sénatorial sur la loi DADVSI, il est longuement expliqué la nature du droit d’auteur, auquel nous ne voulons pas toucher, ainsi que le droit d’exploitation, qui se partage. Il nous semble donc logique et déontologique qu’il y ait non pas cession du droit d’auteur, car celui-ci est inaliénable, mais partage des droits d’exploitation au prorata des contributions de France Télévisions et du producteur privé, afin que France Télévisions ne se retrouve pas spoliée de la possibilité de diffusion d’une œuvre qu’elle a largement financée et qu’elle retrouve parfois diffusée sur une autre chaîne, et ce sans compensation.
Monsieur le président, vous l’aurez remarqué, je n’ai pas utilisé tout mon temps de parole. Nous respectons totalement votre rigueur dans la gestion du temps, mais il faut quand même reconnaître qu’il y a ceux qui sont brefs et ceux qui développent, qu’il y a ceux qui lassent et ceux qui passionnent. M. Ralite est de ces derniers !
Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
C’est mieux dit avec le sourire que de façon agressive. Merci, madame Blandin !
L'amendement n° 367, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant le 3° bis de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Le cinquième alinéa du I est ainsi rédigé :
« - le montant du produit de la redevance audiovisuelle ainsi que des autres ressources publiques devant lui être affectées, en identifiant celles prioritairement consacrées au développement des budgets de programmes ; ».
La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. Je vais essayer de faire partie de ceux qui passionnent.
Sourires
Comme nous l’avons amplement démontré durant ce débat, l’indépendance des organismes participant au service public de l’audiovisuel vis-à-vis du pouvoir exécutif et des puissances économiques ne sera réelle qu’à la condition que deux critères soient vérifiés, tous deux nécessaires mais insuffisants l’un sans l’autre. En effet, si l’autonomie de gestion n’a aucun sens sans indépendance politique, inversement, l’indépendance politique serait vidée de sa substance si elle était placée sous tutelle financière.
En nous appuyant notamment sur les exemples allemand ou britannique, nous sommes nombreux sur les travées de cette assemblée à considérer, à l’instar de la commission des affaires culturelles depuis longtemps, que le produit de la redevance constitue la ressource la plus adaptée pour assurer au service public de l’audiovisuel un financement sûr, pérenne, dynamique et adapté à ses besoins.
En effet, la redevance doit être vue non pas comme un impôt, mais comme une contribution au financement d’un service public, comme le sont d’autres prélèvements de ce type dont le produit est affecté au financement de services publics locaux bien connus dans cet hémicycle, ce qui incite justement la commission des affaires culturelles à proposer de modifier la dénomination de notre redevance audiovisuelle.
Cette forme de financement répond parfaitement au besoin des dirigeants des entreprises publiques du secteur qui nous intéresse de disposer d’une visibilité pluriannuelle sur l’évolution de leurs ressources, ce qui leur garantit par ailleurs une réelle autonomie dans leurs choix de gestion, au moins pour la durée de leurs fonctions.
La loi d’août 2000 avait introduit une innovation allant tout à fait dans cette direction, en instituant une forme de contractualisation entre, d’une part, l’État et, d’autre part, pris individuellement, France Télévisions, Radio France, Radio France Internationale, ARTE-France et l’Institut national de l’audiovisuel.
Aux termes des actuelles dispositions de l’article 53 de la loi de 1986, les contrats d’objectifs et de moyens sont ainsi négociés pour trois à cinq ans et déterminent, pour cette durée, le montant des ressources publiques devant être affectées à chacun des organismes précités.
Alors que le Gouvernement a imposé à France Télévisions de supprimer, dès avant le terme de ce débat, la publicité de ses écrans entre vingt heures et six heures et a donc bouleversé toute l’économie du paysage audiovisuel français d’un trait de plume, la responsabilité du législateur est d’apporter à notre radio et à notre télévision publiques, ainsi qu’à l’INA, l’assurance de bénéficier d’une ressource publique pérenne et sûre pour l’avenir.
L’adoption par le Sénat de notre amendement n° 314, qui vise à reconnaître légalement que le produit de la redevance constitue la principale ressource financière de France Télévisions, va dans ce sens. En cohérence avec cette mesure, le Sénat devrait aussi approuver notre présente proposition, qui vise à ce que les contrats d’objectifs et de moyens précisent expressément, parmi l’ensemble des ressources publiques devant être affectées à chacun des organismes qu’ils couvrent, le montant du produit de la redevance, et ce pour la durée de leur exécution.
