Intervention de Bernard Kouchner

Réunion du 14 janvier 2009 à 21h30
Situation au proche-orient — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je mesure la gravité de la préoccupation de la représentation nationale et, à travers elle, du pays tout entier, face à la terrible crise de Gaza. Je partage votre émotion devant le gâchis de tant de vies, d’efforts et d’espérances. Je partage votre inquiétude devant le recul de la modération et du dialogue, au bénéfice de la violence.

Je ne partage pas, en revanche, le sentiment de ceux qui croient que les efforts diplomatiques – notamment ceux de la France, mais pas seulement – n’ont servi à rien, même si les résultats attendus sont, hélas ! trop lents à se manifester. La France, vous le savez, s’est pleinement engagée, dès le premier jour et au plus haut niveau, pour rechercher une sortie de crise. Les combats n’ont pas encore cessé, mais nous avons construit et maintenu une pression qui, utile aujourd’hui, sera efficace demain, du moins je l’espère.

Je voudrais vous dire en quelques mots ce que nous avons fait, dans quel esprit, et avec quels résultats.

Nous avons agi au plus vite, dès le 27 décembre. Nous l’avons fait dans un esprit d’équilibre et de justice. Nous l’avons fait avec nos partenaires européens, d’abord en les mobilisant sous notre présidence, le 30 décembre – une journée plus tard, la présidence de l’Union européenne devenait tchèque ! –, ensuite en appuyant les efforts de la présidence tchèque qui prenait le relais. Nous l’avons fait avec la double volonté d’obtenir un cessez-le-feu immédiat, pour épargner des vies et de la souffrance, tout en espérant créer les conditions d’un cessez-le-feu durable qui garantisse la relance du processus de paix.

La France est lucide sur le partage des responsabilités dans le déclenchement des combats, et cette lucidité est la première condition de nos efforts. Dès le 27 décembre, le jour où Israël a lancé l’offensive, nous avons condamné les provocations qui ont conduit à l’escalade. Nous avons aussi condamné le refus par le Hamas de reconduire la trêve de juin dernier et de rencontrer le président de l’Autorité palestinienne, comme nous avons condamné la reprise des tirs de roquettes contre le sud d’Israël.

Nous avons également condamné l’usage disproportionné de la force par Israël, rappelant qu’il n’y avait pas et qu’il n’y aurait pas de solution militaire au conflit israélo-palestinien, y compris à Gaza. Nous avons appelé au plein respect du droit international humanitaire, notamment des conventions de Genève, qui prohibent toute punition collective des populations civiles en temps de conflit, comme au plein respect du droit de la guerre, qui définit précisément l’usage licite ou non de certaines armes. Cette position équilibrée est la seule sur laquelle on puisse bâtir la paix.

Bâtir la paix, cela veut dire d’abord obtenir l’arrêt des tirs de roquettes sur Israël, le retrait des troupes israéliennes et l’ouverture des points de passage, c’est-à-dire la levée du blocus. Cela passe nécessairement par la lutte contre la contrebande à la frontière entre l’Égypte et Gaza. Cela passe aussi par la reprise du dialogue inter-palestinien entre le Fatah et le Hamas, sous l’égide d’Abu Mazen, démarche dans laquelle l’Égypte joue un rôle essentiel.

Ces grandes lignes étaient en place dans le document adopté par les vingt-sept ministres des affaires étrangères de l’Union européenne, réunis à ma demande le 30 décembre, soixante-douze heures après le début des combats. À partir de là, nos efforts se sont déployés dans deux directions : sur le terrain et à l’ONU.

Sur le terrain, tout d’abord, face à l’urgence de la situation et au caractère intolérable des violences, le Président de la République a pris la décision et le risque de se rendre dans la région, en complément de la troïka européenne conduite par la présidence tchèque, rencontres auxquelles je participais. Le déplacement du Président de la République des 5 et 6 janvier l’a conduit successivement en Égypte, dans les Territoires palestiniens, en Israël, en Syrie et au Liban, puis une nouvelle fois en Égypte.

Je veux insister sur ce point : la France est l’un des rares États qui peut parler avec les acteurs de la région, ...

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