L’exercice exige tout le poids de nos efforts, et au-delà, mais il n’y a rien de contraignant si on n’en décide pas ainsi. Le secrétaire général de l’ONU entame cette tournée pour rendre la déclaration contraignante.
Nous nous sommes adressés aux pays alentour, à toutes les puissances, et nous sommes très heureux de pouvoir parler à tous. Je vous rappelle que le dialogue n’était pas évident avec la Syrie, qui joue, comme l’Iran, d’ailleurs, un rôle considérable. Nous parlons tous les jours avec l’Iran. Par téléphone, certes, mais, aujourd’hui, la diplomatie, c’est communiquer jour et nuit par ce moyen. Ce n’est pas suffisant, mais c’est ainsi !
Nous essayons de faire en sorte que, au-delà d’une pression sur les belligérants, cette résolution prépare également l’avenir. Elle renforce notre crédibilité – ce n’est pas le sujet ! – mais aussi notre poids auprès de nos différents interlocuteurs.
Elle envoie un message à nos amis américains : nous ne sommes pas restés immobiles en attendant le Président Obama, dont la position, pour avoir été largement abordée hier par Mme Rice, n’est d’ailleurs pas extraordinairement précise pour l’heure puisqu’il ne parle pas et qu’il faut attendre le 20 janvier.
Donc, nous n’avons pas attendu. Lorsque M. Barak Obama arrivera à la Maison Blanche, il aura devant lui un texte qui a fait l’accord de la communauté internationale et qui sera pour lui, je l’espère, une inspiration et une incitation. Tel est le sens de la déclaration de Mme Hillary Clinton, hier. C’est le résultat du « document transatlantique » que la présidence française de l’Union européenne a fait parvenir, dès leur nomination, aux responsables de la politique extérieure des États-Unis. Je vous ai parlé à plusieurs reprises de ce document, adopté sur proposition française par les Vingt-Sept et qui fait allusion, notamment, à notre engagement nécessaire au Moyen-Orient.
Cette résolution 1860 renforce aussi le poids de l’ONU. Imaginons ce qui serait advenu si le Conseil de sécurité avait échoué à se rassembler autour d’une résolution ! Elle renforce, et nous en sommes heureux, le poids de la France, qui présidait les débats du Conseil.
Les uns et les autres savent maintenant que nous avons agi avec obstination, que nous continuerons de le faire et que nous sommes partiellement écoutés.
Nos efforts, je le répète, n’ont pas, hélas ! produit l’effet visible et immédiat que nous espérions tous : l’arrêt des combats. Mais nos initiatives ont suscité une convergence de vues qui finira, je l’espère, par l’emporter si nous sommes assez audacieux, inventifs et déterminés. Nous ne sommes pas seuls : d’autres pays partagent ce sentiment et indiquent à tous cette direction commune.
Dans la volonté patiente, obstinée, que l’on déploie pour surmonter l’obstacle, se dessinent, j’en suis sûr, des équilibres nouveaux, qui feront avancer la paix et, peut-être, l’histoire. Quand ? Je l’ignore !
Pour autant, nous ne négligeons pas l’urgence. L’urgence, c’est la situation des populations sur place. On compte, pour l’instant, plus de 900 Palestiniens tués et 4000 blessés. Plus du tiers sont des femmes et des enfants. Le bombardement de trois écoles gérées par l’ONU, le 6 janvier, a causé la mort d’une cinquantaine de civils, et soulevé la vague d’indignation que vous savez.
Côté israélien, dix soldats ont été tués au cours des combats. Des roquettes ont continué de s’abattre sur le Sud d’Israël, tirées par dizaines depuis Gaza, et causant la mort de trois civils israéliens. II faut rappeler que la portée de ces roquettes a été étendue récemment à plus de quarante kilomètres. Elles menacent désormais trois des plus grandes villes du pays, soit un million de civils, et se rapprochent de la banlieue de Tel-Aviv.
L’urgence, c’est aussi la situation sanitaire et alimentaire. Déjà critique du fait du blocus imposé par Israël depuis la prise du pouvoir du Hamas, elle s’est dramatiquement dégradée sous l’effet des opérations militaires. La moitié de la population n’a plus accès à l’eau potable, un million de personnes sont privées d’électricité, tandis que le déficit alimentaire s’accroît. Seules neuf boulangeries fonctionnent sur les quarante-sept de Gaza.
L’insécurité empêche le programme alimentaire mondial de travailler à pleine capacité. Les organisations internationales et les Organisations non gouvernementales sont en effet en plus grande difficulté qu’auparavant ; ce n’était déjà pas facile de travailler sur place. L’ONU a repris ses activités humanitaires à Gaza ; elle avait dû les suspendre après que l’un de ses convois a été touché par des tirs d’obus israéliens le 8 janvier, provoquant la mort de l’un de ses chauffeurs.
