Intervention de Évelyne Didier

Réunion du 13 octobre 2010 à 14h30
Réforme des retraites — Article 3

Photo de Évelyne DidierÉvelyne Didier :

Je veux insister sur une crainte que nous inspire l’article 3 : que le « point d’étape retraite » ne soit utilisé non seulement pour informer les assurés, mais aussi pour promouvoir la souscription de produits financiers et, donc, la retraite par capitalisation.

En effet, selon l’étude d’impact accompagnant ce projet de loi, il est prévu que cet entretien portera notamment « sur les avantages respectifs des différents dispositifs d’incitation à la prolongation d’activité ainsi que sur les dispositifs leur permettant d’améliorer le montant de leur future retraite ».

Nous y voilà !

Le « point étape retraite » à 45 ans risque de se transformer en une information orientée et une incitation systématique à recourir aux plans d’épargne retraite. Cet entretien pourrait devenir l’occasion d’une « réclame » pour les retraites par capitalisation. Le glissement est si facile et si tentant...

Nous sommes catégoriquement opposés à cette instrumentalisation du droit à l’information. Cet entretien ne doit pas servir à orienter la population vers la retraite par capitalisation sous couvert de l’informer, comme le font ces publicités déguisées en faux spots informationnels. Ce serait là un véritable mélange des genres !

Comme le souligne le rapport, de nombreux problèmes se posent quant à la nature même de l’entretien. Information ou conseil ? Information ou « vente » de produits financiers ?

Si l’entretien donnait lieu à des conseils en matière de choix de carrière, de possibilité de surcotisation, de souscription de produits d’épargne retraite, etc., les services informant changeraient de mission en faisant du conseil financier, ce qui pourrait engager leur responsabilité, et non plus de la simple information. Encore un mélange des genres entre le public et le privé… Mais cela semble devenir une habitude !

Et pourquoi ne pas confier ensuite cette mission d’information à de grandes entreprises d’assurance ou à des banques ? Évidemment, je ne fais qu’émettre une hypothèse… Toutefois, vos intentions sont connues de tous : livrer l’ensemble du système de retraite au privé, à de grandes sociétés qui n’attendent que cela et qui savent qu’elles peuvent compter sur vous.

Nous avons donc de grandes réserves sur cet article 3, qui peut constituer un véritable cheval de Troie de la retraite par capitalisation contre la retraite par répartition.

Les risques sont réels car, une fois encore, le contenu de cette étape sera déterminé par décret et donc laissé à la libre appréciation du Gouvernement.

Je conclurai par une remarque connexe. Le conseil d’administration du GIP Info Retraite a pris la décision de ne pas envoyer, cette année, d’estimation individuelle globale aux assurés de la génération de 1955, au motif que le présent projet de loi conduirait à modifier un certain nombre de paramètres de calcul des pensions de retraite.

Soulignons, mes chers collègues, ce que l’on peut qualifier d’étrange anticipation… La manière d’agir du Gouvernement et, dans ce cas précis, du conseil d’administration du GIP Info Retraite nous choque. Elle revient à considérer comme acquise l’adoption de ce projet de loi, alors même qu’il n’a pas encore été voté.

C’est une nouvelle manière de démontrer que le travail parlementaire n’a que très peu d’effet sur les textes, lesquels sortent tout droit du sommet de l’État.

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