Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voici trois semaines que l’opération de l’armée israélienne à Gaza, annoncée par des déclarations officielles, a commencé. Cette intervention a replacé de manière dramatique au premier rang de l’actualité un conflit vieux de soixante ans.
Le même scénario se répète d’année en année, selon le même engrenage : provocation, répression et destruction, avec son cortège de deuils et de victimes innocentes.
Ce conflit a suscité une intense activité diplomatique, plus particulièrement au cours des années quatre-vingt-dix.
Après l’engagement des protagonistes dans ce qui s’annonçait comme un mouvement vers la paix, avec le processus d’Oslo, les discussions de Camp David et leur approfondissement à Taba, nous avons cru, à plusieurs reprises, entrevoir une solution, systématiquement contredite par les faits au moment où l’on pensait toucher au but.
Ce conflit nous concerne pour plusieurs raisons.
Notre diplomatie a une vocation mondiale. Elle se veut naturellement universelle et institue la défense des droits de l’homme comme une priorité.
Elle est, pour cette raison, impliquée dans la résolution de toute crise aux conséquences humanitaires dramatiques, comme cela est le cas aujourd’hui dans la bande de Gaza.
Surtout, ce conflit survient au voisinage immédiat de l’Union européenne et engage son avenir, comme en témoigne le projet d’Union pour la Méditerranée. Il occupe une place centrale dans l’équilibre du Proche-Orient.
Notre attachement à l’indépendance du Liban, les risques pour la paix de la politique nucléaire de l’Iran, les craintes que font peser les événements d’Irak sur la sécurité de nos approvisionnements énergétiques justifient l’intérêt que nous portons à cette zone.
Nous avons, dès sa création, apporté notre soutien à l’État d’Israël, avec lequel nous avons des liens affectifs et dont nous voulons que la sécurité des frontières et de la population soit assurée.
Nous sommes profondément conscients de l’émotion que suscite, dans le monde et dans notre pays, le déroulement des opérations militaires à Gaza.
La détermination des responsabilités dans le déclenchement des hostilités est aujourd’hui vaine et dépassée, mais, pour rechercher les solutions de sortie de crise, il faut prendre en compte l’enchaînement des faits intervenus ces derniers mois.
La stabilité du Proche-Orient, et donc le conflit israélo-palestinien, nous importent beaucoup.
Depuis de longues années, le temps n’a pas joué en faveur de la paix. Dans un contexte d’enlisement de la négociation, alors que dans le même temps perduraient les entraves à la circulation et se poursuivait la colonisation en Cisjordanie, la victoire électorale du Hamas aux élections législatives puis son coup de force à Gaza sont venus compliquer la donne.
Déclaré « entité hostile » par Israël à l’été 2006, ce territoire subit depuis lors un blocus destiné à saper le soutien au mouvement islamiste, dont les tirs depuis Gaza entretiennent un climat d’insécurité en Israël. Force est de constater la stérilité de cette politique.
Avant même l’offensive israélienne, la situation était très dégradée. En octobre dernier, notre commission, considérant la perspective incertaine de parvenir à un accord de paix avant la fin de l’année 2008, avait fait part de sa vive préoccupation devant une situation potentiellement explosive, eu égard à l’aggravation des conditions d’existence de la population palestinienne liée aux entraves à la circulation, aux progrès constants de la colonisation des territoires occupés, obstacle majeur à l’établissement d’une paix durable entre Palestiniens et Israéliens, à l’instabilité et à la faiblesse politiques des deux partenaires, mettant à mal tout dialogue constructif, à la vulnérabilité d’Israël aux tirs de roquettes, en dépit d’une politique sécuritaire particulièrement déterminée.
Quelles que puissent être les surenchères liées à la campagne électorale en Israël ou au jusqu’au-boutisme du Hamas, nul n’avait intérêt à cette opération militaire, et la trêve de six mois a montré que le dialogue était possible. Mais l’absence de progrès dans la négociation ou de médiateur entre les parties, ainsi que le discrédit de l’Autorité palestinienne, ont conduit les protagonistes à l’impasse politique et à l’engrenage de la violence.
Nous savons tous qu’il n’y a pas d’issue militaire à ce conflit.
Certes, sur le plan strictement militaire, les objectifs de l’armée israélienne d’affaiblir significativement le potentiel militaire de la branche armée du Hamas et d’obtenir ainsi l’arrêt des tirs de missiles et le bouclage effectif de la frontière sud seront peut-être atteints. Encore faut-il observer que, malgré les moyens mis en œuvre par les Israéliens, les tirs de missiles sur Israël n’ont jamais cessé et que leur portée ne fait qu’augmenter.
Mais, en termes politiques, la bataille de l’image, avec l’exploitation de l’émotion suscitée par les victimes innocentes, sera très vraisemblablement gagnée par le Hamas, et pas seulement auprès des opinions et des gouvernements arabes. Les conséquences humanitaires très graves de l’opération israélienne ne peuvent qu’accentuer cette victoire médiatique.
Je voudrais saluer, dans cette situation bloquée, l’action volontaire et courageuse du Président de la République, qui a entrepris de rechercher un cessez-le-feu immédiat en prenant contact avec toutes les parties intéressées.
La France apporte un soutien sans faille à la diplomatie égyptienne, déjà impliquée dans le dialogue inter-palestinien, pour l’élaboration d’un plan en deux étapes.
Les contours de la sortie de crise sont désormais connus : cessez-le-feu, contrôle de la frontière et ouverture des points de passage.
L’Égypte joue en effet un rôle central et modérateur dans l’ensemble des conflits du Moyen-Orient, et nous avons un intérêt puissant au succès de sa médiation.
Nous devons veiller attentivement à ce que ni la Syrie ni l’Iran n’encouragent en sous-main l’intransigeance du Hamas et de ses alliés et n’empêchent la réalisation du cessez-le-feu immédiat réclamé au travers de la résolution 1860 du Conseil de sécurité des Nations unies.
Cette résolution qui réaffirme les principes d’une paix globale et de deux États vivant côte à côte dans des frontières sûres et reconnues tout en rappelant l’importance de l’initiative de paix arabe devra servir de point d’appui à une relance du processus de paix.
Chaque jour qui passe rendra la sortie de crise plus difficile, pour autant que le processus de paix n’ait pas subi des dommages irréparables. Israël ne peut rester sourd aux injonctions de la communauté internationale, au sein de laquelle la réprobation grandit.
L’une des questions que nous allons devoir nous poser – question du reste valable depuis 2006 – sera de savoir dans quelle mesure, et selon quelles modalités, le dialogue avec l’ensemble des protagonistes s’engagera.
Vous avez souligné à plusieurs reprises, monsieur le ministre, que la diplomatie consistait à discuter avec ses ennemis.