Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement a souhaité, en accord avec la Haute Assemblée, que nous puissions débattre ce soir du conflit au Proche-Orient, qui connaît une brusque aggravation depuis la fin du mois de décembre.
Au nom du groupe UMP, je vous remercie de ce débat, monsieur le ministre. C’est l’occasion pour nous de mieux nous informer et de vous faire part de nos positions respectives.
Tout d’abord, je tiens à saluer l’important travail effectué par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, présidée par Josselin de Rohan, qui met tout en œuvre pour que notre information sur ce conflit soit la plus complète, ainsi que celui de notre éminent collègue Jean François-Poncet, qui, avec Monique Cerisier-ben Guiga, conduit une mission de contact et d’analyse dans cette région.
Nous avons tous en tête le terrible engrenage des faits depuis le 27 décembre dernier, qu’ont rappelé un certain nombre de nos collègues.
Le bilan, déjà très lourd avec près de 1 000 morts palestiniens, plus de 4 000 blessés et plus de 700 roquettes tirées sur Israël, risque encore de s’aggraver cette nuit même. L’insécurité et la panique règnent parmi les populations civiles. De part et d’autre, elles sont confrontées quotidiennement à l’horreur : horreur des actes de terrorisme, des attentats perpétrés dans le passé par des commandos suicides aux terrasses des cafés ou dans les bus de ramassage scolaire ; horreur devant la réalité d’un mur érigé par Israël pour se protéger de ce terrorisme, certes, mais qui en fait exacerbe les rancœurs et rend la vie quotidienne toujours plus difficile.
La situation au Proche-Orient hante l’action internationale de toutes les grandes nations, dont la France. Les pourparlers, les négociations et les accords internationaux qui se sont succédé n’ont en fait jamais véritablement abouti à un accord de paix viable.
Combien de résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU, combien de feuilles de route ont-elles été élaborées ? Des accords de Rhodes en 1949 aux accords de Wye Plantation en 1998, en passant par ceux de Camp David en 1978 ou d’Oslo en 1993, combien de rencontres au sommet ont fait naître l’espoir, pour finalement échouer à instaurer une paix véritablement durable ?
L’histoire de ces deux peuples est rythmée de trêves et de cessez-le-feu dramatiquement interrompus. La permanence de ce conflit se traduit par de récurrents appels à la revanche. Dès lors, combien de générations faudra-t-il encore sacrifier ?
Mes chers collègues, malgré une tentation naturelle de se laisser aller au découragement, nous ne pouvons nous résigner à cette escalade de la violence et au sempiternel recours aux armes. Nous savons, en effet, que ce conflit israélo-palestinien explique pour une très grande part les multiples confrontations survenues sur cet arc de la violence et du terrorisme qui va de la Mauritanie à l’Indonésie, en passant bien sûr par l’Afghanistan et le Pakistan.
Nous avons donc le devoir d’agir pour qu’un véritable accord de paix voie le jour et, surtout, pour qu’il soit accepté par tous les acteurs. C’est là la seule condition préalable à l’instauration d’une paix durable dans cette région du monde, ainsi qu’à un recul du terrorisme à l’échelle mondiale.
Aussi, monsieur le ministre, est-ce avec un immense espoir que les sénateurs du groupe UMP ont salué l’initiative du Président de la République et le contenu du message qu’il a délivré la semaine dernière lors de son voyage au Proche-Orient.
Grâce à la qualité des contacts qu’il avait précédemment noués lors de ses visites au Liban ou en Israël, à la suite de son discours fondateur à la Knesset ou dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée, le Président de la République a pu successivement rencontrer les présidents égyptien, syrien et libanais, le président de l’Autorité palestinienne et le Premier ministre israélien, Ehud Olmert.
Grâce à une véritable coopération avec le président Moubarak, son action a permis l’élaboration d’un plan de paix visant avant tout à renouer le dialogue entre les parties et à mettre en place les conditions d’un cessez-le-feu que nous souhaitons immédiat.
Il nous paraît très important que les pays voisins, parfois ennemis d’hier, soient eux aussi associés à ce plan. Le retour de l’Égypte en tant que force organisatrice du dialogue et l’implication de la Syrie sont donc des postulats de tout processus de paix.
Pourtant, il n’y a pas six mois, certains criaient au scandale lorsque la France recevait le président syrien Bachar el-Assad. Aujourd’hui, qui peut nier que la bonne tenue de nos relations diplomatiques avec la Syrie représente un atout ? Ce pays reste en effet l’un des rares à entretenir des relations régulières et étroites avec le Hamas.
