Intervention de Michel Billout

Réunion du 14 janvier 2009 à 21h30
Situation au proche-orient — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Michel BilloutMichel Billout :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis satisfait que se tienne enfin ce soir le débat que nous avions demandé sur la situation au Proche-Orient et le drame humain et politique qui se déroule dans la bande de Gaza.

En effet, l’offensive israélienne très explicitement dénommée « Plomb durci » qui sévit depuis le 27 décembre dernier oblige les gouvernements et les organisations internationales à prendre leurs responsabilités pour condamner une agression insupportable.

Depuis maintenant plus de quinze jours, l’armée israélienne déchaîne toute sa puissance sur la bande de Gaza, menant son offensive la plus meurtrière depuis celle de 1967. Pour mettre fin aux tirs de roquettes sur les localités du sud d’Israël par le Hamas, l’État d’Israël a lancé contre les populations civiles de Gaza toute son armée, jusqu’aux réservistes, ainsi qu’une force de frappe n’excluant pas, selon les ONG, le recours aux bombes au phosphore et à de nouvelles armes, ce qui est intolérable.

En un peu plus de deux semaines, près de mille personnes ont trouvé la mort, dont 60 % de civils, parmi lesquels un très grand nombre de femmes et d’enfants.

Des dispensaires, des ambulances, des écoles et un convoi humanitaire de l’ONU ont été bombardés par l’armée israélienne. Ces bombardements rendent particulièrement difficile l’acheminement d’une aide dont 1, 5 million de Palestiniens ont le plus urgent besoin, 750 000 réfugiés subsistant même exclusivement grâce à elle.

La situation humanitaire dans la bande de Gaza est donc intolérable. Cette population est privée de tout : d’eau potable, d’électricité, de soins, de médicaments, de vivres. La situation sanitaire est devenue insoutenable, alors que les ONG la jugeaient déjà catastrophique avant même l’offensive israélienne, du fait du blocus.

Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen et ceux du Parti de gauche ne peuvent admettre que l’armée israélienne, tout en affirmant ne vouloir traquer que les membres du Hamas, s’en prenne avec une telle violence aux populations civiles palestiniennes. Nous condamnons sans appel cette agression intolérable qui se déroule, je le souligne, avant des élections importantes en Israël. Il est profondément scandaleux qu’un millier de morts tienne lieu d’argument électoral !

Comme le confirme le succès des manifestations organisées ce week-end partout dans le monde, cette condamnation est largement partagée. Elle devrait être l’objet d’un consensus au sein de la classe politique française.

La question n’est certainement pas de savoir qui a rompu la fragile trêve instaurée voilà plusieurs mois. Elle ne conduit qu’à renvoyer inutilement dos à dos les protagonistes de ce drame.

Comme le proclament vingt-quatre associations de femmes israéliennes opposées à l’agression conduite par l’État d’Israël, une seule motivation doit déterminer l’intervention de la communauté internationale : faire en sorte que « la guerre ne soit plus une possibilité, la violence une stratégie, ni l’assassinat une alternative ».

Il y a quelques jours, monsieur le ministre, je vous entendais refuser, à la télévision, de vous exprimer sur la légitimité d’une intervention d’Israël dans la bande de Gaza. Je vous l’avoue, cette déclaration m’a choqué. Aucun pays ne peut se prévaloir d’une quelconque légitimité pour massacrer des populations civiles.

Quels qu’en soient les motifs, cette violence constitue tout simplement, au regard du droit international et en particulier des statuts de la Cour pénale internationale, un crime de guerre, que la communauté internationale doit faire cesser. Comme cela nous a été confirmé par d’éminents juristes, la France a la possibilité d’y contribuer, notamment en attaquant judiciairement devant ses tribunaux nationaux tous belligérants ou responsables politiques ayant la double nationalité.

Cependant, comment s’étonner d’une aussi violente escalade ? Depuis maintenant de très nombreuses années, nous demandons inlassablement que la communauté internationale prenne ses responsabilités et mette tout en œuvre pour favoriser une solution politique du conflit et pour trouver les chemins d’une paix juste et durable entre ces deux peuples.

Au contraire, son silence proprement assourdissant et son laisser-faire devant les violations récurrentes du droit par Israël ont nourri le désespoir du peuple palestinien depuis plusieurs générations.

