Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les prélèvements sur recettes représentent désormais 74 % des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales. C'est pourquoi la commission des lois a souhaité pouvoir intervenir pour avis dans le débat sur les recettes des collectivités territoriales organisé lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2006. Je remercie la conférence des présidents et la commission des finances d'avoir accédé à cette demande.
Les dispositions du projet de loi de finances pour 2006 relatives aux relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales s'inscrivent dans la continuité des réformes passées. Cette continuité mérite d'être relevée au regard des incidences, somme toute assez marginales, de l'entrée en vigueur de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. Elle doit être saluée quand elle permet une progression sensible des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales et un renforcement de la péréquation. Elle peut être regrettée quand elle se traduit, même pour des raisons justifiées, par une remise en cause de l'autonomie fiscale des collectivités territoriales.
Je n'évoquerai aujourd'hui que les motifs de satisfaction et de déception de la commission des lois, réservant son appréciation sur les incidences de la loi organique relative aux lois de finances pour le débat que nous aurons le jeudi 8 décembre.
J'aborderai tout d'abord les motifs de satisfaction. Le montant total des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales, hors fiscalité transférée, devrait atteindre 64, 5 milliards d'euros en 2006, soit une progression de 5 % par rapport 2005, à structure courante.
Cette progression sensible mérite d'être saluée au regard de l'objectif de stabilisation en volume des dépenses de l'Etat recherché par le projet de loi de finances pour 2006. Elle s'explique notamment par la reconduction pour un an du contrat de croissance et de solidarité.
La commission s'en félicite, tout en rappelant, comme chaque année depuis 2002, le souhait des collectivités territoriales de bénéficier d'une programmation pluriannuelle des concours financiers de l'Etat.
Par ailleurs, les réformes des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales prévues par le projet de loi de finances pour 2006 ont pour objet de renforcer la péréquation et de soutenir l'investissement.
La commission souscrit aux mesures destinées à renforcer la péréquation, qu'il s'agisse de la réforme de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, ou de l'affectation de la régularisation positive de la dotation globale de fonctionnement des communes et de leurs groupements, au titre de l'année 2004, au solde de la dotation d'aménagement et au financement d'une garantie pour les communes ayant perdu le bénéfice de la dotation « élu local ».
Elle approuve également, du moins dans leur principe, les dispositions du projet de loi de finances destinées à soutenir l'investissement local, qu'il s'agisse de la clarification des règles d'éligibilité, de l'affectation et du reversement du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, de la création d'une enveloppe spécifique de 20 millions d'euros au sein de la dotation de développement rural, afin de financer les projets de maintien ou de développement des services publics en milieu rural, ou de la simplification des concours de la dotation générale de décentralisation relatifs au financement des bibliothèques municipales ou départementales.
La commission des lois déplore toutefois que les pertes de recettes subies par les départements du fait de la suppression de la première part de leur dotation globale d'équipement ne soient que partiellement compensées par l'Etat.
Cette remarque me conduit à aborder les motifs de déception que comporte le projet de loi de finances : ils concernent la réforme de la fiscalité locale.
En premier lieu, les modalités de financement des compétences transférées aux collectivités territoriales par la loi du 18 décembre 2003 permettront de compenser les charges transférées et de préserver l'autonomie financière des collectivités territoriales, mais pas - mon collègue Philippe Marini le rappelait il y a quelques instants - leur autonomie fiscale. Là est le vrai problème ! Il s'agit, en quelque sorte, d'une perte de liberté.
Le projet de loi de finances prévoit, au titre des transferts devant intervenir en 2006, une compensation provisionnelle d'un montant de 536, 6 millions d'euros pour les régions, sous la forme d'une fraction de tarif de la TIPP, et de 108, 1 millions d'euros pour les départements, sous la forme d'une fraction de taux de la taxe sur les conventions d'assurance.
La fraction de taux de la taxe sur les conventions d'assurance attribuée aux départements et la fraction de tarif de la TIPP attribuée aux régions et à la collectivité territoriale de Corse sont actuellement appliquées sur une base nationale : il s'agit, respectivement, des contrats d'assurance des véhicules terrestres à moteur et des consommations de carburants.
Les régions devraient pouvoir décider à la fin de l'année 2006, pour une application au 1er janvier 2007, de moduler leur fraction de tarif de la TIPP.
Les difficultés techniques auxquelles se heurte la « départementalisation » de la taxe sur les conventions d'assurance ont en revanche conduit le Gouvernement à abandonner cette option. Le pouvoir fiscal des départements s'en trouvera amoindri.
En second lieu, si le plafonnement de la taxe professionnelle acquittée par les entreprises à 3, 5 % de leur valeur ajoutée, le « bouclier fiscal » - je vous rappelle qu'il s'agit du plafonnement à 60 % de ses revenus des impôts directs payés par un contribuable - et l'exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties acquittée par les exploitants agricoles répondent à des préoccupations légitimes, ces mesures auront toutefois pour effet de réduire l'autonomie fiscale des collectivités territoriales.