Approuver la disposition proposée - mais je n'ose l'imaginer -, ce serait se renier, mes chers collègues. Mais un éclair de lucidité nous permettra, je l'espère, d'éviter une telle attitude. Permettez-moi, à cette occasion, de saluer l'intervention très juste du président de la commission des finances, qui a su exprimer, au nom du Sénat, un certain nombre de positions que je partage, et qui sont sans doute partagées par la majorité de cette assemblée.
Mais j'en reviens à l'ensemble du budget. Il est clair que les mécanismes de répartition bénéficient à quelques centaines de contribuables parmi les plus riches, au détriment des collectivités les plus défavorisées. Ces choix concerneront une partie des communes et une grande partie des départements.
Je concentrerai mon propos sur les communes, puisque je sais, par expérience, que les départements trouvent à cette tribune d'éloquents défenseurs et de grands spécialistes.
Le premier problème, ainsi que l'a clairement souligné la commission des finances, c'est l'allègement de 20 % de la TFPNB, laquelle concerne essentiellement les terres agricoles. Ce dispositif, proposé à l'article 9, concerne 35 000 communes. Pour près de 2 200 d'entre elles, la TFPNB représente plus de 50 % des recettes fiscales. Et pour l'ensemble des 21 000 communes de moins de cinq cents habitants, cette taxe est un outil absolument nécessaire à leur survie financière.
La compensation prévue, assise sur le taux de 2005, tendra mécaniquement à diminuer année après année. C'est l'histoire même de la fiscalité et des lois de finances. ! Ainsi, la marge de manoeuvre des communes rurales serait réduite et ces communes seraient placées en grande difficulté ; j'emploie le conditionnel, car je pense que nous voterons très majoritairement la suppression de cette disposition adoptée par l'Assemblée nationale.
S'agissant de la DGF des communes et de leurs groupements, visée à l'article 25, le dispositif privera en 2007 de nombreuses communes rurales de la dotation « élu local », pourtant nécessaire à la fois au fonctionnement des communes et à leur autonomie financière.
La transformation de la notion de potentiel fiscal en celle de potentiel financier dans le mode de calcul de cette dotation revient à majorer artificiellement la richesse de nombreuses communes. Il aura fallu que le comité des finances locales intervienne - et nous l'en remercions - pour qu'une garantie soit mise en place pour deux ans. Mais que se passera-t-il si, au terme de ce délai, le Sénat ne donne pas un coup d'arrêt à cette évolution ?
S'agissant de la réforme de la taxe professionnelle, le Gouvernement, approuvé par la majorité à l'Assemblée nationale, et sous couvert d'un plafonnement à 3, 5 % de la valeur ajoutée, veut renforcer, de fait, l'inégalité entre les territoires en termes de ressources fiscales. Cela est d'autant plus vrai que ce projet de loi de finances ne prévoit aucun effort supplémentaire en faveur de la péréquation. Bien sûr, ce plafonnement facilitera la trésorerie des entreprises industrielles et commerciales et préservera leurs ressources, mais, dans le même temps, l'équilibre financier de nombreuses intercommunalités sera menacé.
La compensation prévue par le Gouvernement, assise sur les taux de 2004, ne suffira pas à couvrir pleinement le manque à gagner des communes, puisque, d'après les calculs qui ont été effectués, il manquera environ 50 millions d'euros.
S'agissant enfin de la reconduction du contrat de croissance et de solidarité, je m'inquiète de l'évolution de la DSR et de la DSU.
Certes, comme l'an passé, la DSU augmente légèrement. En revanche, la DSR est, pour la troisième année, victime des choix du Gouvernement, comme les départements, d'ailleurs. Or cette dotation concerne tant le milieu rural que le milieu urbain ; elle permet aux bourgs-centres, ou reconnus comme tels, de faire vivre les services de proximité. Nous savons tous ce dont il s'agit très concrètement.
Telles sont les quelques réflexions que je souhaitais formuler sur les ressources des collectivités territoriales. S'agissant des départements et des régions, je ferai deux remarques.
Les départements vont se trouver en grande difficulté. Comme le disait tout à l'heure le président de la commission des finances, ils seront les victimes directes de ce déséquilibre budgétaire créé par l'APA et, surtout, par le RMI. En tant que sénateur de l'Hérault, je puis vous dire que ce sujet préoccupe énormément, et à juste titre, les conseillers généraux de mon département.
Quant aux régions, le désengagement financier de l'État est quasi total. Cela pose un problème de fond ! En effet, je n'imagine pas que des considérations autres que strictement budgétaires soient intervenues dans ces choix.
Bien évidemment, mes amis radicaux de gauche et moi-même n'approuverons pas les choix que vous nous présentez. Pour ma part, je participerai au débat qui va suivre, dans l'espoir que le Sénat améliorera une situation qui, telle qu'elle résulte de ce projet de loi de finances, est franchement préoccupante.