Intervention de Yves Daudigny

Réunion du 13 octobre 2010 à 21h30
Réforme des retraites — Article 3

Photo de Yves DaudignyYves Daudigny :

Je ferai deux remarques.

La première est technique, mais conditionne l’effectivité du dispositif proposé d’entretien individuel.

La seconde est plus grave, car je crains qu’elle ne dévoile, s’il en était encore besoin, l’insincérité de ce projet à l’égard de notre système de retraite par répartition, pour le sauvetage duquel vous usez d’étranges moyens, que d’aucuns n’ont pas hésité à qualifier de « mort sur ordonnance »…

Se pose en effet une question essentielle de faisabilité, que je ne suis pas le seul à soulever. Les commissions, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, se sont interrogées, en l’absence de précisions sur les moyens matériels et humains nécessaires à la réalisation des entretiens prévus. La CNAV elle-même a fait part de son inquiétude. Comment les nouveaux frais de gestion seront-ils couverts ? Où trouvera-t-on les locaux nécessaires ? Quels personnels affectera-t-on à cette tâche ?

Ce point d’étape retraite concernerait environ 900 000 personnes par an. Toutefois, dans la mesure où les entretiens auront lieu sur l’initiative des assurés, leur nombre dépendra bien sûr du nombre de demandes. Est-il possible de l’évaluer ?

Lors du débat à l’Assemblée nationale, vous avez fait la réponse suivante, monsieur le ministre : « Nous avons [vérifié], avec les services de la CNAV, que ce qui leur est demandé sera possible. [Tout] le monde ne viendra pas. » Évidemment, dans ce cas… Malheureusement, il est fort à parier que le gros des troupes de ceux « qui ne viendront pas », comme vous dites, sera justement formé de ceux qui ont le plus besoin de cette information, ceux qui ont des carrières morcelées, dispersées entre intérim et CDD, ceux qui sont socialement précarisés et qui ne se connaissent pas de droits.

Même si l’on ne table, comme vous le faites, que sur 30 % de demandes d’assurés d’une même classe d’âge, celles-ci représentent tout de même 270 000 entretiens d’une heure et supposent de mobiliser 170 équivalents temps plein. Vous envisagez, si j’ai bien compris, le redéploiement de tout ou partie des moyens prévus pour les entretiens-conseil personnalisés, d’ores et déjà programmés par la convention d’objectifs et de gestion conclue entre la CNAV et l’État pour la période 2009-2013. Or les entretiens de ce type s’adressent aux assurés de plus de 55 ans et sont censés durer une heure trente.

Enlever ici pour mettre là, de surcroît au détriment d’un dispositif prévu dans l’intérêt des seniors, dont on sait la situation au regard de l’emploi, n’est pas de bonne politique, c’est le moins que l’on puisse dire.

Faute de réels moyens, vous risquez surtout de mettre un peu plus les caisses en difficulté.

Ma seconde question conduit à la même conclusion que la première : êtes-vous vraiment sincère lorsque vous affirmez vouloir « sauver » le système de retraite par répartition ?

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