L’article 3 de ce projet de loi a pour objet de renforcer l’information dispensée aux assurés mise en place par la loi du 21 août 2003. Il vise à leur fournir une information générale sur le système de retraite dès leur première acquisition de droits à la retraite, en créant un entretien personnalisé pour tout assuré à partir de l’âge de 45 ans.
Comme vous le savez, la loi du 21 août 2003 a instauré le droit à l’information individuelle des assurés sur leur future retraite. Comme vous le savez également, la mise en place de ce système a pris un certain temps et son application est encore inégale selon les régimes et les régions.
C’est l’actuel article L. 161-17 du code de la sécurité sociale qui codifie les modalités de ce droit à information et c’est lui que vous entendez modifier.
Concernant le fond de cet article, notre position se résume de la manière suivante : oui à l’information des assurés, mais non à la propagande en faveur de la retraite par capitalisation, non au rôle de conseil en placements et au mélange des genres !
Nous disons oui à l’information, car nous sommes favorables au fait que les assurés soient informés plus tôt et mieux sur les droits qu’ils acquièrent en matière de retraite. Nous ne pouvons être contre ce qui améliore un droit pour tous nos concitoyens.
Une fois cette position de principe énoncée, il convient d’examiner de plus près ce que l’article 3 prévoit et aussi ce qu’il ne prévoit pas, laissant ainsi les coudées franches au Gouvernement pour préciser le dispositif par voie de décret. Or, comme vous allez le constater, l’article 3 laisse ouvertes beaucoup de possibilités... C’est là que le dispositif dérape. Et le rapport de la commission ne nous rassure pas dans la mesure où il soulève autant de questions qu’il apporte de réponses.
Le « renforcement » du droit à l’information proposé par l’article 3 revêt plusieurs aspects.
Le premier nous semble acceptable : l’assuré va bénéficier d’une information générale sur le système de retraite par répartition et sera informé des règles d’acquisition des droits à pension. Le contenu exact de cette mesure sera fixé par décret, mais nous pouvons espérer, monsieur le secrétaire d'État, qu’il s’agira d’une information neutre et non orientée.
Le second aspect constitue une nouveauté : le texte prévoit que les assurés bénéficieront d’un « point d’étape retraite » à leur demande et à un âge fixé par décret. C’est à partir de là que l’article 3 autorise des dérives qui nous inquiètent.
En premier lieu, la lecture du rapport ne nous apprend pas si ce « point d’étape retraite » se fera de visu ou par téléphone. On nous dit qu’un entretien en face-à-face coûterait plus cher qu’un simple entretien téléphonique. Certes, mais il faut savoir ce que l’on veut : si l’on veut vraiment mettre en place ce point d’étape retraite, il faut en assumer le coût, c'est-à-dire celui que représentent 130 équivalents temps plein.
Au vu des limites de toutes les démarches réalisées par téléphone, nous pouvons craindre qu’un simple entretien téléphonique ne permette pas d’informer véritablement les assurés. Pour le délivrer une véritable information, il faudra les recevoir.
Comme on ne veut pas se donner les moyens d’organiser un authentique entretien, une des solutions de remplacement consisterait à s’appuyer sur les employeurs. Là, on franchit une étape très dangereuse. Cette solution serait, selon nous, très mauvaise, car elle opérerait un grave mélange des genres : ce n’est pas le rôle de l’employeur d’évoquer de telles questions avec son employé entretiens. L’employeur n’a d’ailleurs pas forcément les compétences requises pour délivrer une information complète et exacte sur ce sujet. Ainsi, il est évident qu’une PME ne dispose pas de la même expertise que le service des ressources humaines d’une grande entreprise. Cette solution nous semble donc à proscrire.
L’article 3 contient en outre, dans sa rédaction même, les conditions d’un détournement de l’objet de cet entretien. D’une simple information sur leurs droits, le point d’étape retraite pourrait devenir l’occasion d’encourager fortement et systématiquement les assurés à souscrire des produits financiers pour se constituer une retraite par capitalisation.
Nous reviendrons sur ce point dans un instant.