Intervention de Yves Pozzo di Borgo

Réunion du 14 janvier 2009 à 21h30
Situation au proche-orient — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Yves Pozzo di BorgoYves Pozzo di Borgo :

Monsieur le ministre, nous avons donc, sur une même terre, deux protagonistes.

Israël, tout au long des soixante dernières années, a successivement cherché à atteindre divers objectifs : la recherche de son indépendance et d’un possible élargissement de son territoire en 1948-1949 ; l’affaiblissement militaire de l’Égypte avec le concours de la France et du Royaume-Uni en 1956 ; la conquête en 1967 du Sinaï, finalement rendu à l’Égypte dix ans plus tard ; une improbable guerre d’usure en 1970, qui a eu pour conséquence la guerre du Kippour et pour corollaire la conclusion d’une paix boiteuse avec l’Égypte ; un enlisement au Liban en 2006.

En face, le monde arabe refuse, dès 1947, le principe même de l’existence d’Israël, pour finir par le concéder du bout des lèvres en 1979. Ce n’est que dans les années quatre-vingt-dix que des États arabes du Golfe ont peu à peu élaboré une nouvelle approche. Actuellement, le peuple palestinien est divisé.

Monsieur le ministre, Israël et la Palestine ont-ils une vision stratégique à long terme ? Sont-ils capables de trouver une solution à leur conflit ? Si nous répondons par la négative, nous devons nous demander si une solution ne doit pas être imposée par la communauté internationale, se substituant aux deux protagonistes, qui manquent de la volonté d’aboutir.

Interrogeons-nous alors sur l’action internationale. A-t-elle été bonne et efficace ? La naissance même de l’État d’Israël procède d’une très forte volonté de la communauté internationale. En effet, le plan de partage de la Palestine du 29 novembre 1947 a été adopté par les États-Unis, l’Union soviétique et une majorité de pays européens.

Il convient tout de même de s’interroger également sur l’opportunité de la création des camps palestiniens, constitués avec le concours, y compris financier, des organisations internationales. Ce fut une ghettoïsation rampante, qui a donné naissance à des générations d’assistés et de rebelles sans espoir. Ne sommes-nous pas responsables de cette situation ?

Interrogeons-nous aussi sur le rôle actuellement inexistant du Quartet, composé de l’ONU, de l’Union européenne, de la Russie et des États-Unis. De feuille de route en conférence d’Annapolis, la communauté internationale semble parfois avoir raté de nombreux rendez-vous. Malgré les différents sommets de Camp David, les États-Unis n’ont-ils pas trop souvent joué aux apprentis sorciers ? Monsieur le ministre, vous avez évoqué M. Obama : trouvera-t-il une solution ? Nous le souhaitons.

Par ailleurs, l’Europe a-t-elle été assez présente, de façon générale, au fil du temps ? A-t-elle su mener une action plus préventive ? En quoi a consisté le rôle de son missionnaire, Tony Blair ?

L’observateur extérieur a quelquefois l’impression que la communauté internationale, malgré sa bonne volonté, montre une grande impuissance et laisse la bande de Gaza et la Cisjordanie se transformer en une nouvelle Somalie.

Nous nous félicitons, monsieur le ministre, de votre action dans une région du monde que vous connaissez bien, ainsi que de celle du Président de la République, qui a mis son énergie, son intelligence et sa volonté au service de cette cause. Cependant, son action n’est-elle pas hypothéquée par l’exclusion du Hamas de la négociation internationale ? C’est là ma dernière question.

Le Hamas – mot qui signifie « zèle » en arabe – est une terrible formule politique. Déjà présente à Jérusalem en 1946, très influente depuis des décennies en Égypte, cette organisation d’essence religieuse, vouée à la prédication, a peu à peu pris une place politique importante.

Elle a ainsi gagné les élections législatives en février 2006 à Gaza et en Cisjordanie, Ismaïl Haniyeh étant le Premier ministre régulièrement désigné par le verdict des urnes. La communauté internationale n’a pas reconnu ces résultats. Pourtant, le général de Gaulle n’avait-il pas traité avec les terroristes algériens en 1960 ? Cela avait abouti aux accords d’Évian et à la fin de la guerre d’Algérie.

Nous constatons aujourd’hui que, même si le Hamas s’est affaibli dans la bande de Gaza, il a conforté sa position en Cisjordanie et, surtout, son image dans l’ensemble du monde arabe. Ne faut-il pas – je me borne, monsieur le ministre, à poser la question, je n’affirme rien – changer notre regard sur lui ?

Après avoir soulevé ces quelques interrogations, monsieur le ministre, je tiens à rappeler la difficile situation des chrétiens au Proche-Orient, notamment à Gaza, où des foules fanatiques ont brûlé des croix chrétiennes. La présence des chrétiens est pourtant précieuse dans cet Orient compliqué que j’évoquais en préambule. Rien ne sera possible, rien ne pourra être tenté et, surtout, rien ne réussira si tous les protagonistes ne conservent pas à l’esprit et dans le cœur cette parole des Écritures : « Réconcilie-toi avec ton frère ».

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