Intervention de François-Noël Buffet

Réunion du 29 avril 2009 à 14h30
Débat sur la politique de lutte contre l'immigration clandestine

Photo de François-Noël BuffetFrançois-Noël Buffet :

Cela étant, on voit bien la difficulté, en la matière, de faire la part des choses entre la réalité du droit et la réaction affective très forte que peut susciter telle ou telle situation.

Vous vous êtes récemment rendu à Calais, monsieur le ministre, où l’on constate une recrudescence du nombre de migrants. Je souhaiterais que, à l’occasion de ce débat, vous puissiez dire au Sénat comment le Gouvernement envisage de régler la situation. À cet égard, il faut signaler les efforts très importants qui ont été accomplis par l’État pour assurer l’hébergement des étrangers en situation de détresse, quelle que soit leur situation administrative au regard du droit au séjour : accueil dans les centres d’hébergement d’urgence, mise en place de services médicaux, orientation et accompagnement dans les démarches administratives.

Pour « endiguer » le problème, il faut apporter une réponse durable. Nous devons prendre toutes les mesures nécessaires, dans le respect de nos engagements européens, pour accroître l’efficacité du contrôle des frontières. L’effort doit porter en premier lieu sur la prévention de l’immigration irrégulière, c’est-à-dire sur la réduction des flux. Il faut rendre la tâche de ceux qui exploitent la misère de manière indigne beaucoup plus difficile, voire impossible.

Il n’est pas de politique crédible de contrôle de l’immigration sans possibilité d’éloigner les personnes qui n’ont pas le droit de séjourner sur le territoire. Pour éviter l’apparition de situations humaines difficiles, cet éloignement doit intervenir le plus rapidement possible après l’entrée sur le territoire, ce qui ne signifie pas que le respect du droit ne soit pas garanti.

La législation a évolué au cours des dernières années en matière de droits ouverts et d’exercice de ces droits, l’objectif étant précisément de faciliter les recours et de permettre une réponse judiciaire rapide, de façon que les situations difficiles ne perdurent pas. Nous savons en effet que le temps est un partenaire sans faille de ceux qui entendent rester illégalement sur notre territoire.

Par ailleurs, le nombre de réseaux clandestins démantelés doit devenir l’un des nouveaux critères de la politique de lutte contre l’immigration clandestine, monsieur le ministre.

La commission d’enquête sénatoriale sur l’immigration clandestine recommandait notamment la mise en place d’outils statistiques, indispensables pour évaluer et analyser l’immigration clandestine.

Par définition, il est très difficile de connaître précisément le nombre d’immigrés clandestins, mais les estimations dont nous disposons varient du simple au double, ce nombre étant compris entre 200 000 et 400 000 ! Une telle marge d’imprécision doit sans doute pouvoir être réduite, et c’est pourquoi il nous paraît important de mettre en place des outils statistiques adéquats.

L’efficacité de la lutte contre l’immigration clandestine dépend aussi très largement des actions conduites contre le travail clandestin.

Les sanctions prévues à l’encontre des employeurs, y compris les donneurs d’ordres et les sous-traitants, qui se rendent coupables d’infraction à la législation en matière de travail illégal ont été renforcées en 2003 et en 2004.

Faut-il rappeler que la loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration comporte un ensemble de dispositions nouvelles visant à une meilleure efficacité de la lutte contre le travail illégal des étrangers ? Parmi ces dispositions figure notamment l’obligation faite désormais à un employeur de vérifier, avant toute embauche, l’existence du titre autorisant l’étranger intéressé à exercer une activité salariée en France.

Selon les rapports remis par le Gouvernement, les opérations conjointes de lutte contre le travail illégal menées en 2007 ont été un succès : elles ont permis d’engager 522 procédures à l’encontre d’employeurs d’étrangers dépourvus de titre de travail, soit plus qu’un doublement par rapport à 2006, et d’interpeller 992 étrangers en situation irrégulière, contre 430 seulement en 2006. Il faut naturellement poursuivre cette action contre les employeurs de main-d’œuvre clandestine.

Il est également important de continuer à lutter contre la fraude documentaire. La sécurisation de la délivrance des documents d’identité doit être renforcée. Il a été rappelé tout à l’heure qu’en métropole l’immigration clandestine résultait souvent de la transformation d’une situation régulière en situation irrégulière, des étrangers entrés régulièrement sur le territoire métropolitain grâce à un titre de séjour temporaire, d’une durée de validité de trois mois habituellement, ne repartant pas dans leur pays d’origine. Sur ce point, la commission d’enquête sénatoriale avait proposé la mise en place d’un visa diptyque, permettant de contrôler également la sortie du territoire.

En outre, il est absolument nécessaire d’assurer une dimension européenne et internationale à la lutte contre l’immigration irrégulière. Dans cette optique, l’adoption du pacte européen sur l’immigration et l’asile, sous la présidence française de l’Union européenne, est une avancée intéressante qui fait suite à un travail considérable. Il reste certes à préciser les moyens à mettre en place, mais tous les gouvernements, quelle que soit leur couleur politique, se sont mis d’accord sur le constat, notamment sur le fait qu’il ne fallait plus procéder à des régularisations massives. L’Espagne et l’Italie ont ainsi décidé de ne plus avoir recours à cette procédure, qui suscite, de facto, un phénomène d’aspiration, les candidats à l’immigration ayant l’impression qu’avec le temps ils finiront toujours par obtenir un titre de séjour. Il n’en ira désormais plus ainsi.

Par ailleurs, nous souhaitons la transposition rapide et intégrale dans notre droit interne de la directive européenne relative aux sanctions contre les employeurs de ressortissants de pays tiers démunis de titre de séjour. Il est en effet indispensable que nous renforcions notre arsenal législatif sur ce point.

Enfin, monsieur le ministre, vous avez signé, le 5 février dernier, une circulaire sur les conditions d’admission au séjour des étrangers victimes de la traite des êtres humains ou du proxénétisme coopérant avec les autorités administratives et judiciaires. Un procès a été fait à ce texte. Pour ma part, j’estime que c’est une bonne mesure et qu’il est pertinent de régulariser les victimes ayant dénoncé leur passeur ou leur souteneur. Il faut en effet savoir qui nous entendons protéger : le réseau mafieux ou la victime ?

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