L’article 3 améliore le droit à l’information des assurés sociaux sur les différents régimes de retraite : c’est une bonne chose, nous en convenons tous.
Ce droit a été institué par la loi de 2003 qui prévoit la fourniture automatique, tous les cinq ans à partir de 35 ans, d’un relevé de situation individuelle et, à partir de 55 ans, d’une estimation indicative globale du montant de la pension. Cette mission est jusqu’à présent assurée par le GIP Info Retraite.
Toutefois, il n’y a aucune raison de se réjouir, car cette disposition révèle malgré tout en filigrane, les grands manques de votre projet de loi.
En effet, de plus en plus contraints à une grande mobilité géographique et professionnelle, les retraités dépendent souvent de plusieurs régimes : 42 % d’entre eux dépendent de deux régimes, 31 % de trois, 15 % de quatre, ce qui démontre la nécessité de régler le problème du calcul de la pension des polypensionnés.
À ce problème s’ajoute la question des carrières des femmes, soumises, comme le soulignent pudiquement les termes de l’alinéa 4, « aux choix et aux aléas de carrières éventuels ». Je préfère parler de carrières morcelées, avec peu de perspectives d’évolution, d’horaires décalés, de temps partiel imposé et de salaires sous-évalués, car telle est la réalité professionnelle de très nombreuses femmes !
Quels éléments de réponse le préposé à l’information pourra-t-il apporter à tous ces salariés qui ont cumulé, tout au long de leur carrière professionnelle, des petits contrats, sans arriver à décrocher un contrat durable ?
Que dire aussi à ces femmes qui travaillent depuis des années moins d’un mi-temps ou à temps partiel, avec les conséquences qui en découlent sur leurs fiches, et placées, de fait, dans l’impossibilité de faire valider leurs trimestres ? J’imagine aussi le désarroi de toutes celles et de tous ceux qui, au-delà de 45 ans ou 50 ans, ne trouvent plus d’emploi stable.
Bref, quelles réponses pourra apporter concrètement le préposé à l’information à nos concitoyens soumis aux aléas de la vie économique et sociale et rejetés aux marges du système de l’emploi durable et de la protection sociale ?
La réponse qu’apporte votre projet de loi à toutes ces questions figure à l’alinéa 5, qui prévoit la communication d’une simulation du niveau de la pension, et, à l’alinéa 4, qui instaure une information sur les dispositifs leur permettant d’améliorer le montant futur de leur pension de retraite.
Ce dernier point, je le crains, ouvre la porte à la mise en place de la capitalisation des points de retraite, et j’imagine déjà la scène où le vaillant préposé rétorquera à l’assuré : « Désolé, je ne peux rien faire d’autre pour vous, mais si vous souhaitez augmenter votre future pension, mettez de l’argent de côté, c’est tout ce que je peux vous suggérer. »
Autrement dit, après leur avoir fait subir la domination écrasante des puissances économiques et la précarité salariale, votre réforme ne fera qu’accroître la pauvreté et l’incertitude de toutes ces personnes qui n’ont pas eu la chance d’accéder à l’emploi.
Une réelle information des assurés aurait été judicieuse si votre réforme avait eu l’ambition de lutter contre la précarité salariale. Mais, pour cela, il faudrait une politique de l’emploi à contre-courant de celle que vous menez, au service de l’accroissement des profits des entreprises. Or vous ne cessez de protéger les revenus du capital, malgré les récentes déclarations du ministre du budget sur le bouclier fiscal, poudre jetée aux yeux de l’opinion au lendemain d’une forte mobilisation, alors que vous ignorez le bouclier social dont notre société a tant besoin.
Car la seule information dont disposeront les salariés de notre pays concerne le nivellement par le bas de leurs pensions, le toboggan vers toujours plus de précarité pour des millions de chômeurs et de salariés à temps partiel, dont le nombre ne cesse d’augmenter.
Autant dire qu’il nous semble indispensable d’aller bien plus loin que l’amélioration de l’information prévue par cet article.