Israël, comme d’autres, devra sans doute se résoudre à discuter avec le Hamas, directement ou indirectement.
Ainsi que l’a répété le Président de la République, les liens d’amitié réels que nous entretenons avec Israël n’excluent pas, bien au contraire, la franchise, et il est de notre devoir de mettre un terme à une aventure désastreuse.
Priver durablement toute une population de nourriture, d’emplois, de soins et du droit à se déplacer librement ne peut déboucher que sur le désespoir et la haine.
Au-delà de l’urgence du cessez-le-feu, nous nous interrogeons sur la stratégie à adopter après la sortie de crise.
Nous nous interrogeons tout d’abord sur le cadre de négociations défini lors de la conférence d’Annapolis, processus essentiellement bilatéral, mené avec le parrainage des États-Unis sur un mode entraînant, en définitive, peu de contraintes. Nous donnons-nous véritablement une chance d’aboutir avec un tel schéma, qui ne prévoit pas d’arbitrage véritable et qui a largement montré ses limites ?
Il est très vraisemblable que l’offensive israélienne ne se prolongera pas au-delà du 20 janvier, date de l’investiture du président Obama. Quel rôle la nouvelle administration américaine entendra-t-elle jouer au Proche-Orient ? Cherchera-t-elle à miser sur l’apaisement et le dialogue, ou continuera-t-elle à soutenir Israël de manière inconditionnelle, au risque de renforcer ce pays dans son intransigeance ?
La France doit continuer à inciter l’Union européenne à agir avec force pour la recherche d’une solution juste et équilibrée du conflit israélo-palestinien. Même si une nouvelle conférence des donateurs réunie sur l’initiative de notre pays recueille – cela nous semble indispensable – des fonds importants pour réparer les dommages de guerre, le rôle de l’Union européenne se résumera-t-il à celui de bailleur de fonds, au détriment de son action politique ? La recherche à tout prix d’un consensus conduisant à adopter le plus petit dénominateur commun entre nations européennes n’affaiblirait-elle pas la force de notre message ?
Dans la perspective de la sortie de crise, nous nous interrogeons aussi sur les partenaires en présence. Que restera-t-il des institutions palestiniennes après l’opération israélienne ? Un président dont le mandat est arrivé à échéance le 9 janvier dernier, un Conseil législatif dans l’incapacité de siéger, un mouvement Hamas sorti vraisemblablement renforcé, sur le plan moral, de cette crise ? Quel partenaire palestinien sera notre interlocuteur dans les prochains jours ? Pourrons-nous vraiment le choisir ?
Symétriquement, quelle sera l’autorité de notre partenaire israélien si les élections israéliennes de février amènent au pouvoir une coalition de forces politiques dont le programme serait le refus du processus de paix et la poursuite de la colonisation ?
Toutes ces interrogations sont étroitement imbriquées.
La question se pose de l’implication de notre pays dans le contrôle de la frontière avec l’Égypte et les garanties de sécurité pour l’État d’Israël si l’ouverture des points de passage est acquise. Il me semble que, sur ce sujet, nous devons avoir une approche extrêmement prudente.
Notre assemblée aura prochainement à débattre de la question des opérations extérieures, les OPEX. Notre engagement éventuel doit reposer sur les capacités de nos armées à répondre aux sollicitations qui leur sont adressées et être conditionné par l’ouverture d’un processus politique réel.
S’il faut mettre un terme à une colonisation qui exproprie brutalement des familles entières vivant depuis des décennies sur leurs terres, il faut parallèlement assurer à Israël et à sa population la sécurité.
Il faut, comme le disait Tony Blair devant les présidents des commissions des affaires étrangères de l’Union européenne en juillet dernier, que chacun des habitants de la Palestine essaye de comprendre la douleur de l’autre et que les chances d’un dialogue puissent enfin se manifester. C’est l’honneur de notre pays de contribuer à renouer les fils de ce dialogue et à lutter pour l’établissement d’une paix sincère et durable dans cette partie du monde.
Le temps est venu, pour la communauté internationale, de rechercher une solution à un conflit qui a causé trop de souffrances, de deuils, de destructions, dans ce qui était jadis la Terre sainte et qui n’est plus aujourd’hui qu’une terre de douleur.
Le mur qui sépare les habitants de la Palestine est moins haut que celui qui a été élevé depuis soixante ans par l’incompréhension, l’aveuglement et le fanatisme. Il faut cesser d’utiliser les habitants de Gaza comme des pions dans une stratégie qui vise à asseoir l’influence de certaines des puissances de la région.
Cette crise pourrait avoir le mérite de faire prendre conscience de la nécessité absolue d’une relance d’un processus de paix pour aboutir à une solution garantissant la sécurité d’Israël aux côtés d’un État palestinien comprenant Gaza et la Cisjordanie.
Il ne s’agit pas d’un conflit périphérique ou régional, ou simplement d’un conflit asymétrique. Il s’agit d’un conflit grave qui, depuis soixante ans, affecte durablement la paix et l’équilibre du monde. C’est pourquoi il faut essayer résolument de trouver une solution.