Intervention de Marie-France Beaufils

Réunion du 13 octobre 2010 à 21h30
Réforme des retraites — Article 3, amendements 89 974

Photo de Marie-France BeaufilsMarie-France Beaufils :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la fin de l’alinéa 4 de l’article 3 que ces amendements visent à supprimer est en fait assez vague, ce qui a permis au Gouvernement d’affirmer tout à l’heure qu’elle n’avait pas le sens que nous lui donnons.

Derrière la formule « dispositifs leur permettant d’améliorer le montant futur de leur pension de retraite » se cachent des mécanismes de retraite par capitalisation, qui permettent aux plus fortunés d’épargner pour leurs retraites à venir quand les plus modestes en sont à renouveler leurs prêts à la consommation pour régler leurs factures ou faire leurs achats. C’est dire la conception que vous avez de l’équité.

En commission des affaires sociales, certains membres de la majorité sénatoriale, sans doute très attentifs aux demandes de la Fédération française des sociétés d’assurance, laquelle, vous le savez, aimerait bien pouvoir mettre la main sur les 230 milliards d’euros qui lui échappent, ont déposé des amendements tendant à réécrire cet article pour prévoir explicitement que les assurés sont informés de leur situation de retraite et des mécanismes de retraite par capitalisation. Ces amendements avaient le mérite de la transparence, mais ils ont été rejetés par la commission qui préférait la rédaction actuelle de l’article.

Cela ne change rien sur le fond : au final, l’information visée à l’article 3 contiendra bien des informations tendant à inciter nos concitoyens à opter pour la capitalisation.

Monsieur le ministre, appliquez-vous les beaux principes que vous avez énoncés à l’article 1er A ? Telle est la question que soulève l’alinéa 4 de l’article 3.

Vous avez une conception particulière de la mise en œuvre de la retraite par répartition au cœur du pacte social qui unit les générations. Les quelques mots que les amendements n° 89 et 974 tendent à supprimer sont lourds de conséquences. L’information prévue par cet article se transformerait, si elle était mise en œuvre, en un support publicitaire à destination des banques et des assurances, ce qui est à nos yeux inacceptable.

Vous rejetez pour le moment toute idée de mettre à contribution les dividendes que les établissements bancaires et d’assurance partagent entre leurs actionnaires. Ces établissements sont doublement gagnants avec le projet de loi : d’une part, ils évitent une taxation légitime, alors que les mutuelles, elles, subiront un nouveau prélèvement ; d’autre part, ils bénéficient à moindre frais, et même gratuitement, d’une publicité envoyée à tous les travailleurs de notre pays.

Nous considérons qu’il s’agit d’un dévoiement, d’un détournement de l’information de l’ensemble de nos mécanismes de protection sociale. C’est un pas de plus vers sa privatisation accrue.

La mention aux dispositifs permettant d’améliorer le montant futur des pensions de retraite des assurés est le cheval de Troie de la capitalisation dans notre système de répartition.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsque l’on a imaginé la sécurité sociale, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, ce n’était pas pour qu’elle serve de support aux entreprises commerciales, c’était pour assurer le droit de tous les salariés à une retraite leur permettant de vivre dans la dignité.

Ces quelques mots à la fin de l’alinéa 4, s’ils étaient maintenus, avec la lecture que l’on peut en faire compte tenu des amendements déposés, que je vous invite à adopter, mes chers collègues, seraient contraires aux valeurs portées par notre Constitution et par son préambule.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion