Le membre de phrase que nous souhaitons supprimer est pour le moins malvenu. En effet, il laisse croire qu’en dépit de ce projet de loi, qui, en reculant l’âge légal de départ à la retraite, est le reflet de votre conception rétrograde et capitaliste du temps de vie, nos concitoyens catégorisés comme « seniors » disposeront du choix d’allonger leur carrière pour obtenir une meilleure pension.
Je vous invite pour ma part, monsieur le ministre, à vous orienter vers une politique permettant une meilleure rémunération de l’emploi afin de ne pas contraindre les futurs retraités à rechercher des dispositifs pour améliorer le montant de leur pension.
Quant à l’entretien prévu à l’article 3, que pouvons-nous en espérer ? Qu’il soit l’occasion d’évaluer le nombre potentiel de « CDD seniors » dont un salarié pourra bénéficier pour arriver jusqu’à 67 ans? Il est vrai que l’accord du 13 octobre 2005, qui inventé un nouveau contrat précaire ciblé, a prévu le recours à un contrat à durée déterminée d’une durée maximum de dix-huit mois, renouvelable une fois, spécialement pour les seniors. Et pour continuer à creuser le déficit, c’est encore un contrat qui bénéficie d’une exonération de charges patronales de sécurité sociale.
Les seniors sont en réalité pris en otage par le double discours du patronat : d’un côté, le MEDEF, qui vous a dicté les idées directrices du présent projet de loi, réclame le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite ; de l’autre, les entreprises font tout pour se débarrasser de leurs seniors.
Mais le plus difficile pour les seniors est le retour à l’emploi, car la discrimination liée à l’âge à l’embauche est avérée. Aujourd’hui, 57 % des chômeurs de 50 ans et plus sont des chômeurs de longue durée.
Le problème tient au fait que ces données évoluent peu. La réforme Fillon de 2003 a eu un effet pervers – un de plus ! Avec les retraites anticipées pour « carrière longue », le taux d’emploi des seniors n’a quasiment pas progressé ces dernières années : 1, 4 % selon les chiffres du chômage de juin dernier.
La possibilité de sanctions financières mise en place au mois de janvier concernant l’emploi des seniors constitue encore « un coup d’épée dans l’eau » puisque les accords ne sont pas contraignants et que les entreprises continuent impunément d’exclure les seniors.
Alors qu’il aurait été plus judicieux de pénaliser fortement les entreprises qui licencient les seniors et d’obtenir un dispositif de reconnaissance de la pénibilité pour les salariés usés prématurément et dont l’espérance de vie est de ce fait réduite, vous nous présentez l’allongement de la durée de cotisation comme une solution miracle.
Encore une fois, ce sont les seniors qui souffrent le plus de la dégradation de l’emploi, laquelle pourrait durer jusqu’en 2011, selon l’Observatoire français des conjonctures économiques. Le projet de reculer l’âge de départ à la retraite de 60 à 62 ans est d’autant plus ahurissant qu’il ne peut qu’amplifier le phénomène ! Ces seniors pourraient, en effet, être au chômage deux ans de plus.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons de supprimer la fin de l’alinéa 4 de l’article 3, qui ne correspond pas à la volonté que vous exprimez de voir les futurs retraités accéder à une pension digne. Je vous le répète, monsieur le ministre, pour avoir une pension digne, encore faut-il avoir eu un salaire digne tout au long de sa carrière professionnelle.