L’allongement de la durée de cotisation comporte de graves conséquences sur la situation de l’ensemble des travailleurs. Couplé avec le recul de l’âge légal de départ à la retraite, avec la montée du chômage et la baisse importante des revenus et des salaires dans certaines branches d’activité, la prolongation de la durée d’assurance va peser plus lourdement sur certains salariés et travailleurs indépendants.
Mes chers collègues, je voudrais aborder la question des activités agricoles. L’agriculture connaît sa plus grave crise depuis trente ans ; toutes ses filières sont touchées par une baisse de revenus.
Lors de son discours au sommet de l’élevage, voilà un an, le ministre de l’agriculture déclarait avec enjouement : « Je suis très sensible à la dette que la nation a envers les générations d’agriculteurs. Ce sont eux qui ont façonné le paysage. Ce sont eux qui ont construit une agriculture française forte. Ce sont eux qui ont permis de préserver le modèle agricole pour lequel je me bats aujourd’hui. Le Premier ministre a accepté deux mesures que nombre d’entre vous m’avaient réclamées : le relèvement du plafond de ressources de 750 euros à 800 euros, soit un gain de 17 millions d’euros pour 60 000 retraités ; l’amélioration de la revalorisation pour les conjoints participants qui ont racheté des périodes de conjoints collaborateurs, soit un gain de 1 million d’euros pour les conjoints. »
De notre point de vue, ces annonces faites par le ministre de l’agriculture aux retraités agricoles sont une provocation.
Tout d’abord, les agriculteurs ne sont pas responsables du manque à gagner de la Mutualité sociale agricole, ou MSA. La politique agricole commune, sous l’égide de l’Union européenne et de l’Organisation mondiale du commerce, a réduit dramatiquement le nombre d’agriculteurs, le ramenant de plus de 2 millions à moins de 500 000 aujourd’hui, et à 200 000 d’ici à dix ans.
De plus, la libéralisation des prix imposée par l’Union européenne a abouti au résultat que les agriculteurs n’ont plus de revenu, le négoce, la transformation et la grande distribution imposant des prix toujours à la baisse. Comment leur demander de payer leurs cotisations sociales sans revenu ?
Les exonérations proposées dans le plan d’urgence de Nicolas Sarkozy ne sont pas une solution viable sur le long terme. La question centrale, qui n’est absolument pas réglée par la loi de modernisation de l’agriculture, est celle du revenu agricole.
Tant que le Gouvernement refusera de prendre des mesures fortes pour assurer un revenu décent aux agriculteurs et des prix rémunérateurs, il n’y aura pas d’issue pour les travailleurs du secteur.
Aujourd’hui, un grand nombre de retraités paysans doivent survivre avec 400 euros par mois ; vous le savez bien, mes chers collègues !
La droite de Nicolas Sarkozy condamne toute cette catégorie socioprofessionnelle à s’accommoder de vivre sous le seuil de pauvreté, qui est fixé en France à 817 euros par mois. Scandaleux paradoxe pour celles et ceux dont la mission était de nourrir leurs semblables que d’aller, à l’heure de la retraite, chercher un repas, parfois un toit, des vêtements auprès d’associations !
Depuis plusieurs années, les agriculteurs retraités revendiquent sans concession l’amélioration de leur situation. Le diagnostic, partagé, est on ne peut plus clair. Un exploitant agricole ayant eu une carrière complète touche en moyenne une retraite de base de 633 euros, son conjoint percevant 506 euros, contre 980 euros pour un nouveau retraité du régime général en 2009.
À cela s’ajoute depuis 2003, pour 1, 8 million d’agriculteurs retraités, une retraite complémentaire obligatoire d’une moyenne mensuelle de 90 euros, dont sont toujours privés les conjoints et aides familiaux.
Ensuite, on ne peut pas aborder la question des retraites sans aborder celle du travail. Monsieur Woerth, lors des questions au Gouvernement de la séance du jeudi 30 septembre dernier, vous déclariez que la retraite était une question d’âge. De notre point de vue, c’est une vision très réductrice !
Défendre un niveau acceptable de retraite ne relève pas de la gestion comptable. Il est nécessaire de s’attacher au niveau de revenu, au temps journalier que les travailleurs consacrent à leur activité et à la pénibilité qu’ils endurent.
Sur cette question, et nous y reviendrons tout au long des débats, les métiers agricoles sont difficiles physiquement et, au regard du contexte économique délétère, les tensions psychologiques deviennent de plus en plus lourdes.
Je tenais à préciser tous ces éléments sur le monde agricole à l’occasion de l’examen de l’article 4.