Mes chers collègues, notre assemblée doit à la constance de sa commission des affaires culturelles, soutenue si longtemps par deux de nos anciens collègues le président Jacques Valade et Louis de Broissia, de faire bloc face aux adversaires irréductibles de la redevance, peu présents il est vrai sur nos travées, mais beaucoup plus nombreux sur les bancs de l’UMP de l’Assemblée nationale. Notre amendement vise à offrir cette opportunité au Sénat. Ne la laissons pas passer !
L'amendement n° 88, présenté par M. Kergueris, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :
Après la deuxième phrase du second alinéa du b) du 5° de cet article, insérer une phrase ainsi rédigée :
En ce qui concerne la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, cet avis est également transmis aux commissions chargées des affaires étrangères de l'Assemblée nationale et du Sénat.
La parole est à M. Robert del Picchia, rapporteur pour avis.
Mes chers collègues, je ne vais certainement pas vous passionner, mais peut-être vais-je vous faire plaisir.
L’amendement n° 34 rectifié présenté par la commission des affaires culturelles vise à proposer une réécriture complète de l’article 18. Cette nouvelle rédaction rend donc sans objet l’amendement n° 88, que je retire.
L’amendement n° 88 est retiré.
L'amendement n° 89, présenté par M. Kergueris, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa du 7° bis de cet article, après les mots :
devant les commissions chargées des affaires culturelles et des finances
insérer les mots :
ainsi que, en ce qui concerne la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, devant les commissions chargées des affaires étrangères
La parole est à M. Robert del Picchia, rapporteur pour avis.
Cet amendement, qui a pour objet d’associer les commissions chargées des affaires étrangères de l'Assemblée nationale et du Sénat à l’audition du président de la société en charge de l’audiovisuelle, a également été pris en compte par l’amendement n° 34 rectifié présenté par la commission des affaires culturelles. Je tiens d’ailleurs à en remercier les rapporteurs.
En conséquence, je me rallie à cet amendement et je retire celui de la commission des affaires étrangères.
Nous vous remercions de votre concision !
L’amendement n° 89 est retiré.
Les amendements n° 143 et 359 sont identiques.
L'amendement n° 143 est présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 359 est présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le 9° de cet article.
La parole est à Mme Annie David, pour présenter l’amendement n° 143.
L’article 18, plus précisément le paragraphe dont nous demandons la suppression, organise le sous-financement de France Télévisions. En effet, c’est avec cet article que le Gouvernement entend supprimer la publicité.
Je dis « entend », car la logique voudrait, dans le respect de la séparation des pouvoirs et du débat parlementaire, que la loi ne s’applique qu’une fois promulguée. Or, ici, et il est crucial de le dénoncer une nouvelle fois avec force, notre discussion est entachée de nullité, car la disposition phare de ce projet de loi est déjà entrée en vigueur.
Fait unique dans notre Ve République, une disposition – la suppression de la publicité sur France Télévisions – non discutée au Sénat, inscrite dans un projet de loi non voté, est déjà effective ! Et ce grâce à un coup de baguette magique que vous avez donné, madame la ministre, à savoir la lettre adressée le 15 décembre dernier au PDG de France Télévisions, Patrick de Carolis.
Après notre collègue Jack Ralite, je voudrais à mon tour citer une phrase de cette lettre, notamment la première : « Vous m’avez saisie de votre préoccupation concernant la programmation des messages publicitaires sur les antennes des chaînes de votre groupe à compter du 5 janvier 2009 en raison du délai d’examen par le Parlement du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision ». À vous lire, le délai d’examen du texte par le Parlement serait la préoccupation du président de France Télévisions, préoccupation que vous partagez !
Il paraît étonnant de voir une ministre et un PDG d’entreprise publique remettre ainsi en cause le droit du Parlement à débattre d’un projet de loi. Voilà pour la forme !
Sur le fond, la suppression de la publicité se révèle très préoccupante s’agissant des compensations.
Le projet de loi, après avoir évoqué la suppression de la publicité, affirme que sa mise en œuvre donnera lieu à une « compensation financière de l’État ». Or, juridiquement, cette expression ne signifie rien et n’a aucune portée contraignante. À cet égard, je m’associe aux protestations de Jack Ralite et de David Assouline à propos de l’amendement qui a été retoqué en vertu de l’article 40 de la Constitution.
En revanche, ce qui est bien réel, c’est l’état de sous-financement déjà existant de la télévision publique auquel va s’ajouter le coût des programmes remplaçant la diminution, puis la disparition totale de la publicité.
Pour exister et pour se développer, alors que l’on évoque la notion de « global média » regroupant tous les supports, la télévision publique a besoin d’un financement pérenne et dynamique. Or, avec ce projet de loi, elle va hériter d’un financement qui pourra être remis en cause chaque année.
