Dans ces conditions, je veux bien saluer le soldat Shalit et rencontrer sa famille, mais je tiens aussi à saluer les 12 000 prisonniers palestiniens et les quarante-huit parlementaires qui croupissent dans une prison du Néguev.
Monsieur le ministre, refuser le résultat des élections, était-ce vraiment la bonne stratégie ? Je me souviens d’une audition par la commission des affaires étrangères du Sénat du ministre de l’époque, M. Douste-Blazy, au cours de laquelle nous nous étions déjà posé la question.
Aujourd’hui, avec le recul, je le dis clairement : nous avions l’obligation de respecter le résultat de ces élections, puisque nous n’avions pas refusé au Hamas le droit de présenter des candidats. Le même raisonnement vaut d’ailleurs pour le Hezbollah, qui compte non seulement des élus au Parlement libanais, mais aussi des ministres au gouvernement. Du reste, il faudra bien décider un jour si, oui ou non, un groupe armé de résistance peut participer au jeu démocratique.
Monsieur le ministre, aujourd’hui, si nous faisons un bilan, nous sommes donc en droit de nous interroger : fallait-il accepter comme interlocuteur le Hamas, ce mouvement inconnu et redouté ? Jean-Pierre Chevènement l’a souligné, le Hamas avait adressé un certain nombre de signaux pendant la campagne électorale, même si beaucoup de choses restaient dans le non-dit.
Ainsi, il ne reconnaît pas Israël, c’est vrai, mais vous connaissez la formule qu’il utilise : « Israël est là ». Il n’en dira pas davantage. Cela nous suffit-il ? Non, bien qu’il demande à intégrer l’OLP, laquelle, vous le savez très bien, a reconnu l’existence d’Israël. Le Hamas a probablement envie d’avancer masqué sur ce sujet, voilà tout.
Il y avait donc une occasion à saisir, cela était à mon avis indispensable. La communauté internationale ne l’a pas fait : c’est une erreur, même une faute, c’est une défaillance politique incontestable, dont nous payons maintenant le prix. Jean-Pierre Chevènement a posé la question tout à l’heure : étions-nous en mesure de faire évoluer le Hamas ? Aujourd’hui, nous assistons à une guerre annoncée entre le Hamas et Israël, doublée d’une guerre civile qui n’était pas non plus improbable. Le Hamas ne sera pas renversé : présent à Gaza, en progression en Cisjordanie, il restera un interlocuteur incontournable. La boucle est bouclée, nous voilà revenus à la case départ !
Monsieur le ministre, la solution du conflit ne peut être que politique, bien sûr, mais elle ne sera durable que si elle est juste. Croyez-vous qu’Israël veut la paix, monsieur le ministre ? Je me pose très souvent cette question ; vous aussi, j’en suis sûre. Quelle issue au conflit envisage-t-il ? Kissinger le disait volontiers : « Israël n’a pas de politique étrangère, il n’a qu’une politique intérieure. » Nous en avons la preuve tous les jours ! Dans l’immédiat, Israël souhaite certainement une trêve, mais s’agit-il d’une trêve à court terme, à moyen terme ou à long terme, comme le demande le Hamas ? Dans cette dernière hypothèse, le statu quo serait maintenu, pour combien de temps ?
En tout état de cause, le Hamas est un interlocuteur incontournable, y compris pour la France. Notre pays se déshonore en refusant d’engager le dialogue.
Monsieur le ministre, j’ai envie de vous poser une question à laquelle, peut-être, vous ne pourrez pas répondre : que veut M. Obama s’agissant de ce conflit ? Pour l’heure, son silence est éloquent : il se donne du temps, mais quand il voudra trouver une issue à la crise il devra nouer le dialogue. Ce n’est pas là le premier défi majeur qui s’impose à lui – un autre occupe ce rang –, mais l’enjeu est important.
Par ailleurs, puisque vous avez évoqué un « équilibre nouveau », j’aimerais connaître votre vision du Moyen-Orient. Ce conflit occupe-t-il une place centrale, est-il la « matrice des relations internationales », pour reprendre une expression utilisée tout à l’heure ? Quel sera l’ordre régional ? Quelle sera la place des pays arabes, quels rôles seront assignés à la Syrie et à la Turquie ?
Enfin, ma dernière question, peut-être la plus importante, portera sur le nucléaire. Deux États de la région disposent de la bombe. Le traité de non-prolifération de l’arme nucléaire a été signé par l’Iran, qui ne le respecte peut-être guère, mais qui est tout de même soumis au contrôle de l’Agence internationale de l’énergie atomique. En revanche, Israël, comme le Pakistan ou l’Inde, ne l’a pas signé. La politique du « deux poids, deux mesures » nous coûte cher. Faut-il laisser deux pays posséder la bombe ou promouvoir la dénucléarisation de la région ?
Sans doute obtiendrons-nous quelques réponses à partir du 20 janvier prochain, jour qui verra l’investiture de M. Obama. Il ne peut y avoir qu’un seul président des États-Unis à la fois, nous a-t-on répété ces derniers jours. Ce ne sera plus George Bush, et c’est tant mieux ! J’espère comme vous, monsieur le ministre, que les efforts consentis pour résoudre la crise pourront enfin aboutir.