Par cet amendement, important pour notre groupe, nous en revenons au problème des honoraires. Nous proposons de remplacer les termes « le tact et la mesure », qui sont dénués de tout sens et autorisent tous les abus, par la formulation suivante, plus claire : « un plafond dont le montant est défini par décret ».
La situation dans laquelle on place les patients n’est, en effet, plus supportable. Nos concitoyens ne comprennent plus, et ils ont raison, pourquoi certains professionnels de santé pourraient leur appliquer, en fonction de critères qui leur sont propres, des tarifs différents de ceux qui sont prévus dans le secteur concerné, notamment le secteur 1.
Les professionnels, de leur côté, les rares fois que des poursuites sont engagées à leur encontre, affirment respecter le tact et la mesure. Ils le peuvent d’autant plus qu’aucune disposition légale n’en précise les contours.
Si la jurisprudence du Conseil d’État n’a jamais fixé un montant plafond pour ces dépassements, elle en a cependant arrêté les limites. Le manquement au « tact et mesure » a ainsi été caractérisé pour des honoraires « dépassant le double du tarif conventionnel, à l’occasion d’actes ne comportant pas d’investigations particulières en matière de diagnostic ni d’actes thérapeutiques longs et délicats ».
Selon les arguments avancés par l’Ordre national des médecins, « les critères directeurs » sur lesquels le « tact et mesure » se fonde consistent dans la prestation effectuée, le temps consacré au patient et le service rendu. S’y ajoutent des « critères seconds », qui tiennent à la notoriété du praticien et à la situation de fortune du patient.
Le Conseil d’État a d’ailleurs répondu que le « mode d’exercice de la profession médicale et sa notoriété ne justifiaient pas l’importance et le caractère systématique des dépassements d’honoraires » pratiqués par le médecin, ce qui constituait également un manquement au tact et à la mesure.
Toujours pour le Conseil d’État, le seul fait que le patient bénéficierait d’une mutuelle complémentaire intégrant la prise en charge des dépassements d’honoraires ne pouvait justifier qu’on lui appliquât des dépassements.
Au final, parmi l’ensemble des critères permettant à l’Ordre national des médecins de justifier les dépassements d’honoraires, un seul n’a pas été rejeté par le Conseil d’État. Il s’agit, aussi bizarre que cela puisse paraître, de la situation de fortune du patient. En réalité, les patients les plus riches ne sont pas, bien entendu, et cela se comprend, ceux qui se plaignent le plus de ces dépassements. Sur le fond, nous considérons que, lorsque ces derniers atteignent certains niveaux, ils ne sont pas acceptables sans qu’il y ait lieu de chercher à connaître la fortune du patient.
On peut d’ailleurs s’interroger si, ce faisant, les médecins ne se transforment pas, pour un temps, en experts d’évaluation des signes extérieurs de richesse. À moins que les patients soient pleinement conscients de cette situation et que les médecins trouvent dans ces dépassements les moyens de sélectionner par l’argent les patients qu’ils souhaitent soigner.
Aussi l’adoption de cet amendement nous semble-t-elle de nature à apporter des solutions concrètes sur un sujet qui revêt une importance majeure pour nos concitoyens.