Dans la réflexion que nous avons menée sur la question des jeunes âgés de dix-huit à vingt-cinq ans, y compris avec les organisations syndicales et les organisations de jeunes, aucun consensus ne s’est dégagé sur la question de savoir si le dispositif devait être appliqué aux jeunes âgés de plus de vingt-cinq ans n’ayant pas d’enfant à charge.
La situation de ces jeunes, coincés entre différentes politiques publiques, est extrêmement difficile. Pour y remédier, nous vous proposerons une démarche voisine de celle que nous avions appliquée aux familles, voilà trois ans et demi, et qui avait débouché, avec le consensus de tous les acteurs, sur une quinzaine de propositions intéressantes, dont, notamment, la réduction de la pauvreté et l’instauration d’un revenu de solidarité active. Il faut avoir la même approche en ce qui concerne les jeunes et élaborer des programmes expérimentaux permettant d’améliorer leur situation.
Puis, vous avez évoqué les caisses d’allocations familiales, en soulignant que leur réseau sera en première ligne et qu’elles auront besoin de moyens. J’ai indiqué au conseil d'administration de la caisse nationale d’allocations familiales, la CNAF, que j’étais en mesure de mettre à sa disposition une enveloppe supplémentaire pouvant aller jusqu’à 100 millions d'euros afin de permettre de supporter le déploiement du revenu de solidarité active dans les CAF.
Vous le voyez, nous essayons d’élaborer une réforme qui marche, et non pas une réforme qui dérange, qui paralyse, qui bloque. Vous aurez donc satisfaction sur ce point. En effet, il me paraît tout à fait normal de tenir compte de l’alourdissement de la charge de travail, lié au dispositif du RSA, pour le réseau des caisses d’allocations familiales.
Vous m’avez demandé si je comptais démissionner au vu du budget dont je dispose. Dans mes déclarations, que vous pouvez reprendre, j’ai dit que le revenu de solidarité active nécessitait la mobilisation d’une somme se situant dans une fourchette comprise entre 2 et 3 milliards d'euros.
La contribution sur les revenus du capital doit nous apporter 1, 5 milliard d'euros. À cela s’ajoutent les 500 millions d’euros du fonds de mobilisation départementale pour l’insertion qui a été reconduit. L’indexation de la prime pour l’emploi permet d’orienter 400 millions d'euros supplémentaires vers les revenus modestes. Nous en sommes donc à 2, 4 milliards d'euros. Mais mon sort importe peu dans l’affaire ! C’est celui des plus pauvres qui me préoccupe. Si ces derniers peuvent bénéficier d’une redistribution se situant dans cet ordre de grandeur, tant mieux ! Mais pour cela, il ne faut pas que la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité soit votée.
Vous avez cité les dixième et onzième alinéas du préambule de la constitution de 1946.
Pour ma part, je considère qu’il y a violation des principes constitutionnels lorsque certaines personnes ne gagnent pas d’argent et sont taxées à 100 % quand elles reprennent un travail, lorsque certains peuvent échapper complètement aux contributions grâce aux niches fiscales et, enfin, lorsque la dignité n’est pas assurée.
Enfin, je m’inscris en faux contre une vision selon laquelle il faudrait faire un tri entre pauvres méritants et non méritants. Simplement, je ne suis pas schizophrène ! Les associations auxquelles j’ai appartenu n’avaient qu’une seule parole : il s’agissait de faire en sorte que les gens puissent se tenir debout à nouveau et vivre dignement de leur travail, sans être lâchés par la solidarité nationale. Il ne s’agit pas là d’une formule. C’est une quête permanente.
D'ailleurs, au-delà des indicateurs de pauvreté qui sont fondamentalement importants, le juge de paix de l’efficacité du revenu de solidarité active sera la proportion de personnes d’âge actif tirant la majorité de leurs revenus de leur travail : ce nombre augmentera-t-il ou non ? C’est sur ce point, ainsi que sur la réduction de la pauvreté, qu’il peut y avoir consensus de la demande.
Que les revenus soient ensuite complétés par des aides au logement, des prestations familiales, une prime pour l’emploi, un revenu de solidarité active, cela me paraît normal. Mais il faut faire en sorte d’éviter la logique du tout ou rien : soit vous avez des revenus du travail et vous vous en sortez, soit vous dépendez des prestations sociales. Il faut envisager un panachage entre les deux situations.
Il n’y a pas de vraie divergence entre nous. Nous aspirons tous à ce que chacun dans la société ait un emploi bien rémunéré, intéressant, qui permette de s’en sortir vraiment.
La question qui me taraude est de savoir comment organiser la transition de façon à ne pas faire chuter les gens qui sont déjà sur la pente et à faire remonter ceux qui le peuvent, par marches intermédiaires. C’est toute l’ambition de ce projet de loi. D’où l’importance des indicateurs, des systèmes de suivi, du rôle respectivement du Parlement lors des rendez-vous annuels, des partenaires sociaux pour le suivi, des comités de pilotage mis en place par les départements, y compris avec les personnes concernées.
Vous ne pouvez pas nier que, parmi les principes forts de notre droit figure le fait de donner la parole à ceux qui ont le plus de difficultés. Vous ne pouvez pas nier que nous avons associé très utilement nombre d’allocataires du RMI aux programmes expérimentaux et aux groupes de travail. Un certain nombre d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, en tant que président ou vice-président de conseil général, ont vu ces groupes fonctionner.
Le projet de loi prévoit leur association obligatoire aux différentes instances, y compris à celles du service public de l’emploi. J’indique d’ailleurs que ce dernier aura pour la première fois un médiateur chargé des relations entre les usagers et les agents du pôle emploi.
Je vous trouve donc injuste dans les jugements que vous portez.
Si le Sénat adoptait cette motion et si ce texte n’allait pas jusqu’à son terme, quelle serait la solution de remplacement ? Ce serait le statu quo ! Ce seraient 447 euros dont on déduit les revenus du travail ; ce seraient des chômeurs reprenant un emploi avec les contrats aidés et n’ayant pas droit à l’intéressement ; ce serait des travailleurs pauvres et des salariés modestes sans complément de revenu ; ce serait une situation beaucoup plus difficile.
Je ne me sens vraiment pas en mesure d’annoncer aux 3, 5 millions de personnes qui pourraient bénéficier de revenus complétés par le RSA que, compte tenu de l’adoption de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, elles n’y auront pas droit ! Je vous demande donc, mesdames, messieurs les sénateurs, de ne pas adopter cette motion.