Elle a besoin d’une vision géométrique et dynamique. À l’inverse, votre projet de loi la cantonne dans une vision arithmétique et comptable, une vision étroite et étriquée, antinomique avec l’essence même de l’audiovisuel et, plus largement, des médias, qui sont des corps en mouvement, en perpétuel inachèvement, qu’il s’agit surtout de ne pas figer.
C’est pourquoi nous considérons que seule la redevance constitue une recette pérenne et dynamique qui rejoint l’impératif de financement d’un grand service public de la télévision. Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter notre amendement.
La parole est à M. David Assouline, pour présenter l'amendement n° 359.
La suppression de la publicité sur les chaînes publiques est le fait du prince. Ce coup de poker, ce coup de pub dirais-je, puisque tout le monde en a parlé, est pour le moins irresponsable, car il « chamboule » toute l’économie d’un secteur sans qu’aucune étude ou concertation ait été menée au préalable.
L’annonce de la suppression de la publicité sur les chaînes publiques, nous l’avons dit, a surpris tout le monde, y compris vous-même, madame la ministre, comme on peut le constater en visionnant cette annonce. L’idée était simple : offrir les parts de marché du service public aux amis propriétaires de chaînes privées, dont l’un souffre des conséquences de son manque de perspicacité au sujet de la TNT, cheval sur lequel il n’avait pas misé.
Toujours est-il que l’on supprime ainsi 549, 6 millions d’euros à France Télévisions. En 2008, les prévisions s’établissaient à 809, 6 millions d’euros, celles pour 2009 s’élevant à 260 millions d’euros de recettes réalisées sur la tranche de six heures à vingt heures.
Les estimations établissant la compensation à France Télévisions à 450 millions d’euros et à Radio France à 23 millions d’euros pour 2009 – ce sont leurs propres estimations – sont donc déjà très en deçà des 550 millions d’euros de pertes. En 2009, il manquera 100 millions d’euros à France Télévisions au seul titre des recettes publicitaires perdues non compensées. Or, en 2008, 260 millions d’euros de recettes publicitaires ont déjà fait défaut à France Télévisions du fait de l’annonce de la réforme, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, les annonceurs, ne sachant qu’attendre de la réforme, se sont montrés frileux. C’est aussi la raison pour laquelle nous protestons sur la méthode de l’annonce, qui a déstabilisé tout le secteur pendant un an, jusqu’à la mise en place de la réforme.
Ensuite, les opérateurs privés, estimant qu’ils bénéficiaient de parts supplémentaires, ont cassé les prix afin d’être concurrentiels. Ils ont dit aux annonceurs : « Venez chez nous après vingt heures – d’ailleurs, il n’y aura bientôt plus que chez nous où vous pourrez aller –, et nous vous ferons des prix dans la journée ». Qui sait donc si France Télévisions pourra retrouver le niveau de recettes publicitaires qu’elle avait avant vingt heures ?
Enfin, une grande partie du marché est en train de muter naturellement vers internet et, dans une moindre mesure, vers les chaînes émergentes de la TNT.
Par ailleurs, il est pour le moins scandaleux que l’Assemblée nationale ait étendu la disposition supprimant la publicité à RFO, cédant ainsi à un lobbying. Pourtant, j’avais en tête que la loi devait servir l’intérêt général, non des intérêts privés. En l’occurrence, la loi est élaborée pour quelques personnes ou groupes précis, dont on peut déterminer les noms au travers du paragraphe 9 de cet article ; je ne les citerai pas !
Selon des études récentes, M6 devrait ne capter que 25 % des parts de marché publicitaires libérées. Le grand gagnant sera une fois encore TF1, qui, sur les quelque 250 millions ou 260 millions d’euros de recettes migrantes, devrait en capter 70 %.
En tant que législateur, je ne peux cautionner cette disposition qui vise uniquement à satisfaire quelques intérêts privés au détriment des téléspectateurs, qui pourront désormais être abreuvés de tunnels publicitaires interminables du fait de la réforme autorisant davantage de publicité pour les opérateurs privés ; nous aurons l’occasion d’y revenir.
Deuxième coupure, diffusion de neuf minutes de publicité par heure contre six minutes actuellement, passage de l’heure glissante à l’heure d’horloge : on est loin de la suppression de la publicité quand il s’agit des grands opérateurs privés !
Cette réforme mettra en péril tout le secteur public audiovisuel en supprimant le quart de son financement annuellement garanti.
Monsieur le président, je vais légèrement dépasser mon temps de parole…
Mme Tasca souhaite s’exprimer avant la suspension de la séance et c’est par courtoisie à son égard que je vous demande de conclure.
Par courtoisie envers Mme Tasca, je conclurai en une minute, monsieur le président.