En effet, si nous condamnons sans ambiguïté les tirs de roquettes du Hamas, nous devons malgré tout admettre que le silence complaisant de la communauté internationale, sinon le soutien de certains pays, comme les États Unis, à l’intervention israélienne, n’ont fait que renforcer la légitimité de cette organisation aux yeux des Palestiniens et bloquer le processus de paix.

À la veille de la tenue d’élections importantes dans les territoires palestiniens, ce conflit renforcera encore le Hamas, n’en doutons pas. C’est une illustration criante de l’impasse politique dans laquelle se trouve ce conflit.

Depuis plus de soixante ans, le droit est nié dans cette partie du monde. Aucune résolution de l’ONU, aucune initiative internationale n’a permis, de quelque manière que ce soit, de faire respecter le droit des Palestiniens, qui subissent notamment l’occupation.

On ne compte plus les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU qui sont restées inappliquées depuis maintenant quarante-deux ans, y compris la plus récente d’entre elles, la résolution 1860, qui appelle à « un cessez-le-feu durable […] menant au retrait complet des forces israéliennes de Gaza » et « condamne toutes les violences et hostilités dirigées contre des civils ».

En effet, le Premier ministre israélien a déjà affirmé que l’armée allait poursuivre ses attaques jusqu’à ce que les objectifs visés aient été atteints, et parle d’agir d’« une main de fer » !

Israël continue donc de mettre en œuvre sa politique inadmissible d’occupation et d’exactions contre les civils. Aujourd’hui, plus de 10 000 prisonniers politiques sont détenus dans les geôles israéliennes. Les territoires prétendument accordés aux Palestiniens se sont réduits comme peau de chagrin. Le « mur de la honte » s’est construit autour de Jérusalem et la bande de Gaza est soumise à un blocus inacceptable, qui en fait un territoire totalement bouclé. Tout cela dans la plus complète impunité.

Cela fait des années que cette situation perdure, s’envenime. Tout processus politique de résolution du conflit a échoué, faute d’une volonté forte de la communauté internationale, particulièrement des États-Unis, de peser en faveur du dialogue et de la reconnaissance du droit effectif des deux peuples à vivre en paix.

Il faut ici rappeler que la création du Hamas en 1987 avait bénéficié de la bienveillance de l’État d’Israël, satisfait de voir se développer un rival pour l’OLP de Yasser Arafat. Selon le journal Le Monde, Ariel Sharon, responsable militaire de Gaza à l’époque, avait même fait financer les mosquées des Frères musulmans, à l’origine de la création de cette organisation.

Aujourd’hui encore, aucun moyen n’a été donné à Mahmoud Abbas pour engager de véritables négociations, et l’attitude d’Israël lors du retrait des colonies de la bande de Gaza a été plus que contestable.

L’Autorité palestinienne n’a cessé d’être affaiblie par Israël et la communauté internationale, alors qu’elle constituait pourtant le meilleur gage de la construction d’une paix juste et durable.

L’absence de solution politique et l’échec des accords entre l’Autorité palestinienne et le gouvernement d’Israël depuis maintenant quinze ans atteignent directement la crédibilité de cette autorité auprès des peuples et font le jeu des extrémismes, mettant gravement en cause l’attachement à la vie démocratique et à la laïcité qui fonde encore l’originalité et la richesse du peuple palestinien dans cette partie du monde.

Pourtant, malgré les souffrances, malgré la misère et les humiliations, les Palestiniens, dans leur majorité, comme une grande partie du peuple israélien, veulent aujourd’hui vivre dans la paix et la sécurité.

Au-delà des déclarations de bonnes intentions, y compris de la part de la France, quelles initiatives ont été prises au cours des années pour sortir de l’impasse ?

Tout d’abord, et cela est consternant, la communauté internationale a constamment refusé de prendre de véritables sanctions contre Israël, comme cela a pu être fait pour d’autres pays qui ne respectaient pas le droit international. On peut rappeler, à cet égard, l’embargo contre l’Irak, qui a duré de nombreuses années.

Au rebours du bon sens, la communauté internationale a toujours poursuivi ses relations politiques et commerciales avec Israël. Ainsi, l’Union européenne, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, a même promu au rang de priorité le rehaussement de ses relations avec ce pays, allant jusqu’à le faire entériner par le conseil des ministres des affaires étrangères le 8 décembre dernier, contre l’avis même du Parlement européen.

Monsieur le ministre, nous vous avons écrit à ce sujet un courrier de protestation le 15 décembre dernier, resté sans réponse à ce jour.

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