Ainsi, les interlocuteurs de la France pourront conduire à la table des négociations les différentes parties au conflit et contribuer à ce qu’elles acceptent les conditions d’un plan de paix durable.
En outre, cette initiative du Président de la République a permis de placer la France, l’Europe et, pour la première fois, l’Union pour la Méditerranée au cœur du règlement du conflit.
En effet, malgré l’aide financière importante que l’Europe apporte à la Palestine, malgré votre engagement personnel et vos missions incessantes pour rapprocher les parties, monsieur le ministre, notre rôle dans le processus de paix n’a pas souvent été à la hauteur des efforts consentis.
Certains peuvent s’agiter et critiquer l’action du Président de la République. Il n’en reste pas moins que sa mission était particulièrement risquée, voire audacieuse, et qu’elle doit être saluée. Elle l’a d’ailleurs été tant en France que bien au-delà de nos frontières.
Sa détermination est à la hauteur de l’urgence de la situation, et nous nous félicitons de sa volonté de parvenir, enfin, à un accord de paix équilibré. Il avait du reste lui-même condamné avec autant de force les tirs de roquettes du Hamas que l’offensive de Tsahal contre Gaza.
En appelant Israël et les factions palestiniennes à l’arrêt des hostilités, en les invitant à discuter sans délai des garanties d’une véritable sécurité, en demandant enfin à l’Égypte de reprendre ses efforts en vue d’une réconciliation interpalestinienne, cet accord pose les bases concrètes d’une véritable négociation qui, nous l’espérons tous, va aboutir dans les heures ou les jours prochains.
Le temps des polémiques entre pro-palestiniens et pro-israéliens est révolu ; elles ne sauvent aucune vie, elles n’ont, en vérité, cessé d’entretenir la haine entre ces deux peuples.
Dorénavant, il est primordial d’obtenir le plus rapidement possible un cessez-le feu immédiat et durable.
Cela est vital pour la population civile de la bande de Gaza, tout d’abord, qui vit dans des conditions effroyables. Depuis dix-huit jours maintenant, et en réponse aux tirs de roquettes du Hamas, les bombardements sur la ville de Gaza ont redoublé d’intensité. Près d’un demi-million de personnes sont privées d’eau et d’électricité, le système d’égouts de la ville menace de s’effondrer, les blessés ne peuvent plus être évacués, encore moins soignés, et les hôpitaux manquent cruellement de matériel et de médicaments.
Par ailleurs, les accusations selon lesquelles Israël aurait utilisé des munitions DIME ou des bombes au phosphore, dont l’emploi est interdit en milieu urbain et contre les populations civiles par le protocole III de la convention de 1980 sur les armes conventionnelles, ne laissent pas d’inquiéter. On le sait, l’utilisation de ce type d’armes peut avoir des effets dévastateurs sur les populations.
Le plan de paix rendra possible la mise en place de corridors humanitaires et de points de passage qui permettront aux ONG israéliennes, palestiniennes ou internationales et aux équipes médicales de secourir les populations. Ces équipes recevront une première aide de 3 millions d’euros – vous venez de le confirmer, monsieur le ministre – et pourront s’appuyer sur le déploiement d’un hôpital mobile.
Ce cessez-le-feu est également essentiel pour Israël, les populations du sud du pays étant quotidiennement exposées aux tirs de roquettes, qui rendent leur vie tout aussi impossible que celle des Palestiniens. Il est, en effet, primordial d’assurer définitivement la sécurité d’Israël, sécurité dont le principe est garanti depuis soixante ans par les instances internationales.
Ce plan a pour objet de mettre un terme à la contrebande d’armes au profit du Hamas à travers la frontière avec l’Égypte. Laisser circuler les armes est totalement inacceptable.
Sur quelle base doit s’établir le dialogue qui conduit à la paix ?
Tout d’abord, nous le savons, aucun plan de paix ne pourra voir le jour sans une réconciliation entre les différentes factions palestiniennes, le Fatah et le Hamas notamment. L’Égypte garde un rôle prépondérant dans ce dialogue.
En outre, la réalité imposée par les belligérants n’implique-t-elle pas de nouer un jour un dialogue plus direct avec le Hamas, qui, je le rappelle, a remporté une élection régulière, souhaitée et validée par les Européens ?
Le champ de ce dialogue devra absolument inclure la reconnaissance définitive d’Israël dans ses frontières sécurisées et l’arrêt de tout recours à la violence.
C’est à ces conditions que l’on pourra éviter que Gaza ne sombre dans l’anarchie totale, selon un processus à la somalienne, ce qui serait encore bien plus dangereux pour la sécurité d’Israël et pour la paix dans le monde.
