Intervention de Marie-Agnès Labarre

Réunion du 13 octobre 2010 à 21h30
Réforme des retraites — Article 4

Photo de Marie-Agnès LabarreMarie-Agnès Labarre :

Le nombre de retraités est passé de 7 millions à 15 millions en trois décennies, et ce quasiment sans hausse de cotisation. C’est la création d’emplois, environ 2 millions en dix ans, qui a permis de financer cette augmentation.

Nous le voyons donc bien, c’est la baisse massive du chômage qui est le véritable levier du financement de notre système de retraite, et non l’augmentation de l’âge légal et de la durée des cotisations.

Aucune de vos propositions, rien dans la politique que vous conduisez ne va dans ce sens. Notre opposition est donc résolue.

Quand bien même un effort significatif en matière d’emploi serait accompli sans produire la totalité du financement attendu pour préserver et améliorer notre système de retraite par répartition, d’autres sources de financement pourraient être mobilisées. Il suffit pour cela de vouloir ramener dans la sphère publique les milliards d’euros que vous avez siphonnés au profit de la rémunération du capital et de la rente.

Vous ne le voulez pas. Dont acte. Nous le ferons, parce que nous, nous le voulons. Et le peuple, qui n’a pas fini de vous le rappeler dans la rue, le veut également.

Vous avez pris aux pauvres pour donner aux rentiers et – quelle surprise ! – les caisses de solidarité se tarissent. Nous les remplirons par l’emploi, par la justice fiscale. Nous administrerons ainsi la preuve que des retraites convenables peuvent être versées sans toucher à l’âge légal de 60 ans, sans baisser le montant des pensions, en reconnaissant à la fois les particularités de certains métiers, la situation spécifique des femmes, la durée des études, et ce sans allongement de la durée des cotisations, qui reviendrait à remettre en cause le départ à 60 ans.

Compte tenu de l’entrée de plus en plus tardive sur le marché du travail, compte tenu aussi du développement du travail précaire et du statut de « travailleur jetable », vous savez pertinemment que l’augmentation de la durée des cotisations aura pour effet d’obliger les salariés à travailler sans limite d’âge afin de pouvoir bénéficier d’une retraite à taux plein.

Mes chers collègues, vouloir maintenir l’âge du départ à la retraite à 60 ans et accepter d’augmenter la durée des cotisations est donc à la fois stupide et cynique.

Vos mesures, qui sont pénalisantes pour tous, toucheraient particulièrement deux groupes de personnes : d’une part, les salariés aux carrières courtes ou discontinues, qui sont essentiellement des femmes ; d’autre part, les jeunes, puisqu’on constate au fil des générations la montée de leurs difficultés d’insertion dans l’emploi, qui diminue d’autant leur capacité à valider un nombre suffisant d’annuités pour leur retraite.

Selon le COR, les femmes qui sont parties à la retraite en 2004 ont validé en moyenne vingt trimestres de moins que les hommes. Leurs pensions sont en moyenne de 40 % inférieures à celles des hommes. Parmi les retraités, seulement 44 % des femmes ont validé une carrière complète, contre 86 % des hommes. Si cet écart se réduit, il est loin d’avoir disparu.

Un quart des femmes nées en 1950 n’avaient validé aucun trimestre entre 51 ans et 55 ans, contre 15 % des hommes, et ce en raison des difficultés d’emploi à de tels âges.

Par conséquent, toute augmentation de la durée de cotisation signifie que beaucoup plus de femmes que d’hommes devront soit prendre leur retraite à un âge plus tardif, soit subir une décote plus forte, puisqu’elles seront en moyenne encore plus loin de la durée exigée que les hommes. Votre réforme constitue donc une forme de discrimination à leur égard. Vous le savez, mais vous persistez !

Vous ignorez également, semble-t-il, que les femmes cumulent tout au long de leur vie de fortes inégalités par rapport aux hommes. Elles ont un temps de travail total, rémunéré ou non, souvent domestique, toujours supérieur, un salaire moyen qui reste très inférieur et un accès limité aux fonctions dirigeantes, alors même qu’elles sont plus diplômées que les hommes depuis une trentaine d’années. Elles travaillent donc déjà plus, et plus longtemps, que les hommes pour beaucoup moins de rémunération. Vous le savez, mais vous persistez à vouloir dégrader encore plus leur retraite !

Et pour les jeunes, le nombre d’annuités validées à l’âge de 30 ans ne cesse de diminuer au fil des générations.

Cette baisse traduit, outre une augmentation de la durée des études, la plus grande difficulté d’insertion sur le marché du travail, liée à votre politique du chômage. Elle signifie que, pour atteindre quarante-deux annuités, la génération née en 1974 devra travailler au moins jusqu’à 64, 3 ans, et ce dans le cas très favorable, mais improbable, où elle réussirait à valider trente annuités entre 30 ans et 60 ans.

Votre réforme constitue donc à l’égard des jeunes une forme de double peine. Là encore, vous le savez, mais vous persistez !

Votre réforme est marquée de bout en bout du sceau de l’injustice sociale. Vous franchissez là une étape supplémentaire dans la régression sociale et dans l’iniquité.

La réforme juste sera celle qui, d’une part, corrigera les inégalités existantes entre les sexes ou au détriment des jeunes et des personnes exerçant un métier pénible et, d’autre part, garantira à tous une retraite de haut niveau.

La solution existe ; elle passe par une meilleure répartition des richesses et du travail. Cette réforme, vous n’en voulez pas. Eh bien, c’est nous qui la ferons !

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