Intervention de Ronan Kerdraon

Réunion du 13 octobre 2010 à 14h30
Réforme des retraites — Article 2

Photo de Ronan KerdraonRonan Kerdraon :

Nous abordons l’article 2, qui a toute l’apparence d’une simple disposition de coordination.

Il vient conforter les arguments que nous avons déjà présentés et qui nous conduisaient à demander la suppression de l’article 1er. Nous avons souligné, en particulier, la nature ambiguë de ce Comité de pilotage des régimes de retraite et de la confusion des pouvoirs qu’il risque d’instaurer.

En effet, le fait de substituer ce Comité de pilotage des régimes de retraite à la conférence tripartite actuellement compétente pour proposer au Parlement une éventuelle « correction » du taux de revalorisation des retraites de l’année suivante révèle deux contradictions majeures.

Au moment où l’on prétend simplifier à tout-va, on charge d’un organisme supplémentaire un paysage déjà occupé par le Conseil d’orientation des retraites, la Mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la Cour des comptes, la Commission des comptes de la sécurité sociale, la Commission de garantie des retraites, le Conseil économique, social et environnemental, entre autres !

À cet égard, il est savoureux de lire le jugement de la commission des affaires sociales sur cette mesure de substitution : « Il s’agit d’une mesure de bon sens qui permet d’éviter la multiplication des organismes ad hoc. » On ne peut que saluer ce sens de l’humour !

Au-delà, c’est le rôle même de ce Comité de pilotage qui enlève à cette substitution le caractère anodin que l’on voudrait lui donner, et cela plus encore après les modifications qui ont été adoptées par la commission des affaires sociales et qui confèrent expressément à ce comité une mission d’alerte, dès lors qu’il considérera qu’il existe un risque sérieux que la pérennité financière de notre système de retraite ne soit plus assurée.

Compte tenu de cette mission, de l’état de déséquilibre chronique du régime et du fait que le financement que vous prévoyez – et dont vous n’avez pas voulu débattre dans le cadre de l’examen de ce projet – ne permettra pas d’assurer cet équilibre, imagine-t-on un instant que le Comité de pilotage proposera de rehausser le taux de revalorisation des pensions s’il constatait une sous-évaluation des prévisions ? Notre commission ne dit pas autre chose lorsqu’elle souligne que la conférence ne s’est jamais réunie en raison « de la situation financière des régimes de retraite et du taux de croissance de l’économie nationale ».

Certes, il est vrai que la « correction » prévue par l’article L. 161-23-1 du code de la sécurité sociale peut être à la hausse, mais également à la baisse ! Il y a là, nous semble-t-il, des rôles difficilement compatibles et il est à craindre que ce comité ne se réunisse finalement pas plus que la conférence à laquelle il est amené à se substituer.

De plus, monsieur le ministre, je m’interroge sur la réelle possibilité de mettre en œuvre une telle disposition au regard des contraintes de calendrier.

Je souhaite formuler une dernière remarque sur la « rengaine » que vous nous servez en boucle, la seule que vous ayez pour justifier une telle réforme : assurer le paiement des futures retraites.

D’une part, les financements que vous prévoyez sont impropres à assurer l’équilibre du régime à moyen terme ; je ne mentionnerai que vos hypothèses de croissance, à mon sens irréalistes – d’ailleurs, elles ont été unanimement démenties –, et l’apport de 15 milliards d’euros, qui sont en réalité seulement du déficit nouveau ! D’autre part, vous ajoutez une baisse prévisible des niveaux de retraite à la baisse déjà réalisée par le changement de leur mode d’indexation.

Selon les chiffres de la CNAV, le basculement de l’indexation sur les salaires à une indexation sur les prix a déjà représenté, pour les pensions, une perte de 8 % sur la période 1994-2003. Et cela se poursuit avec une moindre évolution, certes en cumulant les effets « paramètre » et « revalorisation », puisque l’inflation reste inférieure sur le moyen et le long terme à l’augmentation des salaires. Les projections du COR laissent également présager une dégradation du taux de remplacement du salaire par la retraite de 18 à 20 points d’ici à 2030.

Voilà les certitudes que promet cette réforme : un déficit maintenu pour la CNAV, faute d’un projet de financement pérenne, et une nouvelle baisse des pensions de retraite, faute de perspectives d’emplois sérieuses. Telle est notamment l’expertise avertie de la présidente de la CNAV elle-même.

Derrière les discours, ce que l’on voit, c’est votre recours à des stratégies de procédure pour faire passer à toute force cette réforme ; c’est votre mépris pour les Françaises et les Français ; c’est la situation dans laquelle vos choix dogmatiques ont conduit les finances de ce pays ; c’est l’augmentation de la précarité et de la pauvreté ; et c’est enfin votre incapacité à assumer la responsabilité d’une telle situation !

À cet égard, le fait que vous proposiez de confier le pilotage de l’équilibre financier des retraites à un comité irresponsable est exemplaire !

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