Monsieur le ministre, bien évidemment, nous nous réjouissons de l’adoption par le Conseil de sécurité de l’ONU, le 8 janvier dernier, de la résolution 1860. Nous savons quel a été votre rôle personnel, en tant que président du Conseil de sécurité, dans le vote de cette résolution.
Bien sûr, elle n’est pas encore suivie d’effets aujourd’hui. Le lendemain de sa signature, le Hamas faisait savoir qu’il rejetait le plan franco-égyptien, prétendant que ce dernier représentait une menace pour la cause palestinienne. Dans la nuit de lundi à mardi, des chars blindés israéliens ont pénétré dans la ville de Gaza, et les quartiers se sont embrasés ces deux derniers jours.
Par ailleurs, depuis ce week-end, nous assistons à une surenchère de provocations entre responsables israéliens et palestiniens, qui risque de réduire à néant les efforts consentis la semaine dernière et le processus engagé.
Certes, Israël poursuit ses opérations militaires ; certes, le Hamas ne trouve pas dans la résolution la réponse à ses attentes ; mais le monde entier comprend bien que cette résolution trace le cadre dans lequel, tôt ou tard, s’inscriront les discussions de paix qui finiront bien par avoir lieu.
Dès lors, monsieur le ministre, comment la France compte-t-elle poursuivre ses efforts diplomatiques ? Vous avez d’ores et déjà évoqué des pistes. Les membres du groupe UMP fondent de grands espoirs en la poursuite de vos démarches.
Vous revenez des Nations unies. Alors que le secrétaire général Ban Ki-moon entreprend une tournée au Proche-Orient, dans quelle mesure pensez vous qu’il pourra faire avancer le plan de paix franco-égyptien et contribuer à l’application de la résolution 1860, qui n’est qu’un préalable ?
Enfin, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à attirer votre attention sur l’internationalisation de ce conflit et sur ses répercussions dans notre propre pays.
Les événements qui se sont déroulés ces derniers jours sur notre territoire sont aussi inquiétants qu’inacceptables. Les actes de violence commis contre des lieux de culte juifs à Toulouse dans la nuit du 5 au 6 janvier sont proprement intolérables, de même que les débordements survenus au cours des manifestations de soutien aux habitants de la bande de Gaza.
On ne saurait condamner des manifestations d’appel à la paix, car la France est une démocratie et permet cette liberté d’expression, ce qui est une chance.
Toutefois, il est de la responsabilité de tous, et notamment des hommes et des femmes politiques, que ces manifestations se déroulent sans incident et qu’elles ne se transforment pas en incitation à la haine.
Cette responsabilité incombe aussi aux journalistes. Nous souhaitons qu’ils veillent à ne pas relayer dans les foyers des images dont la véracité n’est pas toujours établie. Les vidéos de propagande que l’on trouve sur internet contribuent déjà largement à la confusion et à la désinformation, sans qu’il soit besoin de surenchérir.
Pour conclure, permettez-moi de lancer un appel à la vigilance et à la retenue, à l’intention non seulement de nos populations, mais également de certains élus.
Le Sénat, protecteur des collectivités locales, se doit aussi de les avertir lorsqu’un risque ou un danger se profile.
Or, je le dis clairement, à la lumière de mon expérience de maire d’une ville de la région parisienne où cohabitent sans difficulté une communauté musulmane et une communauté juive tout aussi importantes et pacifiques l’une que l’autre, notre présence à la tête de ces cortèges risque d’être mal interprétée par des individus ou des groupuscules à l’affût de provocations.
J’invite donc nos collègues élus à éviter de caracoler en tête de ces manifestations, comme nous avons pu le voir, malheureusement, dans la région d’Île-de-France. La récupération du conflit par certains individus ou responsables d’associations risque d’engendrer violence et renforcement des communautarismes, ce dont notre pays n’a pas besoin. La France est une démocratie laïque.
Notre rôle d’élus n’est pas d’attiser des haines qui n’ont nul besoin d’être encouragées. Souvenons-nous-en : l’écharpe tricolore que nous avons l’honneur de porter ne doit être que le symbole d’une France au service de la paix et de la réconciliation.
Monsieur le ministre, en ce moment même, le conflit fait rage et une paix durable peut paraître encore bien lointaine. Pourtant, de toutes nos forces, nous voulons vous dire, ainsi qu’au Président de la République, de continuer et d’intensifier ce travail pour la paix. Vous avez le soutien total et entier des sénateurs du groupe UMP. Un jour, que nous souhaitons très proche, la folie des hommes cessera, et cela vous rendra raison.