Intervention de Marie-France Beaufils

Réunion du 29 novembre 2005 à 16h00
Loi de finances pour 2006 — Débat sur les recettes des collectivités territoriales

Photo de Marie-France BeaufilsMarie-France Beaufils :

Dans mon département, l'Indre-et-Loire, le conseil général constate que la partie non compensée de l'APA représente 14 millions d'euros sur 2004. Quant aux dépenses de RMI, je citerai le président du conseil général lui-même : « la compensation est très incomplète, tant dans ses principes que dans ses modalités concrètes ». Celui-ci s'inquiète également du « financement incertain » de la mise en oeuvre de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

En conclusion de son document d'orientation budgétaire, le conseil général d'Indre-et-Loire considère qu'il lui manquera 80 millions d'euros dans son budget pour 2006. Comment cela va-t-il se traduire sur le terrain ? Par la réduction des subventions aux communes et communautés, comme pour les associations ou les équipements. Par l'abandon des politiques spécifiques, pourtant appuyées par les électeurs qui les ont choisies, ou bien par le recours à l'augmentation de la fiscalité. Mais pas n'importe laquelle : celle concernant les ménages, puisque vous proposez, dans ce projet de loi de finances, de vous attaquer à la seule recette véritablement dynamique, la taxe professionnelle.

En la plafonnant à 3, 5 % de la valeur ajoutée, vous figez des recettes qui sont pourtant utilisées pour répondre aux besoins des entreprises et des salariés : le réseau routier est construit et entretenu par les collectivités territoriales ; les services rendus aux salariés des entreprises à des coûts raisonnables contribuent à la bonne santé des salariés de ces entreprises.

Vous sollicitez fortement les collectivités de tous niveaux pour faire vivre les unités de recherche et de développement, et bien souvent au-dessus de ce que vous apportez. Il s'agit d'encourager la compétitivité économique, nous dit-on, mais ce sont quand même les collectivités qui sont les plus sollicitées.

Vous déclarez, dans la présentation de vos propositions, que vous voulez responsabiliser les élus, mais les élus ont démontré leur sens des responsabilités depuis bien longtemps. En fait, vous voulez que les collectivités territoriales consacrent les ressources que vous daignez leur concéder à mettre en oeuvre la politique que vous avez décidée. Nous ne serions sur le terrain que les relais des choix arrêtés par le Gouvernement.

Vous procédez à une véritable remise en cause de la démocratie et des choix des électeurs. Vous exigez que les collectivités territoriales contribuent à la réduction du déficit public de notre pays, mais en même temps vous présentez une loi de finances qui, en les étouffant, va contribuer à tarir une part des capacités de développement des activités économiques du bâtiment et des travaux publics.

Il est des réformes nécessaires pour permettre aux collectivités territoriales de faire face aux nouvelles exigences apparues sur nos territoires. C'est ainsi que le mode de calcul de la taxe professionnelle n'a pas suivi l'évolution de l'activité économique.

La taxe professionnelle, vous le savez, pèse plus sur l'industrie que sur les activités financières. C'est donc la base de la taxe professionnelle qu'il nous faut rénover.

Sur ce sujet, nous sommes amenés à présenter des propositions très mesurées. Nous vous suggérons de taxer à 0, 5 % les actifs financiers et d'augmenter ainsi les recettes disponibles des collectivités territoriales. Cette mesure rapporterait 25 milliards d'euros puisque, selon les comptes de la nation pour 2003, ces actifs sont estimés à 5 000 milliards d'euros, contre 3 500 milliards d'euros en 2002. Elle serait plus pertinente que le plafonnement de la taxe professionnelle à 3, 5 % de la valeur ajoutée qui, une fois de plus, va pénaliser les territoires les plus industrialisés. Pour une intercommunalité comme la communauté d'agglomération de Tours, on constate que c'est plus de la moitié des bases de la taxe professionnelle qui va être ainsi écrêtée, mettant en difficulté la communauté dans les années à venir.

Avec ce plafonnement, vous ajouterez une nouvelle inégalité dans l'organisation et l'aménagement du territoire. C'est cette même inégalité que vous creusez en supprimant les crédits destinés aux transports collectifs, dont on connaît le caractère indispensable pour de nombreuses banlieues éloignées des centres villes.

Messieurs les ministres, les habitants nous ont élus pour organiser la vie locale, répondre aux besoins de chaque instant de la vie. Nous ne sommes pas chargés de mettre en oeuvre les politiques définies par l'État en lieu et place de l'État !

La résolution finale du congrès de l'Association des maires de France ne dit pas autre chose : « Le congrès demande que la dotation globale de fonctionnement cesse d'être systématiquement sollicitée pour financer des mesures décidées par l'État ».

Les élus sont prêts à faire vivre la décentralisation, mais une décentralisation démocratique, de coopération, et non de compétition entre territoires. Cela suppose que les dotations de l'État assurent une meilleure péréquation, qu'il s'agisse de la DGF, de la DSU ou de la DSR, tenant mieux compte de la situation des habitants.

Au lieu de tout cela, vous bloquez les recettes les plus dynamiques de nos collectivités, vous entravez l'autonomie de celles-ci - vous avez pourtant inscrit ce principe dans la Constitution - et, dans le même temps, vous nous demandez de faire plus.

Ainsi, par vos choix, vous voulez que les collectivités assument des augmentations d'impôts, dont on sait qu'ils sont plus lourds pour les salaires les plus bas, ou vous leur imposez de réduire les services publics, ou encore de les externaliser.

Vous le savez bien, votre projet de loi de finances pour 2006 complète la loi relative aux libertés et aux responsabilités locales. Comme le disait M. Devedjian, les habitants mécontents de leurs impôts viendront le dire devant les mairies et non plus devant les préfectures.

Non, décidément, ce projet de loi de finances n'est ni porteur d'avenir ni porteur d'espoir pour nos collectivités territoriales et leurs habitants.

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