Il serait préférable que je puisse conclure en une ou deux minutes, monsieur le président. Ou alors, je m’inscrirai pour explication de vote sur chaque amendement et je dirai ce que j’ai à dire !
Nous ne faisons pas d’obstruction, la commission le sait ; nous n’intervenons que sur le fond. Nous avons sélectionné nos amendements, nous n’en avons pas déposé des milliers.
M. David Assouline. Alors, laissons le Sénat débattre ! Je comprendrais que vous soyez énervés si nous parlions de tout et de n’importe quoi ! Nous sommes aussi en train d’œuvrer pour vous, chers collègues de l’opposition, parce que plus le Sénat débattra au fond de ce sujet, plus il recouvrera son honneur, qui a été bafoué par le Gouvernement !
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
L'amendement n° 360, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer la deuxième phrase du deuxième alinéa du 9° de cet article.
La parole est à Mme Catherine Tasca.
Compte tenu de l’heure, je ne m’étendrai pas sur le sentiment d’affront qui est le nôtre s’agissant de la procédure qui a été retenue pour ce texte.
Sur le fond, le Gouvernement a choisi de forcer la main de l’équipe dirigeante de France Télévisions en l’invitant fermement à mettre en œuvre la première étape de la suppression de la publicité sur ses antennes dès le 5 janvier 2009. Si cette mesure est louable dans son objectif, elle revient – nous en sommes tous largement conscients, sur l’ensemble des travées – à placer l’audiovisuel public dans une situation d’insécurité et de dépendance budgétaire à l’égard du pouvoir en place. Elle revient à le mettre durablement en position de faiblesse pour aborder les évolutions majeures du secteur audiovisuel.
Le 9° de l’article 18 introduit, en fait, la deuxième étape de la suppression de la publicité, avec sa disparition totale à compter de l’extinction de la diffusion par voie hertzienne terrestre en mode analogique, fin 2011. Celle-ci constituera, nous le savons tous, un bouleversement plus important encore que la suppression partielle de la publicité qui vient d’être mise en œuvre depuis le 5 janvier.
Or, madame la ministre, vous n’avez cessé de nous dire, pour justifier votre réforme, que l’ensemble de l’économie du secteur audiovisuel connaissait un bouleversement puissant, que la suppression partielle de la publicité viendra forcément accentuer.
Dans le même temps, nous constatons l’absence de garantie d’une compensation financière intégrale et durable. Vous n’avez pris d’engagement que sur les trois premières années. Vous n’avez cessé de nous asséner que l’économie du secteur de l’audiovisuel évoluait rapidement et qu’il fallait, en conséquence, adapter les outils de l’audiovisuel public à cette accélération des mutations.
Il nous paraît incohérent et irresponsable de décider dès aujourd’hui de l’opportunité de supprimer totalement la publicité sur les chaînes de France Télévisions et, si cela devait être, de fixer dès aujourd’hui la date à laquelle cette suppression devrait intervenir.
Qui, dans cet hémicycle, peut dire ce que sera le secteur audiovisuel dans trois ans ? Quelles seront les conséquences de la suppression de la publicité entre vingt heures et six heures ? Comment la publicité enlevée à France Télévisions se sera-t-elle reportée sur les autres médias, et qu’en sera-t-il du marché publicitaire face aux nouveaux médias ?
J’ajoute que la date à laquelle vous envisagez la suppression totale de la publicité dans votre texte est celle du passage au tout numérique, qui constituera déjà en soi un bouleversement sans équivalent du secteur de l’audiovisuel et des médias. Il n’est assurément pas opportun de placer l’audiovisuel public en situation d’avoir à affronter en même temps deux bouleversements majeurs de son économie : la suppression totale des ressources publicitaires et le passage au numérique.
Si l’on a un tant soit peu le souci de la stabilité de l’entreprise France Télévisions et de son développement harmonieux, il nous paraît économiquement indispensable que l’année 2011 soit l’année de l’évaluation des conséquences de cette première étape de la suppression de la publicité.
La crise économique et le calendrier de votre réforme font de 2009 une année sens dessus dessous ; 2010 nous montrera comment le marché publicitaire et France Télévisions répondent à ce bouleversement ; 2011 sera la première année d’évaluation sérieuse de l’impact de la réduction de la publicité sur les programmes et sur l’économie du secteur. Il sera temps, alors, d’envisager éventuellement d’autres étapes. Tel est le sens de l’amendement n° 360.
Je vous remercie, madame Tasca, d’avoir respecté scrupuleusement votre temps de parole.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente pour la déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, sur la situation au Proche-Orient.
L’examen du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision se poursuivra demain matin. Je viens d’apprendre que le groupe socialiste a déposé dix sous-amendements sur l’amendement n° 34 rectifié.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.