Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie l’ensemble des orateurs, dont les interventions ont été souvent extrêmement justes, parfois très émouvantes, toujours sincères et intéressantes.
Monsieur le président de la commission des affaires étrangères, il est facile de dire qu’il faut discuter avec ses ennemis quand on est extérieur au conflit ; pour les belligérants, une telle pétition de principe, que je ne peux qu’approuver, reste bien souvent théorique.
Beaucoup d’intervenants ont appelé à prendre les choses comme elles sont et donc à parler avec le Hamas. Je leur répondrai que telle n’est pas actuellement la position de la France. En effet, dans les circonstances présentes, nouer un tel dialogue ne nous mettrait pas en situation de jouer le rôle positif que vous avez tous appelé de vos vœux, mesdames, messieurs les sénateurs.
Ce n’est d’ailleurs pas une exigence de l’Organisation de libération de la Palestine et de son président. Quand on l’interroge sur ce point, le président de l’Autorité palestinienne lui-même avoue ne pas dialoguer avec le Hamas, bien qu’il essaye de le faire ! Vous connaissez, mesdames, messieurs les sénateurs, les craintes qui furent les nôtres, en novembre dernier, lorsque le Hamas a refusé toute discussion avec l’Autorité palestinienne, malgré les efforts déployés en ce sens par l’Égypte pendant des mois. Quelques-uns avaient alors prédit l’aggravation de la crise.
Madame Cerisier-ben Guiga, notre rôle, pour le moment, est d’essayer d’imposer un cessez-le-feu. La France, présidant le Conseil de sécurité de l’ONU, a réussi, après quarante-huit heures d’efforts acharnés, à obtenir l’adoption à la quasi-unanimité de la résolution 1860, qui vise à exiger le cessez-le-feu. C’est toujours à cet objectif que nous nous attachons, non seulement en raison des sentiments d’horreur et d’indignation qu’inspire la situation à Gaza, mais également par respect pour les populations.
Il revient à Israël de savoir s’il doit ou non se résoudre à discuter avec ses ennemis. Engager un tel dialogue est un devoir et un fardeau dans tous les cas d’affrontement et de guerre – j’en ai connu beaucoup. Pour l’heure, ce n’est pas le rôle de la France.
Monsieur de Rohan, vous m’avez interrogé sur l’identité des partenaires palestiniens à l’issue de la crise. Je l’ai dit à plusieurs reprises, j’espère que l’Autorité palestinienne sera alors en mesure de renouer le dialogue politique. Je n’en suis pas certain, mais j’essaie de m’en persuader ! La plus grande réussite de la violence du Hamas serait d’affaiblir la représentativité de l’Autorité palestinienne dans le nécessaire dialogue : c’est ce que nous voulons absolument éviter.
Ainsi, lors de la réunion des États de la Ligue arabe qui s’est tenue à New York sous la direction du prince Saoud al-Fayçal, nous avons essayé de faire en sorte que l’ensemble des Arabes modérés et les Syriens puissent continuer à se parler.
Après la sortie de crise, je l’ai dit tout à l’heure, notre stratégie sera donc de chercher résolument à renouer le dialogue politique entre Israéliens et Palestiniens, conférence d’Annapolis ou pas. Avec l’Union européenne, nous avons fait le maximum, et pas seulement dans le cadre de la conférence de Paris, pour que ce dialogue se renforce et puisse aboutir à un résultat.
Dans le discours qu’il a prononcé à la Knesset puis à Ramallah, le Président Sarkozy a lui-même fortement et très clairement dénoncé la colonisation, sans se contenter de simples allusions. Notre politique est d’affirmer la nécessité de la coexistence de deux États. La conférence de Paris a été organisée au nom de la création d’un État palestinien, indispensable à la sécurité d’Israël. Nous n’avons donc jamais mis notre drapeau dans notre poche !
Quant au soutien inconditionnel de l’administration américaine à Israël, pourquoi me le reprocher ? Qu’y puis-je ? Je puis vous dire qu’obtenir l’abstention des États-Unis sur la résolution 1860, au lieu du veto prévu, n’a pas été simple ! J’aurais souhaité que l’on puisse reporter le vote au lendemain matin et poursuivre la négociation, mais ce n’était pas possible. Il s’agit en tout cas à mon sens d’une avancée, car un tel résultat était inespéré au départ.
Monsieur de Rohan, il m’est impossible de dire dès à présent quelles seront nos relations avec le gouvernement israélien issu des prochaines élections.
Quant à l’Autorité palestinienne, je rappelle que le mandat de son président arrivait à échéance le 9 janvier dernier. L’impossibilité de parler avec le Hamas, pour des raisons qui tiennent à cette organisation et non à l’OLP ou à l’Autorité palestinienne, met dans l’embarras les Palestiniens qui croient au dialogue et estiment que deux États viables et démocratiques doivent coexister. La Ligue arabe considère que la prolongation du mandat du président de l’Autorité palestinienne découle automatiquement de l’absence complète de dialogue entre les deux factions. C’est donc, théoriquement, ce qui devrait se produire. Malgré la colonisation, le dialogue est le seul espoir, et nous formons des vœux pour qu’il soit renoué.
Monsieur Pozzo di Borgo, vous avez à la fois posé des questions et apporté des réponses : je vous en félicite !