Je veux, une fois de plus, saluer les ONG, pas seulement les françaises, toutes les organisations non gouvernementales qui ont le courage de travailler, avec efficacité, sur place.
Notre action se déploie dans deux directions. Tout d’abord, une aide directe, au travers de l’envoi d’équipes : deux équipes chirurgicales sont entrées dans Gaza et y travaillent, deux autres sont aux portes de Gaza. Nous envoyons du matériel humanitaire à Gaza via l’Égypte et Israël : deux avions de 69 tonnes. Nous tentons également d’installer un hôpital de campagne, pour apporter sur place les premiers soins aux blessés. On nous propose un bateau-hôpital ; c’est une éventualité que nous examinons.
L’aide est ensuite financière : le ministère des affaires étrangères a alloué plus de 3 millions d’euros de crédits depuis le début de l’année ; 2 millions d’euros ont déjà été débloqués pour deux agences des Nations unies, ainsi que pour les organisations humanitaires palestiniennes et l’organisation israélienne.
Il nous faut déjà penser, mesdames, messieurs les sénateurs, à l’après cessez-le-feu. Il en sera question dès la rencontre de suivi de la Conférence de Paris consacrée à l’édification d’un État palestinien – enfin ! – viable et démocratique, comme nous l’avons toujours demandé. Cette rencontre, je l’organise demain soir, jeudi 15 janvier. Elle réunira au Quai d’Orsay M. Tony Blair, représentant du Quartet, Mme Benita Ferrero-Waldner, commissaire européenne, et mon homologue norvégien, M. Jonas Store.
Nous allons mobiliser l’ensemble des parties prenantes et nous réaffirmerons avec force que Gaza doit être reconstruite et développée, le blocus levé et Gaza intégrée au sein du futur État palestinien. Je vous rappelle l’intitulé de la Conférence de Paris : les crédits ne sont pas « pour les Palestiniens » ; ils sont destinés « à l’État palestinien », comme s’il existait déjà ! Nous souhaitons que toutes les discussions reprennent.
Nous travaillons avec la présidence de l’Union européenne, la Commission, nos partenaires, les États-Unis, la Banque mondiale, la Norvège, à la préparation d’une Conférence chargée de la reconstruction.
Voilà comment se conjuguent nos efforts, à Gaza, dans la région, au sein de l’Union européenne, à l’ONU et dans le cadre du Quartet. Une dynamique est lancée, les contacts se poursuivent quotidiennement. Aujourd’hui, nous avons des résultats qui semblent un peu plus positifs, je l’espère fortement ! Nous allons dans cette direction ; nos amis turcs également. D’autres travaillent avec nous. Les Européens sont sur place. Avec acharnement, nous ne cesserons de chercher la voie étroite qui conduit – demain ou après-demain ! – du terrain des luttes au champ des fraternités. J’ai la conviction que nos efforts vont aboutir ; je vous le dis sans forfanterie et sans aucune certitude : nous notons des reculs dans nos démarches, parfois quelques avancées.
Les contours d’un cessez-le-feu commencent à se dessiner, même si nous devons encore faire face à des obstacles très importants. Je suis encouragé par les débats et les interrogations que je perçois ces jours-ci tant en Israël que du côté des États arabes, et même, semble-t-il, au sein du Hamas entre – ce n’est un secret pour personne ! – le Hamas de Gaza et le Hamas de l’extérieur.
Enfin, au nom du Gouvernement, je veux mettre en garde contre toute importation du conflit en France. La passion, la solidarité sont plus que légitimes ; je m’en félicite, car ces manifestations témoignent de la vitalité du débat démocratique et de l’ouverture vers les autres, vers l’ailleurs, loin du repli sur soi. Mais ces solidarités doivent s’exprimer dans le respect de la loi, sans débordement.
Le Gouvernement sera particulièrement vigilant à cet égard, et combattra fermement tout acte antisémite ou raciste.
Les Français de toute confession, de toutes origines, doivent donner l’exemple et montrer qu’une coexistence sereine est possible. Les organisations religieuses se rencontrent et dialoguent, mettant en garde contre les excès.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai la certitude, malgré les épreuves, les guerres, les haines, que la paix va l’emporter. Le processus de paix va redevenir une réalité tangible, une réponse sera apportée aux attentes des Palestiniens, désespérés par la progression inexorable de la colonisation.
La France travaillera, avec le président Obama, avec Abou Mazen, avec le prochain Premier ministre israélien, à ce que ce rêve, vieux déjà de soixante ans et porté, ne l’oublions pas, dès 1947, par la résolution 181 de l’Assemblée générale des Nations unies, devienne une réalité : un État palestinien viable et démocratique, vivant en paix et en sécurité aux côtés d’Israël, avec Jérusalem pour capitale commune de ces deux États.